Le gouvernement lance son "pacte de croissance" de l'économie sociale et solidaire
Le gouvernement a présenté ce jeudi 29 novembre un "pacte de croissance pour l'économie sociale et solidaire". Un secteur qui "a gagné le combat des valeurs" mais qui doit "gagner le combat de la visibilité", a estimé François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et solidaire. Le pacte, qui comprend une vingtaine de mesures pour "libérer les énergies des entreprises de l’ESS", mise notamment sur la commande publique. Il s'appuie aussi sur une convention avec la Banque des Territoires qui apportera 150 millions d'euros au secteur.
Préparé depuis un an par Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire (ESS) et à l'innovation sociale, le pacte de croissance de l'ESS – ou encore le "social businESS act", selon les termes qui figuraient au programme présidentiel d'Emmanuel Macron - a été présenté ce 29 novembre 2018 au ministère de la Transition écologique et solidaire. Juste avant, Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse, avait présenté son plan d'action pour la vie associative (Localtis y reviendra dans une prochaine édition). Une proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations était également à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ce 29 novembre ; une journée décidément chargée pour les acteurs de l'ESS.
"L'économie sociale et solidaire a gagné le combat des valeurs, il lui reste peut-être à gagner le combat de la visibilité (….) et aussi le combat de son développement", a souligné François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, en préambule. Malgré son poids dans l'économie, l'ESS reste trop souvent "mal cernée et minorée", a poursuivi le ministre, appelant de ses vœux "une intégration de l'ESS au cœur de toutes les politiques publiques de l'Etat" et "un ancrage dans tous les territoires".
Vers une refonte des instances représentatives
"C'est la première fois qu'un gouvernement se dote d'un plan global de développement de l'ESS", a embrayé Christophe Itier. "Cette économie n'est pas une économie alternative, elle est bien un pilier de l'économie de demain", a-t-il insisté. L'une des trois parties de la stratégie est d'ailleurs dédiée à cet enjeu de reconnaissance, d'"influence" et de "pouvoir agir" de l'ESS, en lien avec la bannière "French impact" ayant donné lieu à plusieurs démarches depuis début 2018. Il s'agit notamment d'inscrire plus systématiquement l'ESS dans la machine étatique et dans l'ensemble des politiques publiques, avec la tenue annuelle à partir de 2019 d'une réunion de ministres présidée par le Premier ministre. Un réseau de "référents ESS" sera également déployé dans les ministères et en région.
D'ici 2020, une "représentation nationale unifiée de l'ESS" sera également mise en place, une refonte qui concernera ESS France – Chambre française de l'ESS -, le Conseil national des chambres régionales de l'ESS (CnCress), mais aussi l'Union des employeurs de l'ESS (Udes). Une réforme du Conseil supérieur de l'ESS est également annoncée. Le plan comporte par ailleurs une partie dédiée à l'agenda européen et international de l'ESS.
"Polliniser" la commande publique
Pour "libérer les énergies des entreprises de l'ESS", le pacte propose une vingtaine de mesures, dont quatre destinées à "développer des achats et une commande publique responsable". Les prestataires "responsables" seraient d'abord valorisés dans une "plateforme unique de référencement". Autre levier prévu : un classement annuel du volume et du montant des marchés de l'Etat orienté vers les entreprises de l'ESS, élargi "dans un second temps aux collectivités territoriales volontaires après concertation avec les associations d'élus". "Avec ce palmarès, il s'agit de créer de la transparence, un effet d'entraînement et de comparaison. On croit beaucoup à l'émulation", a par la suite décrypté Christophe Itier à Localtis. "Il y a un vrai sujet de formation des acheteurs", a-t-il ajouté.
"Aujourd'hui les lots sont trop importants pour les entreprises de l'ESS", ce qui plaide encore une fois, estime le haut-commissaire, pour un changement d'échelle ou des alliances des entreprises de l'ESS. Sur les difficultés de trésorerie que peuvent engendrer les délais de paiement des administrations publiques, le pacte de l'ESS met en avant le dispositif existant "Avance+" de BpiFrance. Il s'agit enfin d'aider l'ESS à "polliniser" la commande publique liée aux "grands chantiers et projets nationaux et territoriaux", tels que les Jeux olympiques de 2024 – notamment via un comité stratégique dédié à la dimension "inclusive" – ou le Grand Paris.
Parmi les autres mesures destinées à soutenir la croissance des entreprises de l'ESS, on citera la "réforme" du dispositif local d'accompagnement (DLA) et l'assouplissement de l'agrément "Entreprise solidaire d'utilité sociale".
Convention avec la Banque des Territoires
Le pacte de croissance repose notamment sur une convention pluriannuelle de partenariat entre le haut-commissariat à l'ESS et la Caisse des Dépôts / Banque des Territoires, signée ce 29 novembre par Christophe Itier et Antoine Troesch, directeur de l’investissement de la Banque des Territoires. Quatre axes sont identifiés : "la promotion de l’ESS et de l’innovation sociale via la démarche 'French Impact', le renforcement de l’accompagnement des entreprises de l’ESS, le financement des entreprises de l’ESS et le développement de la mesure d’impact", détaille un communiqué de la Banque des Territoires.
En accompagnant les entreprises de l'ESS de l'amorçage jusqu'au développement, l'enjeu est en particulier de "faire émerger un modèle économique rentable qui intéresse les investisseurs privés", a précisé Antoine Troesch.
Dotée de 150 millions d'euros, l'enveloppe associée à cette convention est à ce stade complétée par 21 millions d'euros de BpiFrance destinés à relancer le fonds d'innovation sociale ("Fiso 2") et quelque 80 millions d'"investisseurs potentiels des premiers fonds d'amorçage". Christophe Itier y ajoute le budget du haut-commissariat à l'ESS et à l'innovation sociale – 90 millions – pour annoncer une enveloppe globale de 340 millions d'euros pour l'ESS et l'innovation sociale. Comme sur le "changement d'approche" qu'il souhaite promouvoir, le haut-commissaire est optimiste sur les moyens mobilisés : "Nous sommes au tiers du chemin vers le milliard, mais nous y serons."