La vente de protoxyde d’azote bientôt réservée aux seuls professionnels ?

La consommation de "protoxyde d'azote" chez les jeunes reste en pleine progression malgré l'interdiction de la vente aux mineurs en 2021. Une nouvelle proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée, mercredi, vise une interdiction globale pour les non-professionnels, tout en menant des actions de prévention.

Le "gaz hilarant" ne fait pas rire les élus. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté, mercredi 22 janvier, une proposition de loi transpartisane visant à "réserver la vente de protoxyde d'azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées". Un sujet "explosif" car "la consommation récréative de protoxyde d'azote est exponentielle et séduit de plus en plus d'adeptes, notamment chez les jeunes", a alerté le rapporteur du texte, le député LFI Idir Boumertit (Rhône). Depuis des années, les élus dénoncent le détournement de ce gaz utilisé en médecine comme analgésique ou en cuisine pour les siphons de crème chantilly sous forme de capsules argentées. Inhalé à l'aide d'un ballon, il provoque des bouffées d'euphorie de courte durée, ce qui lui vaut son nom. 

De nombreux arrêtés municipaux

Le phénomène est "en forte progression", a souligné le député devant la commission, rappelant que de nombreuses villes - Nantes, Marseille, Montpellier, Paris ou encore Lyon – avaient pris des arrêtés pour interdire la consommation et la détention de ces capsules sur la voie publique, "allant parfois jusqu'à interdire la vente de nuit dans les commerces". En 2021, une loi était déjà venue interdire la vente aux mineurs (voir notre article du 2 juin 2021) mais elle n'a visiblement pas eu les effets escomptés. 5,3% des élèves de 3e ont déjà pris du gaz hilarant, un taux qui monte à plus de 13% chez les 18-24 ans, a précisé le rapporteur, insistant sur les effets "neurotoxiques, reprotoxiques" et la "toxicité vasculaire" du produit. Il a également souligné les effets sur l'environnement. Les collectes de capsules se montent à 30 tonnes à Lille et 20 tonnes à Lyon. "Ces quantités augmentent chaque année tout comme le coût de traitement", "c'est une charge supplémentaire considérable pour les collectivités", a-t-il dit.

Interdiction et prévention

Le texte prévoit donc d'interdire la vente aux particuliers "dans l’ensemble des lieux publics, commerces et en ligne" et de la réserver à une liste de professionnels fixée par décret. La vente ou l'importation du produit à des fins détournées sera passible d'une amende de 3.750 euros. La proposition de loi contient également un volet prévention. Il s'agit à cet égard de "coordonner les actions de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives et des agences régionales de santé, afin d’établir un état des lieux de la consommation de l’usage détourné du protoxyde d’azote, de diffuser régulièrement des rapports, et de mener des actions de prévention adaptées", précise le texte.

Des "coûts considérables"

"Le volet préventif ne suffit", a réagi Fabien Di Filippo (Droite républicaine, Moselle), regrettant le rejet de son amendement visant à classer le protoxyde d'azote dans la liste des stupéfiants : "Vous refusez de traiter comme une drogue une substance qui en a tous les effets." À l'inverse, Laurent Croizier (Les Démocrates, Doubs) a dénoncé une interdiction trop globale, qu'il aurait souhaité réserver aux conditionnements en grosses bouteilles. "Il serait tout à fait inacceptable de ne plus permettre aux Français d'acheter des cartouches pour utiliser leurs siphons de cuisine", a fait valoir le député qui est d'ailleurs l'auteur d'une autre proposition de loi, enregistré le 21 janvier, visant à appliquer le principe "pollueur payeur" aux producteurs de cartouches de protoxyde d’azote. "Lorsqu’elles sont jetées dans des corbeilles de rue, avant d’être orientées vers des installations de traitement, les cartouches peuvent provoquer des dégâts considérables", dénonce le texte, évoquant un coût de 150.000 euros en moyenne pour une unité de valorisation énergétique et jusqu'à 500.000 euros en cas d'explosion dans un four. Quant à la proposition de loi adoptée mercredi, elle sera examinée en séance publique la semaine prochaine.