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Spectacle vivant - La TVA à 2,10% sur les premières représentations menacée par la Commission européenne

La Commission européenne a annoncé le 8 octobre qu'elle engageait la deuxième phase de la procédure d'infraction ouverte contre la France à propos de l'application du taux "super réduit" de TVA (2,10%) aux recettes de billetterie des premières représentations de spectacles. La Commission a adressé le même jour à la France un "avis motivé" détaillant ses griefs. Si la législation française n'est pas mise en conformité avec la réglementation européenne dans un délai de deux mois, la Commission pourrait saisir la Cour de justice.
Théoriquement, les taux inférieurs à 5% sont interdits par l'article 99 de la directive TVA. Mais l'article 110 autorise toutefois une dérogation - à titre transitoire - pour les taux inférieurs à 5% qui étaient en vigueur au 1er janvier 1991. Cet article interdit cependant toute extension ultérieure du champ de ces dérogations. Afin de favoriser le développement du spectacle vivant, la France a mis en place, en 1986, un taux super réduit (2,1% au lieu de 5,5%) pour les 140 premières représentations d'un spectacle. Ce taux s'applique aux représentations théâtrales d'oeuvres lyriques, dramatiques, musicales ou chorégraphiques nouvellement créées ou d'oeuvres classiques faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène, ainsi qu'aux récitals, concerts et tours de chant, quel qu'en soit le genre musical. Parmi les conditions pour bénéficier de ce taux super réduit figurait le fait de ne pas servir de consommations (buvettes). Dans le cas contraire était alors appliqué le taux "normal" de 5,5%. Ce taux super réduit de 2,1% entrait donc bien dans le cadre de l'article 110. En revanche, la France a supprimé, depuis le 1er janvier 2007, la condition relative à l'absence de buvettes. Le taux de 2,1% est donc désormais appliqué avec ou sans vente de boissons. La TVA étant due par tous les organisateurs de spectacles quelle que soit la forme juridique de l'organisateur (y compris les associations à partir du moment où les services fiscaux ont conclu à leur assujettissement à la fiscalité commerciale), l'avantage procuré par le taux super réduit est loin d'être négligeable.
C'est précisément cette extension du champ d'application du taux super réduit, contraire à la directive TVA, que dénonce la Commission européenne. Selon le communiqué publié par cette dernière, "la Commission ne conteste pas le maintien du taux super réduit pour les 140 représentations de spectacles, mais estime que l'extension de ce taux favorable aux spectacles où des consommations sont servies est incompatible avec les articles 99 et 110 de la directive TVA et va à l'encontre des principes d'harmonisation qui impliquent qu'une mesure dérogatoire ne puisse être étendue". La position française en la matière manque clairement de bases légales et la France est délibérément passée outre une règle clairement posée. Un éventuel contentieux devant la Cour européenne de justice risque donc fort de se conclure par une condamnation. Mais, si la France choisit de se conformer aux injonctions de Bruxelles - par exemple à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 -, les organisateurs de spectacles devront faire un choix : soit renoncer au taux super réduit (avec pour conséquence une hausse du prix des places et un impact possible sur la fréquentation), soit fermer la buvette, qui représente souvent un appoint de recettes significatif pour les lieux de spectacles.  

 

Jean-Noël Escudié / PCA