La transformation de bureaux en logements, un enjeu de dimension nationale

C’est à la Maison de la Mutualité que Paris-Île-de-France Capitale économique (PCE) a clôturé la longue séquence de prises de paroles de 2024 sur la transformation de bureaux en logements. Entre 2013 et 2022, 5% des logements produits en France l’ont été grâce à ce type d’opération.

L’enjeu est tout sauf banal, captant tout à la fois les besoins en logements des territoires mais également leurs problématiques de productivité et de compétitivité. La transformation de bureaux en logements faisait l’objet d’une conférence de Paris-Île-de-France Capitale économique, mardi 17 décembre à la Maison de la Mutualité (5e arrondissement de Paris). "Il faut mettre en perspective la véritable portée de cette question, prendre en considération qu’elle relève de la transformation de l’économie immobilière", a déclaré André Yché, consultant et ancien président de CDC Habitat. 

Tandis que la production de logement recule, les mètres carrés de bureaux vides et obsolètes, eux, continuent de pulluler (2 millions de mètres carrés de friches, selon le Consortium des bureaux en France) et interrogent sur la réponse qu’ils constituent face à la crise. 

Pour l’heure, le travail de recherche du programme "Du tertiaire au logement : quelle réversibilité" (financé par la Banque des Territoires) met en exergue qu’entre 2013 et 2022, 89.160 projets de conversion d’actifs tertiaires en logements ont été comptabilisés en France, représentant 216.571 logements autorisés (soit 5% du nombre de logements créés sur la période). 

Un challenge à relever

"Peu de transformations de bureaux ont été réalisées en 2024, a reconnu Richard Curnier, directeur Île-de-France de la Banque des Territoires. Pour des raisons politiques d’abord, car beaucoup d’élus sont refroidis par le manque de recettes liées au logement. Ensuite, les coûts de transformation sont élevés et les investisseurs pas toujours prêts à les absorber. Le potentiel existe, mais plusieurs freins restent à lever." Bien que la loi Elan, via son dispositif autorisant une densité supplémentaire de 30% pour toute opération de transformation, ait permis d’amorcer des rénovations en solvabilisant davantage l’équation financière, cela ne suffit pas : il faut accélérer. 

Un véritable challenge à relever, selon Katelle Le Guillou, directrice générale de la Foncière de transformation immobilière, spécialisée dans l’acquisition d’actifs pour les transformer en programmes à dominante résidentielle. "Notre rôle est de contribuer à la production d’environ 11.000 logements en France, majoritairement abordables, issus de cette transformation. S’agissant des opérateurs de logement intermédiaire ou de logement social, nous proposons des bails à construction en contrepartie d’une redevance. La FTI investit ainsi 100 millions d’euros par an pour produire 1.500 logements, dont, pour l’heure, 70% en Île-de-France et 30% en région." Des opérations qui font l’objet d’un accompagnement par les collectivités, par exemple à Strasbourg, où la FTI a participé à la transformation d’un ancien bâtiment d’Orange en résidence étudiante. 

Encourager la transformation

Pour massifier les opérations de transformation, la voie législative est-elle la bonne? "Le législateur légifère trop, trop rapidement, il y a souvent des trous dans la raquette", a estimé Romain Daubié, député de l’Ain à l’initiative de la proposition de loi sur la transformation des bureaux en logements (voir notre article de mai dernier). "La loi que nous avons voté ne va pas tout résoudre, il y a certainement des choses à côté desquelles on est passé."

Face à l’urgence, André Yché préconise le recours au droit d’exception, dans un premier temps. Michèle Raunet, notaire associée et directrice générale de l’étude Cheuvreux, considère quant à elle que, sur le long terme, les plans locaux d’urbanisme demeurent des outils pertinents. "C’est une responsabilité collective des élus et des acteurs de réaliser des documents d’urbanisme qui permettent de faire."

"Il faut prendre du recul sur cette question afin d’avoir une vision globale, a conclu l’ancien président de CDC Habitat. On ne peut plus penser en termes de subventions publiques mais plutôt en création de valeur. Celle des actifs obsolètes est encore surévaluée pour permettre des opérations. Les porteurs d’actifs doivent l’entendre !" Enfin, des décisions, peut-être douloureuses, devront être prises par le prochain gouvernement. "Sans décision claire, on se heurte à une résistance corrosive."

› Un Cercle des mécènes de la transformation des bureaux

En vue de déclencher l’action grâce à l’intelligence collective, Paris-Île-de-France Capitale économique a décidé de lancer son Cercle des mécènes de la transformation des bureaux. Se voulant un espace de dialogue entre acteurs privés et acteurs publics, "il mobilisera un réseau d’experts internationaux, ouvrira les perspectives et permettra de trouver des points de convergence", a déclaré Chloë Voisin-Bormuth, directrice générale de PCE. Un appel à projets sera en outre lancé le 4 février dans le cadre de la troisième édition du prix international de la transformation de bureaux en logements, en partenariat avec la Maison de l’architecture d’Île-de-France.