Archives

TIG : collectivités, encore un effort !

Objet de toutes les attentions ces dernières années, les travaux d'intérêt général peinent à passer à la vitesse supérieure. Le Covid n'a bien évidemment pas aidé, contrariant notamment le mouvement dans les associations. Plus que jamais, l'action des collectivités sera déterminante pour atteindre l'objectif des 30.000 postes en 2022.

"L'offre de TIG est aujourd'hui trop rare et trop mal répartie sur le territoire", déplorait il y a tout juste dix ans – le 14 juin 2011 – le garde des Sceaux d'alors, Michel Mercier (voir notre article du 15 juin 2011). Pour y remédier, le ministre organisait ce jour-là le "1er forum du travail d'intérêt général" (TIG), avec pour objectif "de développer le TIG en sensibilisant à ces questions les élus des collectivités territoriales", parmi d'autres publics. En vain ?

Interrogée le 25 janvier dernier sur Europe 1, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, estimait que "les TIG sont très peu utilisés". "Le TIG représente seulement 3,5% des peines prononcées à l'audience. Pourtant, cette peine [contrairement à une idée répandue, le TIG n'est pas une alternative à la poursuite] favorise l’insertion des personnes condamnées et la prévention de la récidive", concède sur son site l'Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle. Cette dernière, dont la création a été proposée début 2018 par le rapport Paris-Layani et mise en œuvre par un décret du 7 décembre de la même année, a précisément pour missions de favoriser le recours à cette peine d'une part, d'augmenter et de diversifier le nombre de postes offerts sur le territoire d'autre part.

Indispensables collectivités

L'objectif fixé en 2019 est de passer des 18.000 postes alors offerts à 30.000 en 2022. Il ne sera vraisemblablement pas atteint. Une fois encore, les collectivités ont été invitées à prendre leur part, même si "elles offrent déjà les trois quarts des postes", souligne Sylvain Lhuissier, responsable communication de l'agence. "En Haute-Saône, les collectivités représentent plus de 80% de la petite centaine de structures habilitées", corrobore Sophie Belot, l'une des 72 référents territoriaux de l'agence – le réseau est désormais au complet –, chargée des départements de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort. Elle salue notamment l'effet bénéfique de la convention de partenariat nouée entre l'agence et l'Association des maires ruraux de France. "C'est un soutien important." Dans le Territoire de Belfort, Sophie Belot met en avant le partenariat noué depuis plusieurs années avec la communauté d'agglomération du Grand Belfort – "où un référent du service médiation fait le lien avec une quinzaine de lieux de TGI, c'est très précieux" – ou encore avec le conseil départemental, qui offre près d'une cinquantaine de postes. "La plupart des communes jouent le jeu", conclut-t-elle. La référente relève néanmoins que l'externalisation des services dans les communautés de communes pourrait à l'avenir constituer un frein. À l'inverse, et contrairement au secteur associatif, le fait que les communes n'aient pas à se plier au renouvellement de leur agrément tous les cinq ans est un plus. "Cela fluidifie les choses, même si les changements d'équipes municipales ne sont pas sans susciter, parfois, quelques fluctuations". Sylvain Lhuissier relativise : "le TIG n'est ni de droite, ni de gauche, ou plus exactement plait aux deux bords. La première apprécie la promotion de la valeur travail et le principe de la réparation [le "tu casses, tu répares" de Pierre-Yves Bournazel, à l'initiative de la récente loi justice de proximité – v. infra]. La seconde, l'alternative à la prison".

Le défi de la mobilité

Reste, que comme le soulignait Christian Mouhanna, chargé de recherches au CNRS, dans un entretien accordé l'an passé au Recueil Dalloz, "on ne manque pas de poste dans l’absolu. Mais il faut trouver le poste adapté à la personne condamnée". Adapté à ses compétences, mais aussi à ses moyens, notamment de locomotion. "Sur le Territoire de Belfort, dense, je rencontre peu de difficultés en la matière. En revanche, la mobilité constitue mon principal défi en Haute-Saône, où le territoire est beaucoup plus vaste, comptant plus de 500 communes", souligne Sophie Belot, qui relève "que beaucoup de tigistes se sont vu retirer leur permis de conduire". D'où la nécessité que les petites communes rurales s'investissent.

