Le Parlement rural réclame un "projet de loi ambitieux" pour la ruralité

Dans une résolution adoptée le 7 juin, le Parlement rural français pose ses revendications en vue du plan France Ruralités dont la présentation est imminente. Plus qu'un plan, il préconise "un projet de loi ambitieux". Son président, le sénateur Bernard Delcros, porte déjà une proposition de loi visant à réformer les zones de revitalisation rurale qui arrivent à expiration à la fin de l'année. 

À quelques jours de la présentation du plan France Ruralités – annoncée le 9 juin, celle-ci pourrait avoir lieu le 15 juin – le Parlement rural a adopté une résolution, le 7 juin, pour demander "un projet de loi ambitieux", avec une première mise en application "dès 2024".

Reçue en novembre 2022 par Christophe Béchu et Dominique Faure, respectivement ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires et ministre déléguée chargée  des collectivités territoriales et de la ruralité, cette instance qui regroupe depuis 2019 de nombreuses associations représentatives du monde rural, avait déjà eu l'occasion d'exposer ses desiderata en vue de ce plan annoncé lors du congrès des maires (voir nos article du 23 et du 28 novembre 2022). France Ruralités est censé prendre la suite de l'Agenda rural lancé en 2019, sous un format plus resserré.

La résolution affirme "la nécessité d’une politique rurale ambitieuse à la hauteur des besoins exprimés par les acteurs du monde rural et des services rendus par la ruralité à la nation". L'urgence est de donner une suite aux zones de revitalisation rurale (ZRR) qui arrivent à expiration à la fin de l'année. Le Parlement rural préconise un classement "à l'échelle communale", et non plus intercommunale, sachant que son président, le sénateur du Cantal Bernard Delcros, bataille depuis des années pour le maintien de ces zones qui ont senti le vent du boulet passer à plusieurs reprises. Il est l'auteur d'une proposition de loi allant dans ce sens. Corédigé avec Frédérique Espagnac (SER, Pyrénées-Atlantiques), le texte enregistré le 1er juin reprend les conclusions de leur rapport commandé par l'ancien Premier ministre Jean Castex, en janvier 2022 (voir notre article du 20 avril 2022). Les deux sénateurs préconisent bien un classement à la maille communale "sur la base des deux critères présentement utilisés, à savoir la densité de population et le revenu fiscal par habitant". Ils envisagent la création d'un zonage renforcé, dit  "zone de revitalisation rurale +" (ZRR+), pour les communes "confrontées à des dynamiques défavorables constatées sur une période d'au moins dix ans, appréciées en fonction d'un indice composite tenant compte du revenu par habitant, de la population communale et du potentiel fiscal communal rapporté à la moyenne nationale". Enfin, les sénateurs proposent le maintien dans le classement pendant dix ans des communes de montagne qui seraient amenées à en sortir. Mais cette proposition de loi est en concurrence avec un autre texte porté celui-ci par le sénateur LR du Cher Rémy Pointereau (voir notre article du 31 mai).

Porter la dotation "biodiversité" à 100 millions d'euros

À l'approche des négociations sur le projet de loi de finance pour 2024, le Parlement rural est aux aguets. Alors que les maires de petites villes s'alarmaient la semaine dernière, lors de leurs assises à Millau, du "mur d'investissement" que va représenter pour eux la transition écologique (voir notre article du 2 juin), il relance l'idée d'une meilleure prise en compte de la notion d’espace dans le calcul des dotations versées aux collectivités rurales et des moyens spécifiques pour la rénovation du bâti en milieu rural. Autre revendication : "l’augmentation de la 'dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales' à hauteur de cent millions d’euros dès 2024, ainsi que l’élargissement de ses conditions d’éligibilité". Soit vingt de plus que les 80 millions d'euros évoqués par Dominique Faure, à Millau (voir notre article du 2 juin 2023). Le seuil serait symbolique, mais la bataille s'annonce difficile avec Bercy.

Le Parlement rural s'invite aussi dans le débat sur le zéro artificialisation nette (ZAN) qui va connaître une accélération dans les prochains jours avec l'examen de la proposition de loi sénatoriale à l'Assemblée. Elle défend l'idée de la création d’une garantie rurale d’un hectare minimum constructible afin de permettre aux communes rurales "de répondre aux besoins d’accueil de nouveaux habitants et de nouvelles activités économiques et ce dans le respect des objectifs nationaux de sobriété foncière".

Autres revendications : la simplification des procédures, la création d'un établissement d’un établissement recevant du public (ERP) de sixième catégorie. L'idée, portée par l'Union des métiers et de l’industrie de l’hôtellerie, est justement d'alléger les normes pour ces petites établissements qui font face à la concurrence féroce d'Airbnb qui échappe à ces réglementations. Le Parlement rural appelle plus largement le gouvernement à investir dans les territoires ruraux, pour "structurer une offre de services performante dans les domaines de la santé, de l’éducation, des mobilités, du logement, des infrastructures ferroviaires et numériques"...

Réponse aux "défis du siècle"

Certaines de ces revendications devraient trouver une traduction dans le plan France ruralités préparé par Dominique Faure et qui sera dévoilé par Élisabeth Borne. Après avoir un peu hâtivement annoncé la date du 9 juin devant les maires de petites villes, la semaine dernière, Dominique Faure a indiqué devant les sénateurs, le 7 juin, que la présentation devrait avoir lieu "à la fin de la semaine prochaine" (voir notre article du 8 juin).

Lors de la première session territoriale du Parlement rural à Savines-le-Lac (Hautes Alpes) le 26 mai, puis lors des assises de l'APVF, la ministre avait pu en dévoiler quelques éléments. La réforme des ZRR pourrait par exemple comporter l'intégration de droit des six départements ruraux les plus fragiles qui sont en déprise démographique depuis plus de vingt ans. Le plan prévoit aussi un nouveau programme d'ingénierie piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), reposant sur 100 chefs de projets qui seront déployés en préfecture. Au moment où le gouvernement aligne des milliards d'euros de subventions pour l'industrie verte, les ruraux se sentent en droit de demander plus. Et d'insister sur le rôle "incontournable" que va jouer la ruralité "dans la réponse à apporter aux défis du siècle : préservation de la biodiversité, lutte contre le réchauffement climatique, souveraineté alimentaire, réindustrialisation du pays, cohésion sociale".

 

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