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Vote électronique - Le débat sur les machines à voter s'invite aux séances des conseils municipaux

A moins de cinq mois des élections, l'usage des machines à voter fait plus que jamais débat au sein des municipalités. Si certaines les ont déjà adoptées, d'autres ont fait marche arrière en raison des critiques dont elles font l'objet ou en raison de leur coût.

Plusieurs villes françaises ont décidé d'équiper leurs bureaux de vote de machines à voter pour les prochaines élections, tandis que le débat sur la fiabilité de cette technique de vote s'amplifie. Pour les élections européennes de juin 2004, dix-huit communes françaises avaient utilisé le vote électronique, la plupart dans une partie seulement de leurs bureaux de vote. Pour le référendum sur la Constitution européenne de mai 2005, 900 machines avaient été utilisées dans moins de soixante villes. En prévision des élections de 2007, des villes comme Amiens, Cannes, Le Mans, Montbéliard et Le Plessis-Robinson ont franchi le pas. Plusieurs autres communes devraient rapidement rejoindre ce petit groupe. Mais fait nouveau, un certain nombre de municipalités ont renoncé à l'usage des machines à voter après avoir lancé une réflexion.
C'est le cas de la ville de Grenoble. Dans la dernière ligne droite, le 28 novembre, les élus ont stoppé le projet d'acquisition de machines pour tous les bureaux de vote. Pourtant, le chef-lieu de l'Isère avait déjà inscrit l'opération à son budget et testé le vote électronique au cours de ces dernières années, dans l'une de ses circonscriptions électorales, en tirant un bilan positif. Le revirement soudain de la municipalité provient des élus Verts, qui, informés sur des dysfonctionnements survenus aux Etats-Unis, ont mis leur veto. Tout comme ceux de Grenoble, les élus de Saint-Denis viennent d'abandonner un projet de vote électronique en s'appuyant sur une étude interne montrant que les nouvelles techniques de vote devaient encore faire leurs preuves.

Des risques sur le bon déroulement du vote

Quelle est la réalité des risques avancés ? Si l'on en croit le site internet  "ordinateurs-de-vote.org" (anciennement baptisé "recul-democratique.org") qui fédère des citoyens opposés aux machines à voter, ces dernières présenteraient nombre de faiblesses. Des fraudes "à grande échelle" pourraient être organisées, au moment de la programmation de la machine, au cours du montage des ordinateurs, lors de leur distribution ou de leur entretien. Il serait aussi possible de changer le programme de vote de la machine. Mais plus grave encore, les citoyens ne pourraient pas vérifier le bon déroulement du vote, ce qui est contraire aux principes de la démocratie. "Les ordinateurs de vote se comportent comme une boîte noire, explique Chantal Enguehard, maître de conférences au laboratoire d'informatique de Nantes Atlantique. Nul n'a accès aux programmes (clause de secret industriel), et finalement, nul ne sait ce qui se passe vraiment."
Les pouvoirs publics français semblent avoir pris conscience des risques soulevés par le vote électronique. Dans une récente note*, deux chercheurs associés au centre d'analyse stratégique constatent "une réorientation" du ministère de l'Intérieur. Alors qu'en 2004, année où les premières machines à voter ont été agréées, l'Etat a attribué une subvention de 800 euros pour la location ou l'achat d'une machine à voter, il n'octroie plus aujourd'hui qu'une modeste subvention de 400 euros par machine achetée et plus rien lorsque les machines sont louées. Les auteurs de la note interprètent la baisse des subventions de l'Etat par la volonté de  limiter l'équipement des communes dans le but de "régler un certain nombre de problèmes techniques liés à la sécurité". Les auteurs poursuivent : "Un règlement technique existe, en effet, depuis 2003, contraignant les industriels à respecter un certain nombre de critères visant à assurer le secret et la sincérité du scrutin, mais il est envisagé de renforcer cet encadrement réglementaire des machines à voter dans les années qui viennent." De nouvelles exigences pourraient être posées, comme l'impression par la machine d'un petit bulletin permettant à l'électeur de vérifier la prise en compte de son vote. C'est ce qu'espèrent certains experts.

Le bilan, après les élections de 2007

La baisse des subventions attribuées par l'Etat limitera-t-elle de manière sensible le nombre des candidats à l'usage des machines à voter ? Le bilan sera fait après les élections. Pour l'heure, on constate qu'une ville aussi emblématique que Vandoeuvre-lès-Nancy, qui avait eu recours à des urnes électroniques dès 2004 pour tous ses bureaux de vote, sortira de ses remises les urnes traditionnelles pour les scrutins de 2007. La mairie aux cinq arobases ne remet en cause ni la fiabilité du vote électronique, ni son utilité, mais pointe bel et bien la faiblesse des subventions de l'Etat.
D'autres mairies ne reculent ni devant le coût des machines à voter, ni devant les arguments de leurs opposants. La ville de Reims fait partie de celles-ci. Après avoir elle aussi effectué des tests concluants en 2004, la sous-préfecture de la Marne généralisera le vote électronique lors des prochaines élections. Deux machines à voter de la société Indra équiperont chacun des 94 bureaux de vote. Pour les élus, elles présentent de nombreux avantages : elles permettent une économie de papier et une plus grande rapidité des opérations électorales, "maximisent la sécurité électorale" et "confèrent la plus large autonomie à tous les votants, même aux non-voyants et malvoyants". Des arguments auxquels ils ont souscrits malgré une dépense de 420.000 euros HT (2.500 euros HT par machine).

 

*Jérôme Tournadre-Plancq et Benoît Verrier, "Le vote électronique, entre utopie et réalité", note de veille n° 36 du centre d'analyse stratégique, 27 novembre 2006.

 

Thomas Beurey / Projets publics


Machine à voter et vote par internet

Dans la note du centre d'analyse stratégique sur le vote électronique, Jérôme Tournadre-Plancq et Benoît Verrier précisent les deux modalités que recouvre le vote électronique.
Dans le cas du vote par machine à voter, "l'électeur se rend dans un bureau de vote et exprime son vote dans l'isoloir, en suivant les indications affichées par la machine. Il existe également des "valises à voter", assurant la double fonction d'urne et d'isoloir, trois pans masquant aux autres électeurs les choix opérés. Ces machines ne sont pas en réseau, ce qui constitue une garantie en termes de sécurité".
Quant au vote électronique, "il s'agit d'un vote à distance - de chez soi ou de tout ordinateur disposant d'une connexion internet".

 

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