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Commande publique - La reprise provisoire des relations contractuelles par le juge de l'urgence

Dans un arrêt du 17 juin, le Conseil d'Etat est venu rappeler le rôle du référé-suspension dans le cadre d'un contentieux lié à la résiliation d'un contrat de la commande publique, et notamment la possibilité de reprise provisoire des relations contractuelles.
Dans les faits, la commune de La Guérinière avait conclu une délégation de service public (DSP) avec la société Les Moulins en vue de la gestion du camping municipal. Après autorisation du conseil municipal, le maire a résilié cette convention. En sus d'un recours au principal tendant à l'annulation de la décision de résiliation et à la reprise des relations contractuelles, la société remerciée a également saisi le juge du référé-suspension du tribunal administratif de Nantes. Ce dernier a rejeté sa demande, estimant que la condition relative au doute sérieux sur la légalité de la mesure de résiliation litigieuse n'était pas remplie. Saisi en cassation par l'entreprise remerciée, le Conseil d'Etat a confirmé cette position.
Depuis l'arrêt de principe " Béziers II " du 21 mars 2011, le juge du contrat peut désormais invalider une décision de résiliation irrégulière et prononcer la reprise des relations contractuelles. De ce fait, l'office du juge du référé-suspension a également évolué et ce dernier peut, sous certaines conditions, suspendre la décision de résiliation litigieuse et ordonner la reprise provisoire des relations contractuelles. Pour aboutir, un référé-suspension doit, en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, réunir deux conditions que sont l'urgence d'une part et un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée d'autre part. Toutefois, dans le cadre d'un référé suspension relatif à une décision de résiliation d'un contrat de la commande publique, ces conditions doivent être appréciées d'une façon particulière.

La spécificité de l'office du juge du référé-suspension face à une demande de reprise provisoire des relations contractuelles

La haute juridiction administrative rappelle que le juge des référés doit tout d'abord vérifier "que l'exécution du contrat n'est pas devenue sans objet". En défense, la commune avait avancé cet argument, justifié selon elle par la reprise en régie du camping. Cependant, c'est à juste titre que le juge de l'urgence a estimé que le litige n'était pas dépourvu d'objet, le terme du contrat n'étant pas dépassé ou n'ayant pas épuisé ses effets.
Ensuite, pour apprécier la condition d'urgence, le juge doit évaluer "d'une part les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, d'autre part l'intérêt général ou l'intérêt de tiers, notamment du titulaire d'un nouveau contrat […]".
Concernant la condition relative au doute sérieux sur la légalité, le juge de l'urgence doit distinguer deux types de vices : ceux attenant à la décision de résiliation contestée et ceux relatifs au contenu du contrat.
Si les vices invoqués à l'égard de la mesure de résiliation sont d'une gravité suffisante, le juge de l'urgence pourra prononcer la reprise provisoire des relations contractuelles. En revanche, si le caractère illicite du contrat est manifeste, le juge des référés doit apprécier "si cette irrégularité serait de nature à conduire le juge du contrat, s'il était saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, à prononcer […] la résiliation du contrat ou son annulation". Si c'est le cas, le juge de l'urgence devra "rejeter les conclusions tendant à la reprises des relations contractuelles", et ce "quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est […] entachée".
Le juge de l'urgence doit donc, dans un souci de cohérence, se projeter dans le raisonnement du juge du fond pour ne pas ordonner la reprise d'un contrat qui serait manifestement illégal.
Si en l'espèce, le juge des référés n'a pas décidé de suspendre la décision de résiliation litigieuse ni d'enjoindre la reprise provisoire de la DSP, cette position est provisoire. L'affaire sera prochainement et définitivement réglée au fond, dans le cadre d'un recours dit "Béziers II" par le tribunal administratif de Nantes.

L'Apasp

Référence : CE, 17 juin 2015, n°389044
 

 

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