Archives

Chômage - Le programme européen sur l'emploi des jeunes sévèrement mis en doute

Les eurodéputés s'étonnent des lenteurs technocratiques qui conduisent à retarder le déploiement de 6 milliards d'euros en direction des jeunes chômeurs. Les Etats et la Commission européenne sont montrés du doigt.

Le chômage des jeunes devait être une cause commune capable de fédérer les 28 Etats de l'UE. Il devient une nouvelle occasion de jeter l'opprobre sur une Europe qui, décidément, trébucherait à chaque pas. Même la date d'un sommet européen consacré à ce thème devient source d'interrogations.
Dès le début de la semaine, la rumeur courait sur l'ajournement de la rencontre des chefs d'Etat le 6 octobre. Le 17 septembre, la présidence italienne a confirmé ce report, après l'annulation - encore une - d'un autre sommet sur les jeunes prévu une première à fois à Turin, en juillet. "C'est une plaisanterie de mauvais goût", s'est étranglé l'eurodéputé catalan Ernest Urtasun, pointant l'urgence d'agir pour les 5,3 millions de jeunes chômeurs européens.
Lente, technocratique, sous-financée... La mise en œuvre de "l'initiative européenne pour la jeunesse" prête le flanc à toutes les critiques. "C'est une goutte d'eau dans l'océan. Je ne comprends pas que le Parlement européen joue le jeu de cette hypocrisie", a déploré l'eurodéputée Kostadinka Kuneva (Gauche unitaire européenne), présente à la plénière du 17 septembre à Strasbourg.
Depuis que les ministres européens du Travail se sont accordés sur le programme en février 2013, 6 milliards d'euros peuvent être déployés dans les 20 pays de l'UE affichant un taux de chômage juvénile supérieur à 25%.
Fin 2013, les Etats ont envoyé leurs plans d'action, afin d'informer la Commission européenne des mesures qu'ils comptaient financer via les fonds de l'UE. Neuf mois plus tard, le bilan est plutôt maigre. Seules la France et l'Italie ont pu bénéficier des premiers versements, équivalents à des avances. 4,3 millions d'euros ont ainsi été alloués à l'Hexagone en juin dernier au profit de mesures nationales. La France a en effet opté pour une répartition complexe des tâches, l'Etat disposant d'environ 65% des 620 millions d'euros disponibles, contre 35% pour les conseils régionaux.

Un laborieux passage en phase opérationnelle

Les actions menées par l'Etat (repérage des décrocheurs, Pôle emploi, garantie jeunes…) ont été déclinées dans un "programme opérationnel" indépendant des procédures habituelles de la politique de cohésion et entériné au printemps par la Commission européenne, ce qui a permis le déblocage des premiers fonds.
Les régions, de leur côté, attendent toujours le feu vert de Bruxelles, qui devrait intervenir cet automne, l'étape préalable de l'adoption de l'accord de partenariat (document qui répertorie les priorités d'investissement des fonds régionaux européens en France, ndlr) ayant été franchie le 8 août.
Les domaines d'actions visés sont assez concrets. L'Aquitaine envisage par exemple d'affecter son enveloppe à l'apprentissage, au programme régional de formation, ou encore à des actions incitant les jeunes à créer leur entreprise.
Un passage en phase opérationnelle qui tarde à venir… "Nous ne sommes plus au temps de décrire la situation. Les politiques sont votées, il faut maintenant les mettre en œuvre", s'agace l'eurodéputée UMP Elisabeth Morin-Chartier.
Axé sur la nécessité de fournir une proposition d'embauche, de stage, de formation ou d'apprentissage dans les quatre mois après la fin du cursus scolaire, le programme européen a vocation à rendre les services publics de l'emploi plus réactifs.
Mais les Etats jouent-ils vraiment le jeu de cette "réforme structurelle" ? Certains en doutent. À en croire l'écologiste Ernest Urtasun, les fonds européens créent un effet d'aubaine pour les entreprises, qui en deviennent les "réceptacles", sans que le système de formation espagnol n'ait été réformé. "Il faut que la Commission européenne soit sérieuse dans l'évaluation de ce qui a été fait", a acquiescé l'eurodéputé socialiste Guillaume Balas.