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Le gouvernement veut débloquer le marché du travail

Elisabeth Borne, ministre du Travail, a rencontré le 5 octobre les partenaires sociaux sur le suivi du volet emploi et compétences du plan "France Relance". Au menu de cette réunion de travail intitulée "réponse à la crise" figuraient les mesures destinées à faciliter la reconversion des salariés, à s’attaquer aux métiers en tension et à assurer le déploiement du plan jeunes. Alors que les partenaires sociaux doivent formuler des propositions d’ici fin octobre, les intercommunalités sont sollicitées pour diffuser les deux plans dans les territoires.

Même si, selon Elisabeth Borne, le "chômage ne progresse pas", la ministre du Travail a jugé le 6 octobre sur France inter que "la situation de l’emploi était sérieuse". Elle a d’ailleurs annoncé que de nouveaux secteurs d’activité pourraient être ajoutés à la liste de ceux bénéficiant du régime spécifique de chômage partiel.

Aussi, sur le volet emploi et compétences du plan France Relance, le gouvernement veut "avancer vite" et surtout anticiper les éventuelles modifications à prévoir dans le PLFSS pour 2021 (projet de loi de financement de la sécurité sociale). La réunion de travail du 5 octobre avec les partenaires sociaux (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Medef et U2P) a mis sur la table un certain nombre de propositions devant permettre de débloquer le marché du travail.

Parmi les pistes évoquées pour permettre au plan de relance de donner tous ses effets, le ministère du Travail souhaite faciliter les mobilités inter branches et les reconversions professionnelles de salariés "pour rester sur son bassin d’emploi", pointant l’écueil d’un "système de formation, y compris depuis la réforme, toujours très structuré par les branches professionnelles". "Nous avons besoin d’assurer des reconversions fortes dans le cadre de la crise, mais les salariés sont faiblement mobiles (doubles carrières dans les couples, scolarité des enfants, parents ou grands-parents qui sont hébergés en établissement)", argue l’entourage d’Elisabeth Borne.

Rendre plus attractif le congé de mobilité

Pour ce faire, trois pistes sont soumises à la concertation des partenaires sociaux. Les deux premières consistent à rendre plus attractif le congé de mobilité qui permet aujourd'hui un reclassement interne ou externe dans l'entreprise dans le cadre d'un accord collectif d’établissement. Il s’agit d’une part, pour les entreprises qui sont en difficulté financière, de prolonger au-delà de 12 mois les exonérations de charges sociales du salaire versé au salarié pendant le congé de mobilité, dès lors que des formations longues sont mises en œuvre dans le cadre de ce congé. Cette disposition nécessiterait une révision de la loi (L.1233-71). Les frais pédagogiques de formation seraient financés en mobilisant la Pro-A et les fonds d'Etat du FNE.

"CPF transition métiers en tension"

Pour les plus petites entreprises, le ministère du Travail propose un "CPF transition métiers en tension". L’idée est de permettre un cofinancement des actions de reconversion réparti entre l’Etat (FNE-formation) et les entreprises positionnées sur un métier en tension (ou identifiées comme prioritaires dans le cadre de France Relance) qui accueilleraient un salarié dont l'emploi est menacé. Ces modalités seraient réservées à des salariés avec une certaine ancienneté dans l'entreprise et qui auraient une promesse d'embauche dans une entreprise.

La 3e piste consisterait à rallonger la durée d'exonération de charges du congé de reclassement au-delà des 12 mois dans la limite de 24 mois, "dès lors que le reclassement en question suppose une formation longue", précise le cabinet d’Elisabeth Borne. 

