Le Conseil d'État détaille les prérequis à l'usage des drones sur l'espace public
Le recours demandant l'annulation du décret sur l'usage des drones par les forces de l'ordre a été rejeté par le Conseil d'État le 30 décembre 2024. Dans une décision au fond, le Conseil d'État détaille les conditions dans lesquelles des drones peuvent être utilisés sur l'espace public à des fins de police administrative.

© Adobe stock
Plusieurs associations, dont la Ligue des droits de l'homme, l'association de défense des libertés constitutionnelles, l'association Dataring et la Quadrature du net, avaient attaqué le décret du 19 avril 2023 relatif à l'utilisation de drones par les forces de l'ordre pour des missions de police administrative au motif qu'ils violait les réglementations sur la protection de la vie privée. Dans une décision datée du 30 décembre 2024, le Conseil d'État a rejeté l'ensemble des requêtes. La haute juridiction administrative a profité de l'occasion pour clarifier le cadre que doivent respecter les forces de l'ordre.
Dérogations pour les parties privatives
Le Conseil d'État a notamment considéré que les finalités des traitements des images collectées par les drones étant fixées par la loi, elles ne pouvaient être contestées dans le cadre d'un recours contre le décret. La loi prévoit ainsi une interdiction de principe de la captation d'images à l'entrée ou à l'intérieur des domiciles avec des dérogations possibles. La haute autorité administrative estime que ces dérogations n'ont pas à être précisées dans le décret. Il s'agit de "circonstances matérielles objectives, spécifiques à chaque opération". Il peut s'agir par exemple d'une configuration particulière des espaces publics ou de l'impossibilité d'éviter une habitation, sauf à remettre en question l'opération en cours.
Ni reconnaissance faciale, ni interconnexion des données
Le Conseil d'État rappelle en outre l'interdiction de collecter via un dispositif aéroporté des sons ou encore d'intégrer un traitement automatisé de reconnaissance faciale. L'usage d'un drone ne peut être "permanent" et les systèmes ne doivent pas être "interconnectés" avec d'autres dispositifs de traitement de données personnelles.
La collecte des images est limitée au strict nécessaire et leur conservation est limitée à 7 jours.
La haute autorité rappelle ensuite que l'utilisation des drones est encadrée, soumise à autorisation préfectorale, autorisation qui peut ensuite être attaquée devant les tribunaux administratifs. Il revient au préfet de juger de "la nécessité et de la proportionnalité du recours à ces dispositifs", et de prendre en compte des éléments tels que le périmètre géographique ou le nombre de caméras déployées. L'autorisation est délivrée pour une durée maximale de 3 mois.
Analyse au cas par cas
Le Conseil d'État vient ainsi confirmer la jurisprudence, comme le rappelle ce récapitulatif du cabinet Landot. La haute autorité a ainsi validé en 2023 la suspension d'un arrêté autorisant la surveillance par drone de la frontière franco-espagnole au motif que le préfet n'avait démontré ni l'impossibilité d'utiliser des moyens moins intrusifs, ni la proportionnalité de la mesure. A Strasbourg, le tribunal administratif a en revanche validé l'usage de drones pour le marché de Noël du fait des risques avérés d'attentats (existence d'antécédents), de l'ampleur de la manifestation, de la configuration spécifique des rues et du besoin de réactivité des forces de l'ordre. Les images étaient en outre pixellisées pour ne pas reconnaitre les visages. En revanche, pour les rodéos urbains, le tribunal administratif de Nantes a retoqué un arrêté au motif d'un périmètre géographique trop large et d'arguments insuffisants sur la pertinence de mobiliser des drones pour ce type de délit.