L'adoption ou la révision d'un document d'urbanisme n'influe pas sur le rythme de consommation d'espace, estime le Cerema
Selon une étude du Cerema publiée ce 18 juillet, le lien entre l’existence d’un document d’urbanisme et le rythme de la consommation foncière n'est pas établi.
Réalisée pour la DGALN (direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature), l'étude publiée par le Cerema ce 18 juillet sur le lien entre artificialisation des espaces agricoles et naturels et les documents d’urbanisme, n’a pas mis en évidence d’impact spécifique sur la consommation d’espace, souligne l'organisme. L’établissement public avait pour objectif dans ce rapport d'"analyser les grandes tendances de la consommation d’espaces en lien avec la présence ou non de documents d’urbanisme sur le territoire" à l’échelle locale (PLUi, cartes communales…) ou supérieure (Scot), d'"analyser les liens entre cette même consommation d’espace et les zonages (principalement U, AU, N et A) des documents d’urbanisme locaux" et, enfin, de "mesurer le potentiel d’urbanisation actuellement disponible dans les zones AU au regard du rythme de consommation d’espace observé".
Au niveau national, le Cerema a identifié 25.423 communes (un peu plus de 72% des communes françaises) couvertes, au 1er janvier 2023, par un document d’urbanisme, dont 15,1% par une carte communale, 35,6 % par un PLU communal et 14,7% par un PLU intercommunal (PLUi). À ces catégories s'ajoutent des PLUi sectoriels, c'est-à-dire couvrant seulement une partie de l'intercommunalité – principalement des procédures réalisées dans un EPCI ayant fusionné par la suite (7,4%) et 34 plans d'occupation des sols.
Un peu plus de 9% de consommation d'espaces dans les communes sans document d'urbanisme
En termes de consommation foncière, les communes au règlement national d’urbanisme (RNU), qui n’ont donc pas de document d’urbanisme, concentrent 9,1% de la consommation d’espaces ("alors qu’elles ne contribuent qu’à hauteur de 2,53% à la hausse du nombre de ménages"), contre 58% pour le PLU, 24,7% pour les PLUi et 7,3% pour les cartes communales (qui représentent 2,4% de la croissance des ménages), selon le Cerema.
La garantie communale (ou garantie rurale) d’un hectare, adoptée en juillet 2023 dans le cadre de la loi visant à faciliter l'application de l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN), qui donne droit à toute commune à au moins un hectare à artificialiser quelle que soit sa consommation passée, doit s’appliquer au moins à 30.976 communes, a chiffré le Cerema. Elle représentera environ 25% de l’objectif national de consommation sur la période 2021-2031 – 28% si on exclut les 12.500 hectares réservés à des projets d’envergure nationale ou européenne.
Des PLU très hétérogènes
L’établissement public constate que les PLU "ont une contribution à la consommation d’espaces légèrement inférieure à leur contribution à la croissance en ménages et emplois". Il en va de même pour les PLUi, "dont l'efficacité est en moyenne supérieure à celle des PLU". "Cette analyse ne doit cependant pas être surinterprétée", prévient le Cerema qui souligne qu'il y a une quinzaine d'années, les documents d'urbanisme étaient réservés aux communes urbaines, ce qui n'est naturellement plus le cas aujourd'hui. L'organisme relève aussi une grande diversité de situations au sein de la catégorie des PLU en termes de dynamiques, de géographie ou de contexte local. De plus, l'appellation PLU reprend de nombreux documents réalisés à plusieurs années d'intervalles, relève l'étude. Ainsi, ceux du début des années 2000 "ne sont pas aussi protecteurs de la ressource foncière que ceux réalisés récemment, précise-t-elle. Cet écart temporel peut notamment expliquer la différence entre l'efficacité des PLUi, créés plus récemment, et celle des PLU."
Le Cerema conclut avec prudence que "les analyses menées ne permettent pas de conclure sur l’impact positif ou négatif de l’adoption d’un document d’urbanisme ou de sa révision sur le rythme de consommation d’espace". Compte tenu du fait que la durée moyenne d'élaboration d'un document d'urbanisme est comprise entre 4 et 5 ans, "un document prescrit en 2023 sera en moyenne approuvé en 2028, avec des projets compatibles qui ne seront commercialisés qu’après 2030", relève le Cerema. Donc un document d’urbanisme dont l’élaboration est lancée aujourd’hui doit se fixer comme objectif de respecter la trajectoire fixée par la loi Climat et résilience pour l’après-2031. Aussi, "pour répondre aux enjeux de zéro artificialisation en 2030, les collectivités doivent dès à présent se saisir de la question", souligne l'établissement public tout en estimant que "le respect des objectifs de diminution du rythme de consommation d’espace ne pourra reposer sur la planification mais devra mobiliser d’autres leviers", que l’étude ne détaille pas.
Foncier à urbaniser : un potentiel pour 160 ans
Enfin, le Cerema a procédé à un croisement des données concernant le zonage des PLU et PLUi et la consommation effective d’espaces. Il relève ainsi que 49,9% de l’artificialisation est située dans les zones U (urbaines), 37,5% dans les zones A (agricoles) et N (naturelles et forestières) et 12,9% dans les zones AU (à urbaniser). Il met toutefois en garde contre la méthode employée qui "a tendance à surestimer la consommation dans les zones N et A", la consommation pouvant inclure des équipements ou des infrastructures. Mais "il n’en demeure pas moins que cette part élevée dans les zones interroge sur le caractère protecteur de leur règlement", relève l'organisme.
Le potentiel de foncier pour la construction ne manque pourtant pas. Selon les données du Géoportail de l’urbanisme, 145.000 hectares sont disponibles dans les zones AU de 12.051 communes, quand l’enveloppe maximale de consommation foncière fixée par la loi pour la période 2021-2031 s’élève à 121.568 ha. Alors que les zones AU concernent 13% de l’artificialisation, en retenant une trajectoire de réduction par deux du rythme de consommation d’espaces, les zones AU des communes observées permettent une consommation d’espaces... pour les 160 prochaines années, estime le Cerema.