Outil pour mesurer les métiers en tension

L’autre grand volet de cette concertation porte sur les métiers en tension, le gouvernement voulant "résoudre ces tensions en s’attaquant aux causes", c’est-à-dire identifier les branches professionnelles concernées par un métier en tension. Le ministère du Travail a présenté un outil pour mesurer "d'une nouvelle manière" les métiers en tension et leur évolution dans le temps jusqu'au niveau du département. Il consiste à faire intervenir une dizaine d’indicateurs parmi lesquels le vivier potentiel (nombre de personnes qui potentiellement peuvent occuper un emploi), le nombre (les besoins) et la rotation des recrutements (vitesse de renouvellement des contrats), ainsi que les caractéristiques liées aux conditions de travail. "Cet outil permet aussi d'avoir une analyse de causalité (défauts d'image des métiers, manque de main d'œuvre disponible)", ajoute le cabinet de la ministre du Travail qui propose quelques pistes comme améliorer l’image d’un métier en tension, jouer sur les rémunérations ou les perspectives de carrière ou encore renforcer le rôle du service public de l'emploi ou sur l'appareil de formation.

Organiser la coordination des acteurs

Les discussions ont également porté sur le rôle de la gouvernance territoriale dans l’optimisation de la mise en œuvre de France Relance, notamment "le rôle des agences de transition professionnelle versus le rôle des Opco". L’objectif ici est "d’essayer de ne pas réinventer des instances", mais de se reposer sur les celles existantes par exemple les Crefop en région (Comités régionaux de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles). "France compétences peut être au niveau national le bon endroit de la coordination de l'ensemble des travaux", suggère le ministère du Travail qui attend du prochain groupe de travail paritaire des exemples régionaux ou des bonnes pratiques pour organiser les travaux dans les territoires tant pour "faire le diagnostic et actualiser les priorités de formation", notamment dans le cadre du PIC (plan d'investissement dans les compétences), que "pour accompagner les mobilités professionnelles", notamment en mobilisant les nouveaux dispositifs envisagés.  

Réussir le déploiement territorial des plans

Les acteurs des territoires et plus précisément les intercommunalités sont de leur côté attendus pour déployer France Relance et le plan jeunes dans les territoires. Le gouvernement veut les "encourager" à se saisir des dispositifs et à bâtir leurs propres objectifs territoriaux et plans d'action sous l'égide des préfets, afin "d’articuler les priorités territoriales avec la mise en place des actions en direction des jeunes, mais aussi des entreprises". Des outils sont prévus à cet effet dont une plateforme digitale multi services pour informer, organiser des évènements et des séances d'intermédiation entre les entreprises et les jeunes. Face à la demande de mettre l'accent sur les jeunes des quartiers de la politique de la ville, un mécanisme de pilotage prévoit un ciblage sur les jeunes en QPV, "afin de vérifier que tous les dispositifs bénéficient aux jeunes des quartiers proportionnellement à la part qu'ils occupent dans la population du territoire".

Le ministère compte aussi systématiser la mise en place de clubs d'entreprises dans chaque département à partir notamment du réseau "La France, une chance" pour susciter l'engagement des entreprises. Cette base doit permettre aux élus et acteurs locaux d'avoir "un noyau dur d'entreprises" avec lesquelles travailler et qui permettront d'accéder à d'autres entreprises notamment les plus petites.  

La prochaine réunion du groupe de travail paritaire prévue fin octobre devra permettre d’analyser les propositions des partenaires sociaux, d'identifier les branches avec lesquelles le ministère du Travail travaillera, de déterminer la méthode utilisée, puis d'en déduire un plan d'actions.

France relance et l’engagement des entreprises

En contreparties aux aides accordées aux entreprises dans le cadre du plan de relance, le ministère du Travail suggère deux possibilités. La première consiste à insérer des clauses de marché en faveur de l'emploi, de l'insertion et de la formation. Les partenaires sociaux demandent toutefois à trouver "le bon équilibre" sans mettre trop de clauses d'insertion dans les marchés publics au risque d’avoir un effet contre-productif. Sur ce sujet, Thibault Guilluy, haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi, aura pour mission "d’accompagner tous les acteurs à tous les étages jusqu'au bout de la chaîne en les coordonnant au niveau interministériel".

L’autre piste consisterait à "rendre systématique un échange avec le CSE (Comité social et économique) sur l'utilisation des aides perçues par l’entreprise dans le cadre d'une discussion plus générale sur la stratégie de l'entreprise". Un appel à propositions a été lancé au groupe de travail paritaire.

 

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