Le gouvernement se donne six mois pour établir une feuille de route sur l'intelligence artificielle générative
Face à la déferlante de l'intelligence artificielle générative, le gouvernement va s'appuyer sur quinze experts pour mettre à jour sa stratégie nationale en matière d'IA. La présidente de la Commission européenne a plaidé pour sa part pour une gouvernance mondiale de l'IA s'inspirant du Giec sur le climat.
Voici à peine un an, l'intelligence artificielle générative – capable de créer en quelques secondes textes, images, vidéos, code informatique… – s'ouvrait au grand public. Un bond technologique qui n'avait été anticipé ni par la France dans son plan IA à 1,5 milliard d'euros de 2018, ni par l'Europe dont la première version de son projet d'IA Act n'en faisait pas mention. Or l'IA générative, technologie aujourd'hui préempté par les États-Unis et la Chine, ouvre autant d'opportunités qu'elle soulève de questions éthiques, économiques et sociétales.
Maîtriser la technologie
Si l'IA générative a suscité des appels à la pause y compris parmi les collectivités (voir notre article du 4 avril 2023), le gouvernement ne s'était pas encore véritablement prononcé. C'est pour combler ce manque et mettre à jour le plan IA tricolore que la Première ministre, Élisabeth Borne, a installé le 19 septembre un comité interministériel dédié à l'IA. Participaient à cette première réunion les ministres de l'Économie, du Travail, de la Culture, de la Recherche, de la Fonction publique et du Numérique. Une initiative qui s'inscrit dans la continuité des annonces faites par Emmanuel Macron à Vivatech pour "accélérer" en matière de formation, de recherche et de capacité de calcul (voir notre article du 15 juin 2023). Pour se forger une ligne de conduite sur l'IA générative, le gouvernement va s'appuyer sur un comité de quinze experts. À l'occasion de son installation, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a rappelé les enjeux pour la France : "Nous devons impérativement maîtriser les technologies de l'intelligence artificielle pour éviter de subir la norme des autres puissances. C'est l'ambition de ce comité : maîtriser la technologie pour maîtriser la norme."
Économie et défis éthiques
Coprésidé par l'économiste Philippe Aghion et la présidente du conseil d'administration de l'École normale supérieure, Anne Bouverot, ce comité compte parmi ses membres l'ancien secrétaire d'État au Numérique Cédric O, le président du Conseil national du numérique, Gilles Babinet, des chercheurs de l'Inria et des Big Tech (Meta, Google) ainsi que des représentants de start-up (Mistral) et grands groupes (Dassault systèmes). Il devra formuler des propositions sur les grands enjeux de l'IA générative : l'économie, l'emploi, la lutte contre les inégalités, les usages de l'IA pour l'administration mais aussi la souveraineté numérique et les défis éthiques de l'IA. Ses conclusions sont attendues d'ici six mois avec un rendu intermédiaire en novembre prochain. Sur les questions de propriété intellectuelle et de création, le ministère de la Culture a lancé de son côté une mission, d'autres missions thématiques n'étant pas exclues sur l'éducation ou la santé.
Le bon niveau de régulation
Ces annonces interviennent quelques jours après un appel d'Ursula von der Leyen à une régulation mondiale de l'IA dans la continuité de l'IA Act européen en préparation (voir notre article du 12 mai 2023). La présidente de la Commission européenne a en effet consacré une partie de son discours du 8 septembre sur l'état de l'Union à l'intelligence artificielle générative. Compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques, elle a estimé que l'Europe disposait "d'une fenêtre d'opportunité de plus en plus étroite pour guider cette technologie de manière responsable". Dans cette optique, elle a suggéré la création d'un groupement d'experts internationaux, sur le modèle du Giec en matière de climat, pour "garantir une approche globale", analyser les avantages et risques pour l'humanité et capitaliser sur les dernières recherches dans ce domaine. Elle a aussi annoncé travailler avec les entreprises européennes pour les inciter à une application anticipée de l'IA Act. Car si ce dernier est sur les rails, son adoption en l'état d'ici la fin de l'année 2023 n'est pas totalement acquise. À Vivatech, le président de la République avait exprimé la crainte d'un règlement qui pourrait restreindre les capacités d'innovation des entreprises européennes du fait d'une définition trop large des "IA à risque" (soumises à régulation stricte). Il reviendra du reste au comité d'experts de Matignon de faire des propositions sur le bon niveau de régulation.