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Habitat - Le fait d'être membre de la famille d'un élu ne peut justifier le refus d'un logement social

Pour éviter toute accusation de favoritisme, de nombreuses collectivités ont pris le parti d'interdire l'attribution d'un logement social non seulement à un élu de la collectivité concernée, mais aussi à un membre de sa famille. Or, cette règle de fait est remise en cause par une récente délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), qui l'assimile à une forme de discrimination. En l'espèce, Mme D. et son conjoint - handicapés et sous curatelle - s'étaient vu affecter, le 15 mars 2007, un logement de type T2 par la commission d'attribution de l'office public d'HLM de la ville. Mais le maire de cette ville s'était finalement opposé à cette décision, en faisant valoir que la mère de Mme D. était conseillère municipale. Une position confirmée par deux courriers du 21 janvier et du 28 mars 2008, dans lesquels le maire "confirme l'existence d'une règle interne au conseil municipal consistant à refuser toute attribution de logement social à un membre de la famille d'un conseiller municipal sur le patrimoine de l'OPHLM, règle qui serait justifiée par une volonté de totale transparence et de neutralité de la commission d'attribution". Le maire indiquait toutefois que l'Opac du département - pour lequel le risque de favoritisme du fait du mandat ne se pose pas - avait formulé trois propositions de logements sociaux, refusées par les intéressés.
Dans sa délibération, la Halde demande à la ville d'abroger la règle mise en oeuvre par le conseil municipal et de l'informer, dans un délai de deux mois, des suites données à cette demande. Il se fonde pour cela sur l'article 1er de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Celui-ci prévoit en effet que "le droit au logement est un droit fondamental ; il s'exerce dans le cadre des lois qui le régissent". La Halde en tire la conclusion que "nul ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de sa situation de famille". Dès lors, la règle interne excluant des logements sociaux de l'OPHLM les membres des familles des élus "caractérise manifestement l'existence d'une différence de traitement fondée sur la situation de famille". Il n'est donc pas possible de discriminer les enfants d'élus remplissant les conditions pour bénéficier d'un logement social "du seul fait de leurs liens familiaux". Aussi la Halde estime-t-elle que "si la volonté d'assurer la transparence et l'objectivité des procédures d'attribution répond en elle-même à une préoccupation étrangère à toute discrimination, la règle litigieuse ne peut être maintenue".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence :  Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, délibération 2008-123 du 2 juin 2008.