Un Conseil de défense sur l’énergie qui se veut rassurant
Le président de la République a organisé ce 2 septembre au matin un Conseil de défense consacré à l’énergie. Chargée d’en faire la restitution, la ministre chargée de la transition énergétique s’est voulue rassurante, estimant que les mesures mises en œuvre devraient permettre d’aborder l’hiver "dans les meilleures conditions possibles", la "sobriété choisie" écartant notamment le spectre "des coupures subies".
"Tout va très bien, Madame la Marquise". C’est en quelque sorte l’air qu’a entonné Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, à l’issue du Conseil de défense et de sécurité nationale qui s’est tenu ce matin sur l’énergie. Après les discours plutôt alarmistes de ces dernières semaines, l’heure semble au rassérènement… et à la défense, alors que des procès en "imprévoyance" montent çà et là (voir infra). "Tous les autres [États membres] connaissent la même situation", a déclaré la ministre, après avoir mis en avant le fait que "le gouvernement a anticipé la situation depuis plusieurs mois". "Tous les leviers à disposition ont été actionnés", a-t-elle encore défendu, invoquant le "renforcement et la diversification des approvisionnements en gaz", avec pour conséquence des stocks de gaz reconstitués à hauteur de 92% "avec deux mois d’avance", le "lancement [sic] en juin par la Première ministre d’un plan de sobriété" – plutôt son annonce, le 23 juin, confirmée par Emmanuel Macron le 14 juillet (voir notre article du 18 juillet) – ou encore le déblocage de projets bas-carbone. Autant d’éléments qui, selon elle, "permettent d’aborder l’hiver prochain dans les meilleures conditions possibles".
"La sobriété choisie pour éviter les coupures subies"
La ministre s’est notamment déclarée "confiante sur le fait que les leviers de sobriété devraient permettre d’éviter les mesures contraignantes", saluant des acteurs – État, collectivités, entreprises – "déjà mobilisés". Si la "poursuite" – ou la réelle mise en route – du plan de sobriété est bien prévue ces prochains jours, "avec le retour des différents secteurs" (voir notre article du 28 juillet), Agnès Pannier-Runacher précise que "chaque acteur a vocation à construire sa propre feuille de route" et que "les efforts collectifs doivent être proportionnés et raisonnables". "On ne demande pas aux entreprises de baisser leur production et leurs activités", a-t-elle même précisé. Même si certaines ne semblent n’avoir guère avoir le choix, comme l’entreprise Duralex qui vient d’annoncer la nécessaire mise en sourdine de son activité ces prochains mois "pour protéger sa trésorerie". Tout en évoquant d’éventuelles mesures contraignantes, comme le rationnement, la ministre s’est voulue rassurante, parlant de "quelques pourcents de moins par rapport aux consommations précédentes".
La même tonalité optimiste était également de mise à propos des 32 réacteurs nucléaires actuellement à l’arrêt : "Le calendrier a été établi pour protéger le cœur de la saison", ce qui explique qu’un "maximum de centrales soit aujourd’hui fermées", explique Agnès Pannier-Runacher. Tout en renvoyant la balle à l’opérateur, en indiquant qu’"EDF s’est engagée à redémarrer tous les réacteurs cet hiver", engagement qui sera vérifié "chaque semaine". Autre motif de soulagement, "les possibles livraisons des pays voisins, qui sont des atouts pour la France". "Le Conseil de défense a particulièrement examiné les relations avec l’Allemagne et l’Espagne […] afin de renforcer les échanges de gaz et d’électricité", a rapporté la ministre, rappelant qu’elle participera vendredi prochain (le 9 septembre) au conseil des ministres de l’énergie extraordinaire de l’UE au cours duquel la Commission européenne soumettra des propositions "afin de faire face à l’emballement des prix". D’après l’AFP, elle devrait proposer de plafonner une partie des prix de gros de l'électricité, d'adopter des tarifs réglementés pour les plus fragiles et de renforcer les mesures incitatives pour réduire la consommation.
Un Conseil de défense… sans le ministre des Armées
À l’heure où nous écrivons ces lignes, difficile de dire si le contenu a été ou non apprécié. Certains, comme le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, avaient d’emblée déclaré à l'AFP ne "pas attendre grand-chose". Le contenant, lui, a n’a en revanche pas manqué d’être une nouvelle fois décrié. L’opposition y voit "un système un peu opaque" (Alexis Corbière, député LFI, sur LCI), un tel conclave, "en dehors du jeu démocratique, dans les sous-sols de l’Élysée", permettant au président de dissimuler "sa totale imprévoyance" (Sébastien Chenu, député RN, sur France 2).
"Spécificité française, le Conseil de défense et de sécurité nationale est un conseil des ministres en format restreint, présidé chaque semaine par le président de la République, pour coordonner la politique de sécurité et de défense nationale", enseigne le site internet de l’Élysée. On sait qu’il se cuisine désormais à toutes les sauces : écologique depuis 2019 (voir notre article du 23 mai 2019), sanitaire avec la crise du Covid, et donc énergétique avec celui réuni ce jour. Pour le coup, ce domaine est précisément prévu par un décret de 2009 disposant que ce conseil "définit les orientations en matière de […] sécurité économique et énergétique". D’aucuns estiment qu’en retenant ce cénacle, le président de la République entendait lier la crise énergétique à la seule guerre en Ukraine, cause certes prépondérante mais non unique des difficultés rencontrées (volte-face sur le nucléaire, retard du développement des énergies renouvelables, etc.). En l’espèce, au vu de leurs agendas (interrogé, le ministère n’a pas été en mesure de nous indiquer les ministres effectivement présents), ni le ministre des Armées (Sébastien Lecornu), ni le ministre de l’Intérieur (Gérald Darmanin), pas plus que la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (Catherine Colonna), ne semblaient y participer.