Insertion - Le CAE a des idées pour prévenir la pauvreté par l'emploi, l'éducation et la mobilité
Dans une note limpide d'une douzaine de pages rédigée par trois de ses membres - Stéphane Carcillo, Elise Huillery et Yannick L'Horty -, le Conseil d'analyse économique (CAE), placé auprès du Premier ministre, propose des solutions pour "prévenir la pauvreté par l'emploi, l'éducation et la mobilité". Tout en reconnaissant que "le taux de pauvreté est relativement modéré et stable en France" - grâce notamment à la "bonne résilience de notre système redistributif" (+40% pour le chômage depuis 2008, mais seulement +9% pour la pauvreté monétaire) -, le CAE estime néanmoins que "la pauvreté en France reste marquée par une impressionnante inertie", les enfants "héritant" en quelque sorte de la pauvreté de leurs parents, mais aussi de celle de leur lieu de résidence.
Aller "au-delà des aides monétaires"
Pour sortir de ce cercle vicieux, le CAE juge "indispensable d'aller au-delà des aides monétaires octroyées aux plus modestes et de s'attaquer aux déterminants de la pauvreté : l'échec scolaire, les difficultés d'insertion professionnelle des peu ou pas diplômés et la concentration de la pauvreté dans certains quartiers, contribuant à sa persistance". Après avoir démontré, à l'aide de quelque chiffres et graphiques très significatifs, la forte corrélation entre ces éléments et la pauvreté, la note formule donc huit recommandations argumentées.
Sur l'éducation, tout d'abord, la première consiste à augmenter la mixité sociale à l'école par l'application de la loi SRU au niveau des zones définies par la carte scolaire. Le CAE préconise également de développer massivement la pratique de la pédagogie positive par la formation - initiale et continue - des enseignants. Dans le même esprit, la note recommande de créer des cellules de suivi des jeunes en risque de décrochage dans les collèges et les lycées. Elle rappelle au passage qu'en Norvège et en Suède, les services sociaux locaux ont une obligation légale d'offrir une formation alternative aux jeunes en situation d'échec dès la sortie de l'école, tandis que les établissements ont l'obligation de partager leurs informations sur l'absentéisme des élèves avec ces cellules de suivi.
Toujours sur l'éducation, le CAE propose de donner le choix de l'autonomie de gestion aux établissements REP (réseaux d'éducation prioritaire) et REP+, avec à la clef une augmentation de 50% des moyens supplémentaires affectés à ces établissements. Le coût de la mesure est estimé à 125 millions d'euros dans l'hypothèse où un quart des établissements concernés signeraient une charte avec l'éducation nationale.
Un droit au logement social transférable
En matière d'emploi et de formation professionnelle, le CAE propose, pour un coût d'environ 600 millions d'euros par an, de créer une garantie nationale d'apprentissage ou de préapprentissage pour les jeunes sans emploi ni formation et de tripler le nombre total de places disponibles dans les dispositifs d'accompagnement intensif, comme les écoles de la deuxième chance.
Si une telle proposition ne devrait pas manquer de faire consensus, il n'en va sans doute pas de même pour la suivante, qui consiste à "baisser encore le coût du travail". Il s'agirait, pour cela, de cibler le Cice et le pacte de responsabilité sur les salaires inférieurs à 1,9 Smic (contre 1,6 actuellement) et de les fusionner avec les allègements de charge à caractère général. Selon la note, une telle fusion engendrerait une économie de l'ordre de deux milliards d'euros, qui permettrait de financer les autres propositions.
Dans le même esprit, évoquant "le bilan décevant des politiques de la ville", le CAE préconise de "favoriser d'autres stratégies d'action territoriale". Plus précisément, il s'agirait de mieux cibler les moyens de la politique de la ville sur les quartiers où le taux de non-emploi, notamment parmi les jeunes, est le plus élevé, et de réallouer une partie des budgets vers l'aide à la mobilité. Toujours pour encourager cette dernière, la note recommande de créer un droit au logement social transférable d'une commune à l'autre, afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires qui envisagent de déménager pour prendre un emploi éloigné de leur lieu de résidence.