Economie sociale et solidaire - Le haut-commissaire "rêve d'une Social French Tech"
Fraîchement nommé haut-commissaire à l'ESS et à l'innovation sociale, Christophe Itier a présenté le 3 octobre une première esquisse de feuille de route : un "Social Business Act" qui serait détaillé d'ici la fin de l'année et un dispositif d'accélérateur d'innovations sociales. Derrière le "rêve", l'ancien dirigeant associatif n'a pas caché à ses pairs un certain sens des réalités : "l'Etat n'a plus d'argent", mais peut fournir des "marges de manoeuvre". Le ton est donné, le programme reste à préciser.
Le nouveau haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation sociale s'est exprimé pour la première fois le 3 octobre, en clôture d'un événement organisé par le Mouvement associatif. "Nous avons besoin d'une politique publique qui conforte le monde associatif", avait au préalable indiqué Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif. Christophe Itier était particulièrement attendu sur les questions de fiscalité, d'accompagnement des associations et de soutien au bénévolat. Plus globalement, après le froid jeté par les décisions relatives aux contrats aidés, les associations souhaitent pouvoir compter sur une "politique stable" et "dialoguer avec l'Etat de façon plus structurée".
Pour une "ESS offensive" et "ouverte"
En réponse à ces interpellations, Christophe Itier a assuré sa volonté de défendre les intérêts des associations au sein du gouvernement. "Je crois beaucoup en une ESS qui soit offensive", a déclaré l'ancien dirigeant de la Sauvegarde du Nord. Cette "ESS offensive" aurait selon lui toute sa place au sein du gouvernement et serait amenée à peser sur notre "projet de société", ce qui expliquerait le rattachement au ministère de la Transition écologique et solidaire. Tout en reconnaissant que certaines "choses [étaient] un peu complexes dans l'organisation gouvernementale", le haut-commissaire à l'ESS s'est dit prêt à travailler avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale en charge de la vie associative, pour "conforter le monde de l'engagement".
"Il faut sortir de nos clivages et débats perpétuels", a également exhorté l'ancien président du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves), appelant les acteurs de l'ESS à "s'ouvrir et polliniser".
"Social Business Act" : pas d'"argent" mais de la "liberté"
Sur le fond, le programme ESS du gouvernement reprendrait largement celui du candidat Macron que Christophe Itier avait coordonné : un "Social Business Act" et un volet innovation sociale.
Le premier volet consistera en un "pack de mesures" destinées à "consolider les modèles économiques, les projets stratégiques et à accompagner le développement de l'ESS pour répondre aux besoins de la population", a énuméré le haut-commissaire. Ce "Social Business Act" serait présenté "d'ici la fin de l'année". Première mesure déjà annoncée : la poursuite du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) en 2018 et 2019 et l'"allègement de charges pérenne à partir de 2019". Le montant total serait de 1,4 milliard d'euros en 2019, probablement du fait du cumul des deux dispositifs – un "effet bulle d'air", selon les termes de Christophe Itier qui n'a pas levé l'ambiguïté du montant pour l'après-2019.
Le haut-commissaire à l'ESS entend également "redonner des marges de manœuvre" à certains secteurs, dont le médicosocial et la santé, en travaillant sur les excédents et le patrimoine. "L'Etat n'a plus d'argent", mais il peut "[redonner] de la liberté", a-t-il lancé. Il s'agira en somme de poursuivre le chantier de la refondation des relations entre pouvoirs publics et associations amorcé sous le quinquennat précédent.
Un "accélérateur d'innovations sociales" et une "Social French Tech"
Les difficultés de trésorerie des associations, du fait des retards de paiement, devraient faire l'objet de mesures spécifiques. "Il faut que le système soit plus contraignant et exemplaire dans la relation entre les associations et les financeurs publics."
Le Social Business Act aborderait aussi les questions de mécénat, avec éventuellement une fiscalité plus incitative pour les TPE-PME.
Quant au paquet "innovation sociale", il devrait là encore inclure des mesures fiscales et réglementaires facilitatrices. "Il faut qu'on soit beaucoup plus précis dans ce qu'est l'innovation sociale" afin de "qualifier et labelliser", selon Christophe Itier. Un "accélérateur d'innovations sociales" serait mis en place et "décliné dans les territoires", en lien avec la Caisse des Dépôts et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) – ce dernier portant notamment la démarche de "banque de l'innovation sociale" (voir notre article du 28 juillet 2017).
Le haut-commissaire à l'ESS "rêve d'une Social French Tech", afin de valoriser davantage à l'étranger la "remarquable technicité" des associations françaises.
Ce programme de travail devrait être approfondi dans le cadre du Conseil supérieur de l'ESS, qui sera réuni la semaine prochaine en présence du ministre Nicolas Hulot.
Projet associatif et modèle socio-économique
Comment évoluer sans "perdre son âme" ? Le 3 octobre à Nanterre, le Mouvement associatif a animé l'échange autour de l'étude sur les "modèles socio-économiques" des associations sortie il y a quelques mois – co-pilotée par l'Udes et le Mouvement associatif et réalisée par le cabinet KPMG (voir notre article du 25 avril 2017).
Pour l'économiste Henri Noguès, ce rapport ne doit pas être destiné à inciter les associations à "compenser le recul des financements publics" ; il rappelle que les financements privés ne sont pas non plus illimités et que la diversification des activités comporte un risque non seulement social mais aussi économique. Avec lui, les différents intervenants se sont accordés sur le fait que l'outillage sur les modèles socio-économiques des associations ne pouvait précéder une réflexion stratégique sur le projet associatif et sur l'adéquation entre les réponses apportées et les besoins de la société.
Parmi les travaux réalisés récemment sur ce sujet, citons : une enquête du fonds jeunesse et éducation populaire (Fonjep), l'outillage du centre de ressources du dispositif local d'accompagnement (DLA) environnement et les travaux de France Active qui porte le DLA financement.