Le CNNum plaide pour la création d'un service public pour une éducation populaire au numérique
Près d'un an après le lancement "d’Itinéraires numériques", une "démarche exploratoire de débats sur le numérique à travers la France", le Conseil national du numérique (CNNum) en publie la restitution. Et plaide pour la création d'un service public pour une éducation populaire au numérique.
Depuis mai 2022, partout en France, au rythme d'une cinquantaine de rencontres et d'une localité par semaine en moyenne, le Conseil national du numérique (CNNum) s'est inscrit dans une "démarche de mise en débat d'une culture numérique partagée à l’échelle de l’entièreté de la population". Il en résulte la publication d'"Itinéraires numériques - Le temps du débat", à la mi-mai 2023, sous forme d'un rapport de 160 pages. "Nous avons échangé avec des élus, médiateurs et conseillers numériques, enseignants et chercheurs, étudiants, collégiens, lycéens, agents de collectivités, formateurs, entrepreneurs, citoyens…" qui "nous ont accueillis dans des tiers-lieux, des bus itinérants, des espaces France Services, des mairies, des établissements scolaires et universitaires, des colonies de vacances, des cafés associatifs, et jusque sur des places publiques", décrit Gille Babinet, dans la préface de l'étude. Il raconte comment a été évoqué le sentiment "de dessaisissement ou au contraire de mise en capacité à travers les jeux, les réseaux sociaux, les services de la vie quotidienne, qu’ils soient administratifs ou non".
"La méfiance peut se muer en rejet des acteurs publics"
Car chez les nombreux Français dépassés par le numérique, "la méfiance peut se muer en rejet des acteurs publics", alerte le CNNum. "Comment éviter que chez certains citoyens, la fracture numérique ne conduise à un rejet des acteurs qui le déploient, à commencer par les acteurs publics ?", s'inquiète l'instance consultative indépendante chargée, en 2021, d'interroger la relation de l’humain au numérique. Certains se disent "terrifiés" par l'impact des écrans sur leurs enfants, évoquent un sentiment d'addiction ou voient dans l'ordinateur "un monstre qu'il ne faut pas toucher". D'autres craignent d'être espionnés par leur téléphone, voire leur compteur électrique, ou s'insurgent contre un numérique "imposé".
Car "la révolution numérique et ses implications jusque dans nos sphères les plus intimes créent parfois un sentiment d'impuissance", décrypte le CNNum. Il estime qu'il ne "s'agit pas seulement de la maîtrise d'un outil ou de la réalisation de démarches en ligne. Il s'agit de reconquérir notre autonomie, notre capacité d'agir, notre dignité, d'être en mesure de comprendre les technologies qui nous sont proposées et parfois imposées, de maintenir du lien social et du lien humain".
"La nouvelle civilisation numérique qui tend à émerger"
Pour lutter contre ce phénomène grandissant d'après le Baromètre du numérique 2023 (1), le CNNum préconise donc de multiplier des débats sur le numérique "dans des endroits conviviaux" tels que les mairies, les centres sociaux, les cafés, les places, les MJC... avec les acteurs locaux. Il suggère plus précisément de "mettre en réseau acteurs académiques, programmes nationaux et structures de terrain pour définir, structurer et diffuser une culture numérique partagée". Et ce afin de faire émerger un "service public pour une éducation populaire au numérique".
Le CNNum identifie certaines "organisations" comme constitutives "d’amorces de la nouvelle civilisation numérique qui tend à émerger". Il cite notamment la MedNum, l’association nationale France Tiers-Lieux, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, Numérique en Commun[s], la Banque des Territoires et encore la Direction interministérielle de la transformation publique. Il préconise toutefois "d’articuler de manière plus étroite les recherches académiques au sujet des enjeux du numérique avec les programmes nationaux ou les initiatives locales, afin de produire une véritable intelligence collective du numérique coordonnée". "L’innovation numérique pourrait ainsi se développer dans le cadre de projets de recherche-action ou de recherche contributive, associant les chercheurs, les ingénieurs, les entreprises, les associations, les collectivités territoriales et les habitants", précise-t-il. Vaste chantier.