Le "bouclier" tarifaire a réduit de moitié l'impact de la flambée des prix de l'énergie, selon l'Insee
Les mesures de "bouclier tarifaire" prises par le gouvernement pour contenir la hausse des factures des ménages et des entreprises en France ont permis de réduire de moitié l'effet de la flambée des prix de l'énergie sur l'inflation, selon une étude de l'Insee publiée le 1er septembre. Le gouvernement, qui prépare actuellement le projet de loi de finances pour 2023, a promis que la hausse des prix du gaz et de l'électricité resterait "contenue" après l'expiration du "bouclier tarifaire" le 31 décembre 2022. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a indiqué ce 6 septembre que la question de l'élargissement du nombre de bénéficiaires du chèque énergie "fera partie" des discussions avec le Parlement sur le futur texte.
Entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, période visée par l'étude de l'Insee publiée ce 1er septembre, "la hausse des prix de l'énergie (gaz, électricité et produits pétroliers) a contribué à 3,1 points d'inflation sur un total de 5,3%" et les mesures de bouclier tarifaire "ont abaissé ces effets de moitié". Sans ces mesures, estime l'Institut national de la statistique "l'inflation entre les deuxièmes trimestres de 2021 et 2022 aurait été 3,1 points plus élevée". "Les deux tiers de cet effet reflètent le renchérissement de l'énergie consommée par les ménages eux-mêmes pour se déplacer et se chauffer. Le tiers restant provient des répercussions, dans les prix des autres produits, des hausses de coût de l'énergie pour les entreprises", précise l'étude.
Atténuation de l'inflation pour les ménages les plus modestes et les plus âgés
Les mesures gouvernementales atténuent "particulièrement l'inflation pour les ménages les plus modestes et les plus âgés", selon l'Insee, qui souligne que les ménages avec les revenus les plus bas sont en première ligne face à la flambée de l'énergie, compte tenu d'une part des dépenses de transport et de logement "un peu plus élevée dans leur panier de consommation". Les dépenses d'énergie représentent ainsi 12,7% des dépenses de consommation des 10% des ménages avec les revenus les plus faibles, contre 9,5% pour les 10% des ménages avec les revenus les plus élevés, indique l'étude.
Parmi les mesures prises par le gouvernement, le gel des tarifs réglementés du gaz à leur niveau d'octobre 2021, "a évité une hausse de 47% des tarifs réglementés entre octobre 2021 et juin 2022", souligne l'Insee, qui évoque également le plafonnement de l'augmentation des tarifs réglementés de vente de l'électricité, qui ont été augmentés de 4% TTC entre août 2021 et février 2022, et ont été stabilisés depuis. Pour les carburants, l'entrée en vigueur, le 1er avril 2022, de la remise à la pompe de 15 centimes d'euros hors taxes a limité l'augmentation du prix entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022 à 34% au lieu de 46%, relève l'étude.
Globalement, "entre les deuxièmes trimestres 2021 et 2022, en cumulant le renchérissement de l'électricité, du gaz et des produits pétroliers, les prix de l'énergie augmentent ainsi de 28% pour les ménages", une hausse qui "aurait été deux fois plus élevée sans mesure de bouclier (+54%)", selon l'Insee. Enfin, pour les entreprises, qui dépendent plus que les ménages de l'électricité, "l'énergie se renchérit de 20%, contre 50% sans bouclier", sur cette période.
Un coût de 24 milliards d'euros pour les finances publiques
Le ministère de l'Économie et des Finances a indiqué le 2 septembre que le coût du "bouclier tarifaire" sur les prix de l'énergie se chiffre à 24 milliards d'euros depuis son déploiement à l'automne 2021. La mesure la plus coûteuse porte sur l'électricité : sur l'année 2022, l'État aura dépensé 10,5 milliards d'euros pour plafonner à 4% l'augmentation des tarifs de l'électricité. La facture de la ristourne sur les prix du carburant s'élèvera elle à 7,5 milliards d'euros, alors que le dispositif a été musclé pour les mois de septembre et octobre avec une prise en charge par l'État de 30 centimes d'euros par litre. Enfin, le gel des prix du gaz devrait coûter 6 milliards d'euros entre octobre 2021 et octobre 2022, estime Bercy, qui précise que les chiffrages "ont vocation à évoluer en fonction des prix de l'énergie", très volatils ces derniers mois. L'approvisionnement électrique est lui menacé par la faible production du parc nucléaire français : seuls 24 des 56 réacteurs nucléaires du pays fonctionnent actuellement, les 32 autres étant à l'arrêt pour des opérations de maintenance programmées ou pour des problèmes de corrosion.
