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Apprentissage : les paradoxes et risques de la rentrée 2021

Alors que l’année 2020 est présentée comme exceptionnelle en matière d’apprentissage avec 510.000 contrats signés contre 353.000 en 2019, 2021 fera-t-elle aussi bien ? Rien n’est moins sûr. Si l’été dernier l’inquiétude portait sur le risque pour les jeunes de ne pas trouver d’entreprise d’accueil, cette année ce sont les candidats qui manquent à l’appel.

L’apprentissage est-il victime de son succès ? De fait, le fort développement des formations en alternance depuis 2020, sous l’effet aussi des aides aux employeurs, est une très bonne chose pour la Fnadir (Fédération nationale des associations régionales de directeurs de centres de formation d’apprentis), car cela transmet un message positif au grand public. "L’apprentissage prend la place qui lui est due et n’est plus un choix par défaut", résume Roselyne Hubert, la présidente de la Fnadir qui vient de changer de statut (lire ci-dessous).
Sauf que les directeurs de CFA constatent d’importantes difficultés à trouver des candidats, "c’est une vraie tendance de fond", souligne Roselyne Hubert, déplorant le faible nombre de candidatures à soumettre aux entreprises en recherche d’apprentis dans tous les secteurs d’activité. Un comble alors que fin 2020 le gouvernement a mis en place un arsenal de mesures avec le plan "1jeune, 1solution" pour justement éviter que des jeunes ne se retrouvent sans solution d’emploi. "Nous ne savons pas où sont les jeunes", ajoute Roselyne Hubert, imputant ce problème essentiellement à l’effet Covid qui a eu pour conséquence d’accentuer l’isolement des jeunes du fait du fonctionnement en distanciel et la perte de confiance dans leur avenir professionnel.

Améliorer l’orientation dès le collège

Si la présidente de la Fnadir anticipe une rentrée "correcte", celle-ci pourrait être encore meilleure si un maximum de postes était pourvu. Pour ce faire, il faudrait notamment améliorer l’orientation dès le collège et la plus grande valorisation de la diversité des métiers existants dont certains, à l’instar de ceux du numérique, sont encore trop méconnus des jeunes. "La compétence de l’orientation a été transférée aux régions, mais l’Éducation nationale a aussi son rôle à jouer", rappelle Roselyne Hubert, mais l’une comme l’autre ne serait pas suffisamment assurée, du coup il manquerait un maillon à la chaîne du parcours de l’apprentissage que l’association Walt tente de combler. Créée fin 2019 par six organismes intervenant dans le domaine de l’apprentissage, de la formation et de l’insertion professionnelle (1), Walt a pour objectif de "décloisonner le monde de l’alternance en s’adressant directement aux jeunes, mais aussi à leurs parents, afin de promouvoir dans un style adapté à ces publics les métiers et filières de l’alternance", explique son délégué général, Olivier Gauvin (lire ci-dessous). La Fnadir s’interroge aussi sur la fin des aides à l’embauche des apprentis dont l’échéance a été fixée à fin décembre 2021.

Les CFA approuvent la réforme de l’apprentissage

Concernant la réforme de l’apprentissage avec entre autres la mise en œuvre du coût/contrat, la Fnadir confirme, après une année pleine de fonctionnement en 2020, les résultats de l’étude de France compétences sur les modèles économiques des CFA diffusée le 16 juillet 2021. Celle-ci indique que près de huit CFA sur dix déclarent y percevoir des avantages. Le premier d’entre eux renvoie à une meilleure prévisibilité des recettes (51%), bien que certains CFA mentionnent aussi le caractère incertain des évolutions à venir sur les NPEC (niveau de prise en charge des coûts/contrat), jugé moins stables que le cadre offert auparavant par les conventions quinquennales.
De plus, un tiers des CFA interrogés (31%) mentionnent la fixation d’un NPEC trop faible par rapport à la structure des charges et leur augmentation du fait de la réforme (facturation, Caliopi, gestion de l’aide au permis de conduire). La question du financement du système inquiète d’autant plus les adhérents de la Fnadir que France compétences a clôturé l’année 2020 sur un déficit de près de 5 milliards d’euros, comme le mentionne le rapport d’activité 2020 diffusé le 30 juin dernier. "Une des hypothèses serait de réduire les NPEC", redoute Roselyne Hubert. L’harmonisation des financements entre CFA correspond également à une attente d’une grande partie des CFA (43%), même si certains évoquent la persistance d’éléments incohérents et d’écarts de NPEC incompréhensibles entre des formations comparables et de même niveau.

