Industrie - La relocalisation du Solex, un cache-misère pour l'automobile française

Deux bonnes nouvelles pour l'économie normande : la production de Solex électriques va reprendre en France dans une usine de Saint-Lô, tandis que les chantiers navals de Cherbourg viennent de recevoir une commande historique du Mozambique pour la construction de trente bateaux. Pour Arnaud Montebourg, c'est le "triomphe du Made in France". Même si derrière le Solex, l'industrie automobile française est à la peine...

Vingt-cinq ans après, les célèbres vélomoteurs Solex sont de retour en France. Chantre des relocalisations, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, s'est lui-même rendu au Bourget, jeudi, au siège du nouveau propriétaire de la marque, la société Easybike, pour annoncer la bonne nouvelle. Dès le mois de janvier, la firme rapatriera en effet environ un tiers de la production de solex électriques aujourd'hui fabriqués en Chine. En 2013, l'usine de Saint-Lô (Basse-Normandie) en produira 3.000. Mais elle devra rapidement s'agrandir pour sortir 12.000 à 15.000 deux-roues électriques à partir de 2015.
L'opération a été rendue possible grâce au soutien de la bpifrance qui a accordé une avance remboursable de 1,3 million d'euros au groupe. Easybike prévoit quasiment de doubler ses effectifs en embauchant 25 personnes supplémentaires, principalement sur le site de Saint-Lô.

Retrait de Renault en Iran

Ce beau succès du "Made in France" aura toutefois du mal à compenser les déboires de l'automobile française et notamment de Renault qui a vu ses résultats dégringoler au premier semestre 2013 (97 millions d'euros, contre 774 millions d'euros au premier semestre 2012) et dont le directeur général délégué aux opérations, Carlos Tavares, vient de quitter ses fonctions. "Cette annonce fait suite aux déclarations de Monsieur Tavares dans la presse le 14 août dernier, faisant état de ses ambitions de diriger un grand groupe automobile concurrent de Renault, propos que nous considérons effectivement incompatible avec le caractère de la mission qui lui était confiée au sein de notre entreprise", a commenté la CFE-CGC. Mais ce départ intervient après un été houleux, sur fond de politique étrangère. Le 26 juillet, Carlos Tavares avait annoncé à regrets le retrait des activités de Renault en Iran, sur injonction américaine. Les Etats-Unis ont en effet décidé le 3 juin dernier de durcir les sanctions contre l'Iran, en particulier dans l'automobile, menaçant de représailles les entreprises présentes dans ce secteur d'activité. Le président de la Commission du Sénat Philippe Marini s'en était alarmé dans une tribune transmise à l'agence Reuters, fin juin. "Les conséquences de ces sanctions pourraient être dévastatrices pour la filière automobile française", avait-il averti. Le sénateur avait alors demandé que les autorités françaises saisissent "de toute urgence" la présidence américaine sur ce sujet. Or l'Iran était l'un des plus gros marchés pour Renault avec plus de 100.000 véhicules vendus en 2012, essentiellement des Tondar (modèle iranien de la Logan).

Fermeture du site d'Aulnay

Ces difficultés ne sont pas sans rappeler celles de PSA un an plus tôt. En juillet 2012, la firme avait lancé un vaste plan de restructuration passant par la suppression de 11.200 emplois et la fermeture du site d'Aulnay-sous-Bois. Deux mois plus tard, mandaté par le gouvernement pour établir un diagnostic sur les difficultés du groupe, Emmanuel Sartorius avait conclu que PSA était resté trop concentré sur le marché européen, à l'inverse des autres grands groupes mondiaux. Mais nulle mention n'était faite dans son rapport de l'arrêt complet des exportations de véhicules vers l'Iran, son deuxième marché, avec environ 450.000 véhicules par an. Une décision prise sous la pression de General Motors avec lequel PSA venait de signer une alliance. Fin octobre, les ouvriers de l'usine d'Aulnay livreront leur dernière C3 ; ils ne produiront ensuite que des pièces détachées jusqu'à la fermeture définitive du site en 2014.
Dans les deux cas, l'Uani (United Against Nuclear Iran), un puissant lobby américain, s'est montré persuasif, comme en attestent certains courriers adressés au patron de Renault Carlos Ghosn.
"Plusieurs dizaines d'équipements ou fabricants de pièces automobiles risquent de ne plus pouvoir exporter ou fournir leurs produits ou services. Une telle baisse d'activité pourrait entraîner des fermetures de sites […] avec des effets redoutables à très court terme sur l'emploi", avait encore alerté Philippe Marini, dans sa tribune.

Michel Tendil


Une commande historique pour les chantiers navals NORMANDS
Le Mozambique a passé une commande de 30 bateaux d'une valeur de 200 millions d'euros aux Constructions mécaniques de Normandie (CMN), qui emploient près de 350 personnes à Cherbourg, a annoncé jeudi le propriétaire des chantiers navals, l'homme d'affaires libanais Iskandar Safa.
Il s'agit de 24 chalutiers, trois patrouilleurs de 32 mètres et trois patrouilleurs de 42 mètres, a-t-il précisé lors d'une conférence de presse à Cherbourg en présence du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, du ministre délégué au Budget et ancien député-maire de Cherbourg Bernard Cazeneuve et de la ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq. Le ministre de l'Economie de Mozambique Manuel Chang était également présent.
Cela représente plus de deux ans de plan de charge pour les CMN, selon la direction. "Pour les CMN, il était temps que ce contrat arrive. Les chantiers deviennent ainsi les premiers constructeurs de chalutiers en France", a déclaré Bernard Cazeneuve.
"C'est le triomphe du Made in Cherbourg et donc du Made in France", a ajouté Arnaud Montebourg. "C'est une partie d'un contrat que le groupe Safa a signé avec le Mozambique", a expliqué Iskandar Safa.
L'ensemble de la commande au groupe Safa inclut une trentaine d'autres bateaux pour les autres chantiers du groupe (situés notamment en Allemagne et à Abou Dabi), a précisé M. Safa.
Les CMN affichent un chiffre d'affaires annuel d'environ 50 à 100 millions d'euros, selon les années, selon la direction.
AFP
 

 

 

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