Archives

Elus - La réserve parlementaire dans le viseur de la Cour des comptes

Dans un référé, les magistrats ont épinglé la gestion de la réserve parlementaire, en recommandant une "profonde réforme". Le président de l'Assemblée nationale est monté au créneau.

Dans un courrier révélé le 12 février par la Cour des comptes, les ministres de l'Intérieur et des Finances invitent l'Assemblée et le Sénat à une "discussion" sur "l'avenir" de la réserve parlementaire.
Les 140 millions d'euros annuels de cette réserve parlementaire, laissés à la discrétion des députés (80 millions d'euros) et des sénateurs (60 millions d'euros) servent dans les circonscriptions au financement de projets décidés par les collectivités et d'activités menées par les associations.
Ce courrier est une réponse à un référé de la Cour des comptes adressé fin novembre aux ministres, par qui transitent les demandes de subventions. Dans ce référé, l'institution de la rue Cambon conclut à la nécessité d'une "réforme profonde" des subventions pour travaux divers d'intérêt local, dispositif dont la part la plus importante est constituée par la réserve parlementaire - une part plus minime bénéficie au ministère de l'Intérieur.
L'instruction des subventions allouées dans ce cadre est parfois défaillante, observent les magistrats : les pièces justificatives requises sont souvent manquantes et certaines subventions visent des dépenses inéligibles, voire des projets déjà engagés - ce qui n'est pas conforme au droit. De plus, les règles d'instruction des dossiers sont diversement appliquées d'un département à un autre.
Sur le fond, le dispositif est "peu performant", dénonce la Cour. Qui remarque que certaines communes sont littéralement des "abonnées" à la réserve parlementaire, alors que cette procédure revêt en principe un caractère exceptionnel. Autre limite : la faible contribution des subventions au financement des projets, en moyenne de 6,6% en 2012. Il en résulte des coûts d'instruction élevés, par exemple 2,5 fois supérieurs à ceux de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
La Cour en conclut que "le moment paraît venu de s'interroger sur l'utilité de cette forme d'aide". Elle recommande de "réorienter une part significative" des crédits des réserves parlementaire et ministérielle vers des dispositifs budgétaires tels que la DETR. Pour les subventions qui demeureraient à l'initiative des parlementaires, les magistrats préconisent d'"encadrer" leur attribution par "des règles de bonne gestion".

Claude Bartolone invoque la transparence et l'utilité

Dans sa réponse, le ministre de l'Intérieur s'engage avec son homologue des Finances au renforcement des procédures de contrôle préalable au versement des aides et de suivi de la réalisation des projets. Une nouvelle circulaire devrait être adressée aux préfets dans ce but. Pour ce qui concerne "l'efficacité du dispositif", les ministres renvoient aux assemblées. "La majorité des crédits est répartie entre les parlementaires ou groupes politiques" sans que "le ministère de l'Intérieur n'interfère dans le choix des bénéficiaires ou des projets", notent-ils.
La Cour des comptes a dévoilé le référé et la réponse du gouvernement peu avant la publication le 12 février par l'Assemblée nationale de l'utilisation en 2014 de la réserve des députés. Celle-ci a représenté un total de 80 millions d'euros, dont 54% ont bénéficié aux communes et établissements publics de coopération intercommunale - contre 46% pour les associations.
Invité de France Inter le même jour, le président de l'Assemblée nationale a défendu la réserve des députés. "Je préfère que ce soit des sommes indispensables aux collectivités et aux associations qui soient fléchées par les députés en toute transparence, plutôt qu'on ne supprime ces sommes à un moment où les collectivités et les associations en ont besoin. Ou que ce soit les ministères, les administrations, ou les préfets qui les attribuent d'une manière plus opaque", a déclaré Claude Bartolone, en faisant remarquer que les observations de la Cour valaient pour les années précédant son arrivée à la tête du Palais Bourbon.