Manque de fluidité et de simplification

Roselyne Hubert met également en avant que "la réforme est un facilitateur pour ouvrir de nouvelles sections". Elle a aussi contribué à une augmentation de la création de CFA d’entreprise. Pour éviter la concurrence avec les CFA historiques intervenant sur les mêmes secteurs, "la tendance est au partenariat entre les deux types de centres, les CFA d’entreprise bénéficiant ainsi de l’expertise des plus anciens", explique la présidente de l’Ardir Auvergne-Rhône-Alpes.
Cependant des difficultés de mise en oeuvre de la réforme sont également pointées par les CFA dans l’analyse de France compétences, notamment le temps consacré à la facturation et à l’encaissement des contributions (78%), ainsi que la nouvelle relation à créer avec les opérateurs de compétences (62%). Celle-ci s’améliore toutefois, selon la Fnadir, depuis la création de groupes de travail réunissant des Opco et des CFA.
Plus d’un tiers des enquêtés évoque également le manque de lisibilité et d’homogénéité des règles de prise en charge des frais annexes. "La réforme est installée, mais pas tout à fait fluide", confirme Roselyne Hubert, constatant un manque de simplification amplifiant les lourdeurs administratives.

(1) Aftral, Les Compagnons du devoir, les Maisons familiales rurales, Groupe IGS, l’agence nationale Excellence pro et Talls business school.

 

Report des investissements

Dans son enquête, France compétences évoque qu’un CFA sur quatre (25%) indique avoir reporté ses projets d’investissements. « En 2020, les CFA semblent avoir privilégié les investissements incontournables, urgents ou de faible ampleur (matériel pédagogique et informatique) », analyse France compétences. « Une posture relativement attentiste se dégage, en raison d’interrogations sur le futur développement de l’apprentissage d’une part, mais aussi du manque de visibilité concernant le cadre institutionnel actuel en matière de prise en charge des investissements longs ». Seuls certains CFA se seraient mis dès 2020 en « recherche active de financements » via les appels à projets ou les appels d’offres des Régions et des OPCO.

 

  • La Fnadir change de modèle et recrute un délégué général

Lors de son assemblée générale du 26 mai 2021, la Fédération nationale des associations régionales de directeurs de centres de formation d’apprentis (Fnadir) qui compte 13 fédérations régionales et 560 adhérents a modifié son organisation pour devenir la fédération nationale des directeurs de CFA, soit une seule association tout en conservant des conseils de région.
L’objectif est de "structurer la base nationale" dont la gestion sera confiée à un délégué général en cours de recrutement. "Le bénévolat a ses limites", reconnaît la présidente de la Fnadir depuis deux ans, expliquant la "nécessité de se professionnaliser" pour non seulement peser davantage dans les discussions nationales, mais aussi pouvoir répondre à toutes les sollicitations des diverses instances. Le mandat du président a de plus été porté de un à trois ans. L’élection du prochain président est prévue en décembre prochain.

 

  • Le "Guide du routard de l’alternance" s’enrichit de fiches régionales

L’association Walt et les éditions Hachette ont publié début juillet une nouvelle version du guide du Routard de l’alternant, parrainée par le chef Thierry Marx et soutenue par le CCCA-BTP (Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics), Constructys, l’Opcommerce et Pôle emploi. L’objectif est de "porter un regard neuf sur un univers souvent perçu comme complexe par les jeunes". Le guide rappelle les fondamentaux de l’alternance et recense par région et par département des données (aides, initiatives, innovations…) et un annuaire détaillé des centres de formation. Mais il indique également des liens web, des bons plans et des "conseils terrain". En complément du guide, Walt a aussi créé la plateforme numérique "Walt Community" pour faciliter la recherche d’alternance et d’alternants.

 

 

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