Personnes âgées - L'alimentation en Ehpad : du bon et du mauvais...
Alors que deux décrets du 30 janvier 2011 fixent les grands principes de qualité nutritionnelle que doivent respecter les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les services de restauration des établissements d'accueil de la petite enfance (voir notre article ci-contre du 31 janvier 2011), une étude vient apporter des précisions intéressantes sur la question. Il s'agit en l'occurrence d'une enquête par questionnaire réalisée par la CLCV - la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie - auprès de 1.400 personnes âgées en Ehpad ou bénéficiant d'un service de portage de repas à domicile : 1.217 résidents en Ehpad répartis dans 75 établissements et 251 bénéficiaires de portages des repas à domicile, assurés par 21 services.
Les résultats apparaissent globalement positifs, avec des taux de satisfaction élevés, aussi bien en Ehpad qu'en portage. Ainsi, de 79% à 86% des résidents en établissement (selon qu'il s'agit du dîner ou du déjeuner) jugent que le repas est bon. Ce pourcentage est de 88% pour les portages de repas. De même, respectivement 83% et 86% estiment les repas suffisamment variés sur la semaine, tandis que 89% et 91% jugent la taille des portions bien adaptée. Enfin, 91% et 89% des répondants affirment que le repas est un moment agréable. L'étude montre toutefois un décrochement de ces taux lorsque les Ehpad concernés sont rattachés à un établissement hospitalier.
Un manque d'écoute et de prise en considération
Cette satisfaction d'ensemble n'empêche pas l'existence d'un certain nombre de points noirs, qui renvoient presque tous à un manque d'écoute et de prise en considération des personnes âgées. Ainsi, près d'un résident en Ehpad sur deux (48%) ne se voit proposer qu'un menu unique, donc sans possibilité de choix, cette situation étant toutefois moins fréquente lorsque l'établissement recourt à un prestataire privé pour la préparation des repas. De même, 55% des résidents en Ehpad déclarent n'être pas consultés sur la qualité des repas et 44% affirment que leurs demandes éventuelles ne sont pas prises en compte. Plus surprenant : 73% des répondants en Ehpad indiquent qu'ils ne peuvent pas choisir leur place à table. Ainsi que l'explique la CLCV, "on peut comprendre que les situations de très forte dépendance de certains convives ne permettent pas un placement totalement libre, mais néanmoins une souplesse devrait systématiquement être recherchée dans ce domaine".
La situation n'est guère meilleure - sur un autre registre - du côté du portage, puisque 62% des répondants affirment ne recevoir aucun conseil sur la conservation et la préparation des plats qui leur sont livrés. De même, seuls 16% des répondants déclarent être interrogés plus d'une fois par semaine par le personnel (des agents de la commune dans un service de portage sur deux) sur leur consommation effective des repas livrés les jours précédents. Enfin, les personnes âgées jugent le coût des repas portés trop élevé, avec un prix moyen de 7,60 euros par repas. D'après les estimations de la CLCV, quatre à cinq repas livrés par semaine représenteraient à eux seuls environ 10% du budget des bénéficiaires, "un pourcentage très important quand on sait que d'après l'Insee, dans la population générale, l'alimentation pèse en moyenne 11,3% du budget des ménages" (pour trois repas par jour).
Ces résultats mitigés devraient conforter les élus dans leurs réserves sur les deux décrets du 30 janvier 2011. La Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) avait d'ailleurs rendu un avis négatif sur ces deux projets de textes (voir notre article ci-contre du 21 janvier), ses membres reprochant un manque de concertation avec les élus et estimant la rédaction trop vague, dans l'attente des arrêtés qui devraient préciser le niveau d'exigence en la matière.
Jean-Noël Escudié / PCA
Des décrets qui rendent amers…
La publication des décrets du 30 janvier 2011 sur la qualité nutritionnelle des repas services dans les Ehpad et dans les établissements pour la petite enfance, bien que passée relativement inaperçue, commence à faire du bruit. Les élus locaux n'ont en effet guère apprécié que les deux décrets aient été publiés en l'état malgré l'avis négatif de la CCEN. Au moment où l'on reparle beaucoup des normes (proposition de loi Doligé, sujet possible dans l'ordre du jour de la réunion des associations d'élus à l'Elysée ce 10 février…), il est vrai que cette non prise en compte de l'avis défavorable unanime du collège d'élus de la CCEN n'est pas du meilleur effet. Gilles Carrez, le président du Comité des finances locales dont dépend la CCEN, s'en est ému le 7 février devant la presse. Et a indiqué à cette occasion qu'Alain Lambert, le président de la CCEN, a écrit au Premier ministre pour faire part de sa désapprobation. L'élu de l'Orne s'en fait même l'écho sur son blog. Et écrit ainsi, dans un billet du 2 février : "La priorité du gouvernement est d'assurer à la population des denrées d'une 'bonne qualité gustative' notamment en obligeant les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux à servir des repas 'adaptés aux goûts des résidents ou des patients'. On pouvait imaginer que ces principes de bon sens fussent allé de soi ou qu'un guide de bonnes pratiques eussent pu les rappeler. C'eût été trop simple, tout cela figure dans trois décrets, de sorte que tout usager d'une cantine pourra, demain, traîner la collectivité organisatrice devant le tribunal au motif qu'elle ne sert pas une nourriture adaptée à ses goûts."
C.M.