Réforme des collectivités - Le Parlement a définitivement adopté le texte sur la concomitance des mandats... et commencé à batailler sur le conseiller territorial
Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux pour mars 2014, l'un des quatre textes composant la réforme territoriale. L'Assemblée nationale a en effet voté ce mardi 26 janvier, par 325 voix contre 216, ce texte que le Sénat avait déjà voté sans modification le 16 décembre. Un texte pour lequel le gouvernement avait engagé la procédure accélérée afin qu'il puisse être rapidement adopté, avant les régionales.
A l'ouverture des débats, le 19 janvier, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Alain Marleix, avait repris l'argumentaire déjà développé devant les sénateurs : l'adoption de ce texte était "une des conditions nécessaires à la mise en place du conseiller territorial", pierre angulaire de la réforme des collectivités… mais que dans le même temps, "ni le principe même de cette création, ni, a fortiori, la répartition des futurs conseillers territoriaux et leur mode d’élection, ne sont automatiquement liés au sort réservé à ce projet". "Ce texte, qui se justifie par lui-même, porte exclusivement sur le calendrier électoral et rien d’autre", a tenu à confirmer le rapporteur Dominique Perben.
De quoi donner lieu à un débat quelque peu brouillé, sachant que dans le même temps, le Sénat examinait, lui, le projet de loi institutionnel de la réforme et son article 1 sur la création du conseiller territorial… Un texte que l'Assemblée n'examinera pour sa part qu'après les régionales. Ce n'est également qu'après ces élections de mars que sera discuté le projet de loi précisant le mode de scrutin retenu pour 2014.
"Nous ne pouvons pas, en faisant la loi ici, ignorer les débats du Sénat sur le premier texte concernant les collectivités territoriales (…). Il y a une volonté de masquer les débats. L’affirmation selon laquelle le présent texte, par le changement de dates, ne serait porteur d’aucun changement du mode de scrutin est démentie par les débats d’hier à la Haute Assemblée", a ainsi dit et répété Bruno Le Roux, principal orateur PS.
Comme lors de la lecture au Sénat en décembre dernier, les échanges ont donc largement dépassé la question du calendrier électoral pour s'intéresser au bien-fondé même du conseiller territorial – et à l'ensemble de la réforme des collectivités, Bruno Le Roux évoquant par exemple une réforme "qui organise une triple régression : la régression financière, territoriale et démocratique que génère votre recentralisation".
Une grande confusion était de mise, les suspensions de séance succédant aux rappels au règlement. Les députés de l'opposition se sont vivement élevés, à plusieurs reprises, contre le recours par le gouvernement au vote bloqué, procédure qui permet à l'exécutif de demander à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout le texte. Cette procédure a ainsi favorisé l'absentéisme dans les rangs de l'UMP, ses députés n'étant plus obligés d'être majoritaires pour repousser les amendements de l'opposition. Une absence vertement critiquée – tout comme l'absence d'Alain Marleix en fin de semaine dernière – par l'opposition.
C.M.
Et pendant ce temps au Sénat...
Les sénateurs devaient ce 27 janvier dans l'après-midi adopter l'article 1 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui crée le conseiller territorial, l'une des mesures phares du texte. L'examen qui a débuté le 26 janvier, s'est transformé en une véritable guerre de tranchées, l'opposition ayant choisi de pilonner sans répit la position du gouvernement. Pas moins de quarante orateurs se sont succédé à la tribune, dans une ambiance turbulente, pour dénoncer tantôt l'affaiblissement de la région, tantôt celui du département, voire des deux échelons qu'entraînerait selon eux, l'élection à partir de 2014 de ce nouvel élu appelé à siéger à la fois au conseil régional et au conseil général. Pour l'opposition, les conseillers territoriaux présenteraient tous les défauts. "Schizophrènes", ils auraient "naturellement tendance à favoriser leurs propres territoires, au détriment des stratégies globales". Avec leur création, on assisterait à "l'institutionnalisation du cumul des mandats" et à la "professionnalisation de la politique", sans que ne soit organisé pour autant le statut de l'élu. "La création de cet EGM, de cet élu génétiquement modifié", relèverait de la "négation du concept de collectivité territoriale".
Philippe Adnot, qui pourtant appartient à la majorité, a lui aussi dénoncé la création d'"un être hybride", en prédisant que "ni les départements, ni la région ne fonctionneront bien". "Je crains qu'on assiste à des jeux fort subtiles dans des assemblées bien byzantines !", a estimé pour sa part Yves Krattinger, qui a évoqué notamment les difficultés qu'auront les présidents des futurs exécutifs à se mettre d'accord sur l'agenda des deux collectivités.
La majorité, qui a été quasiment absente des débats, a répondu que le conseiller territorial améliorera la coordination entre les conseils régionaux et généraux, leurs interventions pouvant actuellement être concurrentes. Prenant l'exemple de Paris, où les conseillers municipaux sont aussi conseillers généraux, Michel Mercier, ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, a conclu que "le même élu peut gérer deux collectivités".
L'opposition a aussi vivement critiqué le vote, la semaine dernière, d'un amendement de Nicolas About, président du groupe Union centriste qui fixe les "principes fondamentaux" du mode d'élection du conseiller territorial, avant même l'examen de l'article qui le crée. Selon l'amendement, "le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l'expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité".
Un dispositif électoral "équitable" et sans lequel "il sera impossible d'instituer le conseiller territorial, car il n'y a pas de majorité [au Sénat] en faveur du mode de scrutin envisagé", a commenté le 26 janvier, Jacqueline Gourault, qui appartient au groupe centriste.
Thomas Beurey / Projets publics