Diversification des missions… et Covid

Autre défi de Sophie Belot, "la diversification des tâches confiées aux tigistes. L'entretien de la voirie, des espaces verts, des équipements sportifs ou des bâtiments constituent la grande majorité des missions. Mais d'autres postes sont possibles, que ce soit pour accueillir les usagers, dans les services administratifs, dans les services d'archives, les bibliothèques, en restauration collective, etc.".

Le Covid a d'ailleurs contribué à rebattre – un peu – les cartes. "Les missions dans les structures sportives, qui accueillent généralement beaucoup de tigistes, se sont considérablement réduites. À l'inverse, celles dans les services voirie se sont multipliées, avec la hausse des tâches de nettoyage, de désinfection…", constate-telle. Néanmoins, le premier effet du confinement a surtout été de mettre le dispositif entre parenthèses. "Avec la fermeture des services judiciaires, aucun placement n'était possible", indique la référente. Certains postes se sont également taris, "notamment dans le secteur associatif, où beaucoup de bénévoles sont des retraités, population à risque", ajoute-t-elle. "On recensait plus de 21.000 postes actifs avant le premier confinement, mais on est descendu sous la barre des 19.000 à son issue", précise Sylvain Lhuissier, qui pointe une tendance de nouveau à la hausse depuis.

Fluidifier la procédure

Pour autant, les postes ne peuvent pas tout. "Le délai moyen d’exécution d’un TIG est de quatorze mois, ce qui est incompréhensible et totalement inefficace. Nous disposons de vingt mille postes de travail d’intérêt général et nous continuons à les développer. Nous avons des lieux d’accueil et des référents dans les collectivités. Il nous faut maintenant réduire impérativement le délai d’exécution de cette peine", pressait ainsi le garde des Sceaux lors des débats parlementaires relatifs à l'adoption de la récente loi du 8 avril 2021 "visant à améliorer l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale". Cette dernière vient précisément simplifier la mise en œuvre des TIG (voir notre article du 8 avril 2021). Preuve que le législateur ne ménage pas sa peine, alors qu'il a déjà adopté en 2019 plusieurs mesures relatives aux TIG via la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi pénitentiaire.

TIG 360°, une plateforme pour en finir avec la paperasserie

Beaucoup d'espoirs sont également placés dans le déploiement de TIG 360° – plate-forme qui permet déjà la visualisation et la consultation en temps réel, par les professionnels des services pénitentiaires, de la protection judiciaire de la jeunesse, les autorités judiciaires, les avocats et les structures d’accueil, de l’offre de postes de TIG, géolocalisés sur l’ensemble du territoire, et qui, à terme, rendra possible le suivi opérationnel de l’exécution des TIG. D'abord expérimentée à Lille, Béthune, Dijon et Mâcon, son accès a été ouvert début 2020 à tous les services du ministère de la Justice. Il doit désormais l'être prochainement à tous les organismes d'accueil, qui pourront ainsi faire leur demande d'inscription de nouveaux postes en ligne, remplaçant une procédure papier jugée fastidieuse. Les tuteurs pourront également y retrouver des modules de formation et de la documentation. Le suivi en temps réel ne devrait, lui, pas être accessible avant l'année prochaine.

Travail non rémunéré

Le travail d'intérêt général n'est toutefois pas la seule mesure portée par la Chancellerie. Dans sa circulaire de décembre sur la mise en œuvre de la justice de proximité, le garde des Sceaux a singulièrement invité les procureurs à recourir davantage aux alternatives aux poursuites (voir notre article du 17 décembre 2020). Le TIG pourrait ainsi céder le pas à sa version "canada dry", le "travail non rémunéré" (limité à 30 heures pour une contravention, 60 heures pour un délit). Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ?

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis