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Le plan THD coupé net dans son élan

Pratiquement plus aucune prise FTTH n'est posée depuis la mise en place du confinement. Infranum en appelle au soutien de l'État, un arrêt total des travaux en mars rendant très difficile le redémarrage de la filière selon l'association. De son côté, l'Avicca demande le statut d'opérateur d'importance vitale pour les opérateurs d'infrastructures, ce qui permettrait de leur faciliter l'accès aux fournisseurs.

Le 5 mars 2020, les acteurs de l'aménagement numérique se réjouissaient des 4,8 millions de prises livrées par les opérateurs de déploiement en 2019, un record. C'était il y a une éternité. La pandémie de Covid-19 pourrait en effet faire de 2020 la pire année jamais enregistrée pour le FTTH. Territoire après territoire, du Grand Est à l'a Nouvelle-Aquitaine, les travaux d'infrastructure s'arrêtent. Seules les interventions de maintenance des réseaux pour les abonnés sont assurées dans le cadre des "plans de continuité d'activité" que doivent mettre en place les opérateurs.

Une année de perdue ?

Selon l'association des industriels des RIP, Infranum, "plus d'un salarié sur deux est au chômage partiel après une semaine de Covid-19". Il faut dire que l'aménagement numérique se retrouve victime d'un effet domino, l'ensemble de de la chaîne des intervenants – études, travaux publics, transports, énergie, approvisionnement en matériel… - étant soit à l'arrêt, soit extrêmement perturbés du fait des absences. À l'Avicca, on ajoute que le recours à la sous-traitance en cascade, ajoutée au recours massif à des travailleurs étrangers – rentrés chez eux à l'annonce du confinement – explique aussi cet arrêt brutal des travaux. 

Cet arrêt inquiète vivement Infranum qui estime que "la production pourrait tomber à l'arrêt total d'ici la fin du mois de mars, avec une inertie de 12 mois pour remettre le secteur à flot et des conséquences sociales et économiques dramatiques". La filière pourrait y perdre "plusieurs milliards d'euros" et générer de "possibles licenciements" met en garde la fédération. Aussi Infranum appelle-t-elle à un soutien de l'État pour permettre "à la machine industrielle de continuer à tourner au ralenti", "garantir une remontée en puissance plus rapide lorsque la crise sera passée" et "maintenir l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des communications électroniques". 

L'État promet des équipements de protection

Étienne Dugas, président d'Infranum, précise qu'il souhaite que "les collectivités locales continuent d'accorder des permissions de voirie et qu'Enedis poursuive l'instruction des dossiers permettant la pose de câbles en aérien". Il souhaite aussi que l'État incite les grandes enseignes du BTP comme Point P à continuer d'ouvrir leurs magasins pour permettre aux entreprises de réseaux de s'approvisionner. 

Dans leur réponse à infranum en date du 24 mars ,  Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, et les secrétaires d'État Cédric O et Agnès Pannier-Runacher, assurent être aux côtés d'un secteur qui gère des "services essentiels à la continuité de la vie de notre nation". Au-delà des simplifications administratives d'ores et déjà acquises dans l'ordonnance du 25 mars  – réservés aux seuls travaux de maintenance (notre article du 25 mars ) les ministres ont promis de faciliter les déplacements des salariés et de permettre aux entreprises travaillant dans la filière télécom de pouvoir importer des dispositifs de protection (masques, gants…). Un guide, piloté par les acteurs du BTP, est par ailleurs en cours de rédaction pour permettre aux intervenants sur les chantiers de savoir comment s'organiser et éviter aux collaborateurs de se contaminer les uns les autres.

Le statut d'opérateur d'importance vitale indispensable pour l'Avicca

Du côté des collectivités, Patrick Chaize, président de l'Avicca, a demandé à ce que les opérateurs d'infrastructure soient reconnus en tant "qu'opérateurs d'importance vitale" (OIV). L'arrêté du 4 décembre 2016 cite en effet bien les opérateurs de communication électronique dans la liste des OIV mais est limité aux opérateurs de services et fournisseurs d'accès à internet avec une nette orientation sécurité des systèmes d'information. Or, note l'association "la période de crise que nous traversons met en lumière ce que nous répétons depuis le siècle dernier : le numérique pour tous est une nécessité en zone urbaine comme en milieu rural". Mais pour faire face à l'explosion de la demande en débit, à la surcharge des ENT comme à celle des réseaux, les collectivités n'ont aujourd'hui pas la capacité des OIV pour imposer aux fournisseurs de livrer les matériels nécessaires aux travaux.

Néanmoins, l'association estime aujourd'hui possible de continuer de "travailler en mode dégradé". "Quoi qu'on nous dise, les études restent possibles, de même que creuser des tranchées ou poser des points de branchements optiques. En revanche, raccorder des particuliers comporte des risques réels" souligne Ariel Turpin. "Dans tous les cas, les collectivités ne voudront pas être les dindons de la farce, en devant ne plus avoir de travaux et devoir payer des indemnités aux délégataires de service public." Le risque serait en effet que le cas de force majeur inscrit dans les contrats de DSP ne soit pas reconnu. "Celui-ci se définit par trois critères : l'événement doit être imprévisible, extérieur et irrésistible. Or la dernière condition n'est pas avérée", explique Ariel Turpin. D'où l'impératif pour les collectivités de ne pas décider de l'arrêt des travaux mais de ne faire que constater la défaillance des prestataires.

Couverture mobile, zones Amii... des échéances qui volent en éclat

Que cela soit pour le new deal mobile ou pour la couverture des agglomérations, les opérateurs sont tenus par des délais "stricts". Dans les zones Amii, elle est par exemple fixée à fin 2020. L'échéance, eu égard aux retards pris par Orange et surtout SFR, suscitaient déjà bien des doutes coté collectivités. Il apparaît d'ores et déjà clair qu'elle ne sera pas respectée et que la révision des calendriers (mobile, Amii, Amel...) est inévitable. "Reste à savoir quel sera le délai supplémentaire accordé par l'État : un, trois ou six mois , plus ?" s'interroge l'Avicca qui a déjà une certitude : le levier sanctions ne sera pas actionné.