Laïcité dans les services publics : la feuille de route de l'exécutif
Le Premier ministre a installé ce 15 juillet le Comité interministériel de la laïcité et dévoilé le menu de ses travaux pour les prochains mois. Ce nouveau cadre de décision de l'exécutif, qui sera réuni régulièrement, a pour objectif dans un premier temps de mettre en œuvre la future loi confortant le respect des principes de la République. Bon nombre des chantiers annoncés (référents laïcité, formation des agents publics, insertion de clauses spéciales dans les appels d'offres du secteur public…) concernent les collectivités.
L'"essentiel" du projet de loi confortant le respect des principes de la République, que les députés doivent adopter définitivement la semaine prochaine, fera l'objet d'une application d'ici la fin de l'année, a indiqué le gouvernement ce 15 juillet. Pas moins d'une dizaine de ministres étaient réunis ce jour autour du Premier ministre, pour l'installation du Comité interministériel de la laïcité (CIL). La nouvelle structure, dont le secrétariat est assuré par le ministère de l'Intérieur, prend le relais de l'Observatoire de la laïcité, qui a été supprimé par décret il y a un mois (voir notre article du 4 juin). Elle jouera un rôle central dans la mise en œuvre de 17 décisions - dont un certain nombre étaient déjà connues, puisqu'elles figurent dans la future loi "Respect des principes de la République". C'est une véritable "feuille de route" qui a donc été dévoilée, en même temps qu'un calendrier de mise en oeuvre.
On saura ainsi que l'une des mesures phares du texte, le déféré-laïcité, sera applicable avant fin octobre. "En collaboration avec les associations d’élus", le ministère de la Cohésion des territoires élaborera une circulaire sur cette procédure qui s'inspire du déféré-liberté. Avec le dispositif, le préfet pourra demander la suspension d’un acte mettant gravement en cause la laïcité, le juge devant se prononcer dans les 48 h suivant la saisine.
Référent laïcité
Autre mesure importante de la réforme, l'obligation pour les administrations de l'État, les collectivités territoriales et les hôpitaux de nommer un référent laïcité pour former, informer et accompagner les agents ou exercer une médiation, sera précisée par décret d'ici la fin de l'année. Les référents seront "désignés dès la publication" de la loi et "seront ainsi opérationnels dès début 2022", indique le gouvernement.
Par ailleurs, une circulaire du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance précisera, d’ici fin octobre, les nouvelles obligations des organismes privés ou parapublics titulaires de la commande publique, en matière de respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Le futur texte de loi a en effet prévu que les contrats publics confiant l’exécution du service public devront contenir une clause permettant de s’assurer du respect du principe de laïcité dans les services publics. Le contrat comportera obligatoirement des sanctions contractuelles en cas de manquement.
Autre annonce : les travaux que le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques et le ministère de l'Intérieur mèneront pour mettre à jour la charte de la laïcité dans les services publics – qui date de 2007 – sont attendus pour fin 2021. Le but est de parvenir à "un cadre de référence non seulement plus précis, mais aussi mieux connu des agents publics comme des usagers".
Formations et guides
La formation de l’ensemble des agents publics à la laïcité d’ici 2024-2025, objectif fixé par la future loi, fera, elle, l'objet d'une montée en régime progressive. Les référents laïcité, les encadrants, les agents en contact avec le public et les services ressources humaines seront "formés en priorité". À noter aussi : "mi-2022 au plus tard", chaque nouvel agent entrant dans la fonction publique devra suivre une formation à la laïcité.
Sans préciser à quelle échéance, le gouvernement indique par ailleurs que les élus locaux "pourront bénéficier, à titre gratuit", des formations "Valeurs de la République et Laïcité" (VRL) de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). "Dès début 2022", cette formation sera aussi "systématiquement" proposée aux éducateurs de prévention spécialisée et aux médiateurs sociaux recrutés au sein des "bataillons de la prévention", aujourd’hui déployés dans 45 quartiers prioritaires de la politique de la ville.
En parallèle des formations, les agents et les élus locaux pourront s'appuyer sur un ensemble de ressources que le gouvernement veut déployer pour "diffuser la culture de la laïcité". Ainsi, un "document pédagogique présentant les enjeux des nouvelles mesures législatives pour les collectivités locales" sera diffusé via les réseaux des associations d’élus et les préfets, d’ici octobre. En outre, un vade-mecum sur la mise en place du contrat d’engagement républicain par les collectivités locales sera diffusé "dès la publication du décret d’application", qui doit intervenir "d'ici la fin de l'année". Ce contrat, qui doit remplacer les chartes locales de la laïcité, rappellera l'obligation pour les associations de respecter les valeurs de la République.
Dialogue avec les élus locaux
De plus, "dès la fin de l'année", les agents pourront consulter un guide pratique de la laïcité, que préparent actuellement le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. Avec ce nouvel outil, le gouvernement entend "répondre aux interrogations des agents publics, et plus particulièrement des managers qui sont confrontés au quotidien à une diversité de situations, parfois difficiles".
Au-delà du stade de l'information tous azimuts, le gouvernement assure vouloir véritablement dialoguer avec les élus locaux sur la laïcité et sa mise en œuvre. À cette fin, le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Cohésion des territoires - ainsi qu'éventuellement d'autres ministères associés - réuniront chaque semestre les associations nationales d’élus. Cette "instance de dialogue" sera déclinée localement par les préfets. La prochaine réunion à l'échelle nationale se tiendra en décembre, en présence des présidents des associations d'élus et des ministres. Il s'agira de "faire le bilan des échanges organisés localement avec les préfets de département" et d'"identifier les points d’attention pour l’année à venir".