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Urbanisme - La valorisation des emprises ferroviaires sur les rails

Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF ont contractualisé avec l'Etat la cession de terrains pour favoriser la réalisation d'opérations d'aménagement urbain et la construction de logements par les collectivités. Mais certains projets sont bloqués faute d'entente entre les acteurs. Pour dénouer ces situations, les villes peuvent saisir le Conseil national de valorisation ferroviaire. Premier bilan de son action.

Dans de nombreuses communes, la cession de terrains à proximité des gares revêt une dimension stratégique pour mener à bien des projets de revitalisation de centres-ville. Du côté des établissements publics ferroviaires - Réseau ferré de France (RFF), en charge des infrastructures, et la SNCF, exploitant du réseau -, la cession de terrains qui n'ont pas d'utilité stratégique pour le rail est l'occasion de dégager des recettes pour leur développement. En théorie, les intérêts des uns et des autres se rejoignent.

En 2008, RFF a identifié sur l'ensemble de son patrimoine 4.000 hectares de terrains mutables sur une période de 15 ans, les recettes devant être affectées en totalité à la rénovation du réseau. Dans le contrat que l'établissement public a passé avec l'Etat pour la période 2008-2012, il est prévu que 250 sites soient cédés afin de permettre la construction de 15.000 logements. De son côté, la SNCF compte vendre une centaine de sites qui pourraient accueillir de 5.000 à 6.000 logements.

 

Une instance d'arbitrage

Chaque année, RFF signe 500 à 600 actes de vente. Dans la plupart des cas, les négociations avec les collectivités se passent bien. Mais il arrive aussi qu'elles achoppent et conduisent à un blocage des projets locaux. Face à ces situations souvent complexes, les collectivités, les opérateurs tout comme les administrations de l'Etat et les aménageurs peuvent saisir le Conseil national de valorisation ferroviaire (CNVF), créé en mars 2008 auprès du ministre de l'Ecologie. Cette instance d'expertise indépendante, composée de six membres tous spécialistes des questions ferroviaires et d'aménagement, a le plus souvent un rôle de "médiation, voire d'arbitrage", a résumé sa présidente, Thérèse Cornil, lors d'une conférence de presse le 29 avril.

Le Conseil peut être consulté sur toutes les questions qui se posent de l'amont à l'aval des opérations de cession : identification des possibilités de changements d'affectation des biens de RFF et de la SNCF en fonction de leur utilité pour la poursuite ou le développement du service public ferroviaire ; estimation de l'indemnité de reconstitution ferroviaire due par les collectivités lorsque la cession foncière implique de déplacer des installations - un poste d'aiguillage, par exemple - qui restent nécessaires à l'exploitation ; analyse du programme immobilier ou d'aménagement envisagé sur les terrains libérés au regard des objectifs de l'Etat en matière d'aménagement durable et donc de densité, de réalisation de logements ou de préservation des intérêts patrimoniaux des établissements publics ferroviaires ; estimation de la valeur vénale des biens dont la cession est envisagée.

 

Vingt avis suivis d'effets

En deux ans d'activité, le CNVF a rendu vingt avis après avoir été saisi dans la majorité des cas par des collectivités. La question du prix constitue l'un des principaux motifs de saisine. "Il est très difficile de donner un prix à un terrain ferroviaire : très souvent, ils sont évalués en fonction de la méthode du compte à rebours, c'est-à-dire que l'on prend en compte le projet d'aménagement tel que la collectivité l'a envisagé et on regarde ce que son bilan peut supporter en termes d'acquisitions foncières", a expliqué Thérèse Cornil. Le prix variera en fonction de la part plus ou moins grande de logements sociaux, d'équipements publics et d'espaces verts dans l'opération car leur valorisation n'est naturellement pas la même que celle des bureaux ou des commerces. Mais si la collectivité a tout intérêt à ce que les prix du foncier soient bas, les établissements ferroviaires comptent valoriser au mieux leur patrimoine. Le contenu des projets les intéresse au premier chef car plus ils seront denses, plus ils compteront de logements privés, plus les recettes seront importantes. Le CNVF doit donc arbitrer au mieux des objectifs et des intérêts souvent contradictoires.

Sur les vingt affaires qu'il a traitées jusqu'alors, sept ont permis d'aboutir à des cessions effectives mais toutes ont été suivies d'effets, a insisté Thérèse Cornil, ne serait-ce que pour renouer un dialogue qui avait été rompu. Parmi les dossiers dont le CNVF a été saisi figurent des emprises ferroviaires situées à Domont (Val-d'Oise), à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), à Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais), à Melun (Seine-et-Marne), à Annecy, à Aix-en-Provence (ZAC de la gare TGV) et à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

 

L'ébauche d'une doctrine

Au-delà des cas particuliers qui lui sont soumis, le CNVF entend aussi établir une doctrine qui pourra faire référence dans des cas de même nature. L'un de ses avis s'est déjà traduit par la publication d'une circulaire du 9 février 2009 sur l'évaluation des terrains en fonction du programme de logements sociaux. Ce texte détermine une méthode de calcul des recettes prévisionnelles pour des opérations qui prend en compte les charges foncières du logement social dans la limite des obligations légales auxquelles sont soumises les collectivités locales en application de la loi Solidarité et Renouvellement urbains (SRU), soit 20% lorsque les communes respectent l'article 55 de la loi et 30% pour les autres. Le CNVF s'efforce aussi d'établir un cadre de référence sur l'"imputabilité" des choix d'aménagement sur le prix des terrains. Il compte également mettre au point un guide des bonnes pratiques sur le financement de la reconstitution des installations  ferroviaires qui sont souvent source de frictions entre collectivités et opérateurs.

 

Anne Lenormand
 

 

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