Quid de l'après-2022 ?
Le gouvernement, qui prépare actuellement le projet de loi de finances pour 2023, a promis que la hausse des prix du gaz et de l'électricité resterait "contenue" après l'expiration du bouclier tarifaire le 31 décembre 2022. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a confirmé ce 6 septembre sur BFM TV/RMC que tous les Français continueraient à bénéficier en 2023 d'une forme atténuée de "bouclier tarifaire" sur les prix du gaz et de l'électricité. "On ne va pas faire d'usine à gaz : ce sera le même principe pour tous", a garanti le ministre. Début 2023, "il y aura une augmentation pour tout le monde du prix du gaz et de l'électricité, qui sera la plus contenue possible, dans la mesure de ce que nous permettent nos finances publiques". "Nous continuerons à protéger nos compatriotes contre la flambée des prix de l'énergie", a assuré mardi Bruno Le Maire. "S'il n'y avait pas cette protection, la facture d'électricité augmenterait en janvier 2023 de 120 euros par mois et la facture de gaz de 180 euros par mois", a-t-il encore chiffré.
Le ministre de l'Économie a en outre indiqué que la question de l'élargissement du nombre de bénéficiaires du chèque énergie "fera partie" des discussions avec le Parlement sur le projet de budget pour 2023. Ce dispositif, destiné à atténuer le choc de l'inflation énergétique pour les ménages les plus modestes, est aujourd'hui perçu par "six millions de personnes" et son montant atteint en moyenne "150 euros", a-t-il rappelé. "Est-ce que les parlementaires décideront qu'il faut que ça touche plus de 6 millions de personnes, qu'il faut aller un peu au-delà ? ça fera partie de la discussion (…) au moment de l'examen du budget", a-t-il avancé.
La flambée des prix de l'énergie touche de plein fouet les outre-mer, dont l'approvisionnement dépend de l'aviation et du fret maritime, poussant les pouvoirs publics à chercher des solutions pour éviter la faillite des entreprises et l'appauvrissement des ménages. En Polynésie française, le PDG d'Air Tahiti Nui, Michel Monvoisin, constate également qu'avec l'inflation, "ce n'est pas rentable pour les compagnies de voler vers la Polynésie. Soit des compagnies vont s'arrêter, soit elles feront des pertes". Alors que le carburant représente déjà 30% des charges, ces compagnies ne peuvent pas augmenter les prix car "il y a une surcapacité aérienne vers la Polynésie" et elles sont plutôt "en promotion permanente" pour remplir leurs avions. En Guyane, où l'économie "est tributaire de la commande publique", la chambre de commerce et d'industrie de la Guyane (CCIG) demande pour sa part "que l'inflation soit prise en compte dans les marchés déjà faits, signés, avant la hausse des prix", indique sa présidente, Carine Sinaï-Bossou. Car "au moment où les marchés publics ont été déposés, notifiés, il y avait moins d'inflation et les chefs d'entreprises qui les ont remportés ne peuvent plus y répondre à ce prix-là aujourd'hui", explique-t-elle. Les particuliers souffrent également de la hausse des coûts du carburant dans les outre-mer. Pour combattre la hausse des prix à Mayotte, où le taux de pauvreté est cinq fois supérieur à celui de l'Hexagone, État, conseil départemental et TotalEnergies Mayotte ont annoncé le 1er septembre que leur travail commun avait abouti à une baisse du prix de l'essence à la pompe de 52 centimes (7,4 centimes d'euro par litre grâce au Conseil départemental, 25 cts/l par l'État et 20 cts/l par TotalEnergies jusqu'au 31 octobre). Le département fait un effort de 1,2 million d'euros sur trois mois à travers l'octroi de mer, a précisé son président, Ben Issa Ousseni (LR). "Aujourd'hui c'est le carburant mais nous continuons à travailler sur d'autres produits de première nécessité ici", a-t-il indiqué, appelant la société gestionnaire du port et les distributeurs de l'île à se joindre à ce mouvement et "contribuer à l'effort sur les prix dans le territoire". Le préfet Thierry Suquet a lui rappelé la signature du "bouclier qualité prix" (BQP) lors de la venue du ministre délégué aux Outre-Mer, Jean-François Carenco, sur le territoire le 22 août. Mis en place en 2012, le BQP est un dispositif de régulation des hausses des prix de certains produits de première nécessité, spécifique aux outre-mer. À l'initiative du ministre, "nous avons donc engagé une démarche de réflexion autour de BQP+", avec l'idée "d'introduire dans le BQP une démarche qualitative, lisible", et l'objectif de le signer "pour la fin du mois de septembre", a précisé le préfet. |