Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice remet les TIG sur le métier

Éric Dupond-Moretti a présenté, le 3 mai en conseil des ministres, deux projets de loi s’inscrivant dans la continuité des États généraux de la justice, dont un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère pour les années 2023-2027. Le texte prévoit à son tour de faciliter le recours aux TIG, qui peinent toujours à se déployer.

Le garde des Sceaux a présenté ce 3 mai en conseil des ministres deux projets de loi s'inscrivant dans le cadre de son "plan d'action pour une justice plus rapide et efficace" présenté au début de l'année, lui-même s'inscrivant dans la continuité des États généraux de la justice qu'il a organisés de l'automne 2021 au printemps 2022.

Réforme du déroulement de la procédure pénale

Le premier projet, de loi organique, est relatif "à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire". Afin de faire face "aux difficultés particulières de recrutement" rencontrés "dans certains territoires où la présence de la justice est primordiale, Bastia, Cayenne, Mamoudzou, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon", il prévoit notamment la création d'une nouvelle priorité d'affectation pour les magistrats s'étant engagés à occuper pendant une durée déterminée un tel poste.
Le second, qui intéressera davantage les collectivités, est un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère pour les années 2023-2027, qui prévoit notamment le renforcement des moyens budgétaires et humains de l'institution judiciaire. Il entend également "simplifier et moderniser la procédure pénale", mesure régulièrement réclamée par les forces de sécurité (voir dernièrement notre article du 27 avril). Elle prendrait à la fois la forme d'une réécriture à droit constant, par voie d'ordonnance, et d'une refonte du déroulement de la procédure, de l'enquête à l'exécution des peines en passant par l'instruction et le jugement. Seraient notamment réformés le régime des perquisitions, le statut de témoin assisté ou encore l'extension des techniques spéciales d'enquête pour permettre l'activation à distance d'appareils connectés aux fins de géolocalisation et de captations de son et d'images.

Le rocher de Sisyphe des TIG

Le texte vise également à favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG), comme tant d'autres auparavant. Dernièrement, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 (voir notre article du 27 mars 2019), qui a notamment donné naissance à l'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. Et plus récemment encore, la loi du 8 avril 2021 sur la justice de proximité (voir notre article du même jour). Le tout sans grand résultat, le Covid n'ayant il est vrai guère aidé (voir notre article du 21 juin 2021). "Le nombre global de prononcés de peines impliquant un TIG, toutes juridictions confondues, s'avère en baisse", déplore ainsi l'étude d'impact de la loi (-12% entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2021). Elle pointe également une baisse de 22,7% du nombre global de mesures impliquant la réalisation d'un TIG prises en charge par l'administration pénitentiaire sur la même période.

Favoriser les conversions de peine d'emprisonnement en TIG

Pour y remédier, le texte entend d'abord pérenniser et généraliser la possibilité d'accueil de l'économie sociale et solidaire, dont l'expérimentation, jugée concluante, avait été rendue possible par la loi du 23 mars 2019 précitée et son décret d'application du 26 décembre 2019 (voir notre article du 23 janvier 2020). En revanche, en raison de l'absence d'habilitation de sociétés à mission durant cette période d'expérimentation, il a été décidé le prolongement de cette dernière pour ces sociétés. 
Le projet de loi propose ensuite de systématiser le prononcé d'une peine encourue en cas d'inexécution du TIG. 
Il prévoit enfin de faciliter les décisions par le juge de l'application des peines lorsqu'il souhaite convertir une courte peine d'emprisonnement en TIG. L'étude d'impact estime en effet que la diminution du recours au TIG s'explique principalement "par une baisse significative des conversions des peines d'emprisonnement en mesure de TIG (ou sursis probatoire renforcé par un TIG)". Une mesure dont on peut douter qu'elle réponde aux attentes des forces de l'ordre précédemment évoquées.

Publicité foncière et conseil de juridiction

Parmi les multiples dispositions du projet de loi, on relèvera également qu'il vise à proroger l'autorisation accordée au gouvernement par la loi 3DS de procéder par voie d'ordonnance à la réforme de la publicité foncière, "en raison de la grande technicité et de la diversité des acteurs impliqués". Il prévoit encore la participation des parlementaires aux conseils de juridiction, mesure notamment préconisée par Adeline Hazan lors de son audition en 2022 par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat (voir notre article du 24 février 2022).
Les deux projets de loi ont été déposés au Sénat. La procédure accélérée a été engagée dans les deux cas par le gouvernement.