Le CNNum veut muscler la politique d'accessibilité numérique
Dans son rapport remis le 5 février, le Conseil national du numérique (CNNum) dénonce le manque de moyens affectés au pilotage et au contrôle de l'accessibilité numérique. S'inspirant de l'organisation mise en place pour le RGPD, le CNNum suggère de créer un réseau de référents, de moduler les sanctions et de valoriser l'écosystème qui pourrait naître de ce vaste chantier.
De la loi handicap de 2005 à la loi Lemaire de 2016, le législateur n'a cessé de renforcer la contrainte sur l'accessibilité des services numériques. Mais faute de moyens pour contrôler ces obligations, l’accessibilité des services publics numériques demeure "l’exception et non la norme" relève le rapport remis le 5 février par le Conseil national du numérique (CNNum). Or, dans un contexte où les services publics se numérisent, "ce manque de volonté est potentiellement préjudiciable à tous les citoyennes et citoyens tant l’accès à certains services est rendu complexe", les premiers à en souffrir étant les personnes affectées de handicaps visuels ou cognitifs.
La première recommandation du rapport est donc de renforcer les moyens affectés au pilotage et au contrôle de l'accessibilité en créant "une Délégation ministérielle de l’accessibilité numérique" (DMAN) rattachée au secrétariat au numérique. Une entité inspirée de celle qui pilote l'accessibilité des bâtiments chargée du "suivi et de la mise en œuvre des obligations d’accessibilité, à travers un pouvoir de sanction sur auto-saisine ou sur plaintes d’usagers". Une DMAN qui s'appuierait sur un "réseau de référents accessibilité numérique et qualité des services publics numériques" présents dans les 18 régions.
L'exception d'accessibilité justifiée par une étude d'impact
Pour obliger les services à accélérer leur plan de mise en accessibilité, le CNNum mise d'abord sur les usagers. Ceux-ci gagneraient la possibilité de réaliser des signalements via une plateforme ad'hoc ou encore de mener des actions groupées. Concernant les administrations et services soumis à des obligations, le CNNum estime que les textes en vigueur sont suffisants, mais qu'il s'agit désormais de les "responsabiliser à travers des mesures opérationnelles de prévention et, le cas échéant, de sanction". Le CNNum propose d'assortir la possibilité de déroger à la mise en accessibilité d'un service (notre article) de la réalisation d'une "étude d'impact". Une étude qui permettrait selon le CNNum de lever "l'insécurité juridique" dans laquelle évoluent les administrations. Autre piste : faire du critère accessibilité une "clause suspensive" dans les appels d'offres, celle-ci n'étant à l'heure actuelle qu'une option au milieu des critères sociaux et environnementaux.
Enfin, sur le modèle du RGPD, le rapport suggère la création de délégués à l’accessibilité numérique dans toutes les administrations. Et pour les récalcitrants, le CNNum suggère d'introduire des sanctions non pécuniaires (comme une interdiction temporaire de publication) ou la création de listes noires de l'accessibilité. Il propose enfin de moduler les sanctions en fonction du budget ou du chiffre d'affaires des entités concernées pour les rendre plus dissuasives.
L'accessibilité, une filière d'avenir
Au-delà des sites et services publics en ligne, le rapport estime qu'un accent particulier doit être porté sur les contenus audiovisuels et pédagogiques. En matière de vidéos, par exemple, l'usage de sous-titres ne serait pas systématique et le rapport suggère d'imposer des obligations d'accessibilité aux producteurs de contenus, "voire aux opérateurs de communication électronique". Un effort se révèle également indispensable sur les contenus pédagogiques et les outils numériques déployés dans la sphère éducative. Le CNNum propose la création d'une "agence de l’accessibilité et de l’adaptation du livre numérique" et d'obliger la mise aux normes d'accessibilité des espaces publics numériques de travail (ENT) déployés au sein des établissements scolaires. Un chantier de mise en accessibilité présenté comme une "opportunité", le CNNum reprenant, là encore, certains arguments de la Cnil sur le RGPD. "Créatrice d'emplois", porteuse de "nouveaux marchés" et "d'innovation", le CNNum souligne le potentiel économique de l'accessibilité et enjoint les pouvoirs publics à se saisir pleinement de cette manne. De l'internet des objets à la robotique en passant par l'intelligence artificielle, le CNNum invite les pouvoirs publics à créer des incubateurs spécialisés et à lancer des appels à projets. Un enjeu qui, notamment sur le volet intelligence artificielle appliquée au langage, relèverait également de la souveraineté nationale, la plupart de ces technologies étant maîtrisées par les Gafa. Un argument porteur au pays de la start-up Nation…