L’apprentissage est un investissement rentable, mais profite trop peu aux jeunes défavorisés
Deux travaux consécutifs révèlent tout l’intérêt économique et social de favoriser les formations par l’apprentissage dès qu’elles sont possibles. Si l’État a effectivement utilisé ce levier pour faciliter l’insertion des jeunes tout en répondant aux besoins des entreprises, la forte croissance des contrats a surtout bénéficié aux formations du supérieur.
Dans une étude approfondie sur l’impact économique de l’apprentissage en France commandée par Galileo Global Education au cabinet Astérès et présentée le 4 octobre, il ressort que l’apprentissage est un investissement rentable pour la société. Pour chaque euro investi dans l’apprentissage plutôt que dans la formation initiale et dans des aides aux jeunes n’ayant pas trouvé d’emploi, la valeur ajoutée du pays augmente de 17% (soit 3,79 euros supplémentaires par euro dépensé), les recettes publiques de 30% (soit 1,02 euro de plus par euro dépensé) et 9% d’emplois supplémentaires sont générés.
En considérant les 267.748 jeunes ayant signé un contrat d’apprentissage dans le supérieur en 2020, les résultats montrent que, 30 mois après l’obtention du diplôme, l’apprentissage permet de créer 10.380 emplois de plus et que chaque étudiant en apprentissage rapporte à la société – en termes de recettes publiques et de salaires – 6.953 euros de plus que s’il avait dû choisir entre étudier ou travailler.
Meilleur taux d’insertion et salaires plus élevés
En effet, le meilleur taux d’insertion (96% contre 91% pour un étudiant suivant une formation initiale) et les salaires plus élevés (2.021 euros contre 1.914 euros) dont bénéficient les apprentis permettent de diminuer les aides à destination des jeunes demandeurs d’emploi et génèrent des recettes (entre 2.000 et 5.000 euros) qui compensent les coûts de formation et l’aide à l’embauche des apprentis, indique Astérès.
L’État dépense en moyenne 9.181 euros pour un étudiant du supérieur en formation initiale, alors que pour un étudiant en apprentissage, le coût contrat moyen s’élève à 9.200 euros, auquel s’ajoute 8.000 euros d’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis. "Pour autant, une partie importante de ces dépenses est en réalité directement financée par les entreprises", rappelle Astérès qui met également en avant les effets indirects sur l’économie de l’apprentissage. "Les apprentis génèrent indirectement 32 milliards d’euros de valeur ajoutée et 2,1 milliards d’euros de recettes publiques supplémentaires que s’ils n’avaient pas eu d’autres choix que la formation initiale suivie d’une recherche directe d’emploi." Aussi, l’apprentissage dans le supérieur devrait être considéré comme un investissement créateur de valeur aussi bien pour la société que pour les finances publiques.
14,5% des contrats d'apprentissage de niveau 1 et 2
Une récente mission d’information du Sénat sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse dont un chapitre est consacré à l’apprentissage, tempère un peu l’optimisme de l’étude d’Astérès. Tout en convenant également que "l'apprentissage constitue une voie vers l'emploi que les pouvoirs publics cherchent à promouvoir, notamment en faveur des jeunes pour lesquels l'enseignement scolaire classique n'est pas adapté et qui bénéficient de plus d’un revenu, il ne profiterait que partiellement aux publics les plus éloignés de l'emploi", selon les sénateurs. En effet, en 2020, selon les chiffres fournis par la DGEFP (Direction générale emploi et formation professionnelle), seuls 6 % des contrats d'apprentissage visaient l'obtention d'un titre de niveau 1 (savoirs de base) et 8,5 % un titre de niveau 2 (savoirs professionnels). À l'inverse, 20% des contrats visaient l'obtention d'un diplôme au moins équivalent à la licence et 20% au BTS.
Ainsi, la forte progression du recours à l'apprentissage (niveau record de 525.600 de contrats conclus en 2020, soit 42% de plus qu'en 2019 et 64% de plus qu'en 2018), a surtout bénéficié aux formations du supérieur qui ont de plus été boostées. Le nombre d'entrées sur des niveaux de formation équivalents au CAP ne progresse que très modérément (+ 7% de 2019 à 2020) tandis que les contrats préparant une formation du supérieur représentent près de 6 sur 10 en 2020 contre un peu moins de 4 entrées sur 10 en 2018.
Renforcer les dispositifs en faveur des Neet
Face à ce déséquilibre entre jeunes éloignés de l’emploi et jeunes insérés et au regard des multiples dispositifs existants, les sénateurs font plusieurs recommandations : clarifier l'articulation entre le Pacea et la Garantie jeunes et faire de cette dernière l'outil privilégié d'accompagnement des Neet (ni en emploi, ni en études, ni en formation) ; assurer rapidement l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'accompagnement des jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance, en particulier l'accès systématique à la Garantie jeunes ; poursuivre le déploiement des écoles de la deuxième chance, avec le soutien financier de l'État, afin de renforcer leur maillage territorial ; rééquilibrer l'implantation territoriale de l'Épide, en créant de nouveaux centres dans les régions encore peu couvertes ; rationaliser la coexistence des différents dispositifs de deuxième chance en conservant les avantages spécifiques de chacun d'entre eux ; pérenniser les financements du plan "1 jeune 1 solution" à hauteur des besoins notamment en direction des Neet.
Les onze Opco (opérateurs de compétences) ont réalisé un vademecum visant "à favoriser l’homogénéité des traitements entre Opco et à simplifier administrativement le processus de gestion des contrats d’apprentissage" conclus par des employeurs du secteur privé ou du secteur public industriel et commerciale. |