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Mobilité - Le CESE plaide pour une relance des infrastructures en phase avec le développement durable

Dans un avis présenté ce 22 septembre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime urgent de relancer les investissements dans les infrastructures de transports en prenant bien en compte les nouvelles exigences du développement durable. Selon son rapporteur, Daniel Tardy, il est tout aussi indispensable pour l'attractivité et la compétitivité du pays d'investir dans la recherche et la formation que dans les infrastructures de transport et de maintenir un niveau régulier de dépenses en la matière. Or l'investissement en infrastructures nouvelles est aujourd'hui tombé au niveau d'il y a 18 ans. Une spirale dangereuse, comme l'a montré l'exemple des Etats-Unis : alors qu'ils consacraient 3% de leur PIB aux infrastructures publiques dans les années 60, ils sont tombés à 2,4% dans les années 80. Pour remettre à niveau leurs infrastructures insuffisamment entretenues, ils estiment à 2.200 milliards de dollars les dépenses à faire dans les cinq prochaines années, soit le double de leur effort annuel d'investissement actuel.

En France, estime le CESE, le Grenelle de l'environnement et le plan de relance offrent l'opportunité de moderniser et de renforcer les infrastructures pour répondre à la croissance de la mobilité dans l'optique du développement durable. Il formule pour cela huit propositions. Tout d'abord, il préconise une gestion patrimoniale des infrastructures. "Pour pouvoir faire des arbitrages, choisir entre l'entretien et le remplacement d'une infrastructure, il faut être capable de mesurer précisément les coûts de construction, de maintenance, de réparation", a illustré Daniel Tardy. Il prône une meilleure articulation du réseau de transport national avec celui des pays voisins en faisant porter les efforts d'harmonisation sur les questions de signalisation et de sécurité et en réclamant un soutien accru au réseau transeuropéen de transport. L'exemple du tunnel ferroviaire Lyon-Turin appelé à désenclaver la Savoie et le nord de l'Italie tout en réduisant les nuisances dues à la circulation routière dans cette partie des Alpes est jugé comme un modèle en termes de développement durable.

Le CESE appelle aussi au développement des techniques permettent d'améliorer la qualité de service. Tout d'abord, pour une gestion rationalisée des flux, il propose de généraliser les expériences de cadencement des TER, de dédier des lignes au fret et d'encourager sur le réseau routier les files réservées, les tarifs différenciés ainsi que les limitations et modulations de vitesse. Des matériels plus performants doivent aussi être mis en place, estime le CESE qui se dit favorable au recours aux camions de 44 tonnes sur les pré et post acheminements routiers dans le cadre d'un transport intermodal. Concernant la voiture électrique, il suggère que la région Ile-de-France serve de "terrain d'expérience" mais appelle "à ne pas déstabiliser le marché pour une technologie qui resterait marginale sans un saut technologique concernant les batteries".

 

Lever les freins qui retardent les projets

Face à la difficulté de monétariser les impacts environnementaux des infrastructures de transports, il juge que "seule la détermination d'objectifs précis permettra d'effectuer réellement des choix" et liste les éléments "désormais incontournables dans les prises de décision" : l'aménagement du territoire, l'évolution des modes de consommation et de production, la nécessité d'anticiper l'usage qui sera fait d'une nouvelle infrastructure, le lien entre cette dernière et les choix en termes d'urbanisme. Le CESE appelle aussi à promouvoir la labellisation "développement durable" des projets via des dispositifs de compensation des émissions de CO2 et le développement de partenariats pour que tout projet d'infrastructure préserve le potentiel écologique des milieux dans lesquels il s'insère.

Le CESE juge aussi urgent de lever les freins à la réalisation de nouvelles infrastructures sans occulter pour autant la concertation. "La réalisation de la première ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon a nécessité 8 ans au total alors que la première phase de la LGV Est a pris 15 ans, tout est donc question d'organisation et de volonté", a estimé Daniel Tardy qui juge que pour éviter d'accumuler ainsi les retards, il est nécessaire pour chaque projet d'avoir "un chef, une équipe, un budget financé".

Enfin, sur l'épineuse question du financement des infrastructures, le CESE appelle à plus de cohérence. "L'Etat se désengage et les collectivités territoriales occupent de loin la première place pour le financement des infrastructures et services de transport", souligne Daniel Tardy. Il juge donc indispensable que le futur schéma national des infrastructures de transport soit décliné "région par région par un contrat spécifique qui permettrait en outre d'écrire les principes de cofinancement". Le CESE invite d'une manière générale à "une meilleure articulation non seulement entre échelons territoriaux en recherchant une coordination avec le schéma européen des infrastructures ou en améliorant les coordinations spatiales au niveau des territoires (par exemple régions avec collectivités infra-régionales), mais aussi entre thématiques : schémas d'aménagement du territoire, schémas de transport, schémas numériques, plans d'habitat…". Selon le CESE, "la désignation d'un chef de file et des schémas co-élaborés et opposables devraient pallier les conséquences de la dispersion des lieux de décision".

 

Anne Lenormand