La région Île-de-France pérennise son aide au covoiturage
À l'issue de deux ans d'expérimentation, la région Île-de-France a décidé de pérenniser ses subventions au covoiturage. Depuis le 1er mai, les chauffeurs peuvent cumuler jusqu'à 150 euros d'aide par mois. Un dispositif qui fait des émules dans d'autres territoires.
Si le covoiturage est évoqué depuis plusieurs années comme un moyen de faire face à la saturation des réseaux de transports et aux pics de pollution franciliens en améliorant le taux de remplissage des véhicules (aujourd'hui de 1,08 passager), le passage à l'acte reste rare pour les trajets courte distance. "Pour aider les automobilistes à franchir le pas du covoiturage, il faut les aider financièrement", a estimé la présidente de la région Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, interrogée par BFM TV. C'est ainsi que la région a décidé fin avril de pérenniser et d'étoffer son aide aux covoitureurs.
Cibler les trajets contournant la capitale
Une décision fondée sur une phase d'expérimentations de deux ans, jugée concluante. Depuis la fin 2017, la région a en effet subventionné huit start-up proposant des solutions de covoiturage courte distance (Karos, Klaxit, IDvroom, BlaBlaLines, Ouihop, Roulez Malin, Covoit’ici, Clem’). Un dispositif qui n'a véritablement décollé qu'avec la grève perlée de la SNCF au printemps 2018. En un an, le nombre de voyages a été ainsi multiplié par quatre, passant de 10.000 covoiturages par mois à 35.000 en moyenne. Et au-delà des volumes, le covoiturage répond à des besoins mal couverts par l'offre de transports en commun en Île-de-France. Dans son bilan de l'expérimentation, la société Karos note ainsi que "89 % des trajets covoiturés concernent la grande couronne francilienne, 37?% des trajets évitant les détours induits par le réseau de transport en commun en étoile".
Une incitation pour les conducteurs et les passagers
Des résultats encourageants mais avec une marge de progression… abyssale. Il faut en effet comparer les 360.000 covoiturages réalisés sur deux ans aux 8 millions de voyageurs qui transitent quotidiennement sur les réseaux franciliens. Face aux contraintes que représentent le court-voiturage - horaires contraints, détours possibles, incertitudes sur le retour…-, la région a décidé de relever ses incitations financières. Depuis le 1er mai 2019, l'indemnité versée aux conducteurs (via une subvention aux start-up), est passée de 2 à 3 euros par passager en fonction de la distance parcourue. Elle est toutefois plafonnée à 150 euros par conducteur et par mois. Pour les passagers, deux trajets quotidiens sont offerts à tout détenteur d'un pass Navigo annuel. Le dispositif de gratuité du covoiturage est également prolongé en cas de "pics de pollution" et de "perturbations majeures dans les transports", grâce à une subvention de 4 euros par trajet.
Quatre start-up conventionnées
L'originalité du dispositif est surtout de s'appuyer sur des entreprises innovantes pour gérer et organiser le covoiturage dans un cadre conventionnel, plus souple et plus ouvert qu'une délégation de service public. Début mai, quatre sociétés avaient signé une convention avec Île-de-France Mobilités : Karos, Klaxit, IDVroom (filiale de la SNCF) et BlaBlaLines (filiale de BlaBlaCar). La convention, ciblée sur les trajets domicile-travail, détermine le montant maximal des subventions versées au conducteur en fonction de la distance parcourue. Le plafond de 2 euros initial, jugé insuffisamment incitatif, a du reste conduit la société Citygo à sortir du dispositif expérimental. Les trajets doivent par ailleurs avoir au moins une origine ou une destination sur le territoire francilien (hors Paris intra-muros). La convention prévoit également l'accès à l'offre de covoiturage via l'application mobile Vianavigo ainsi qu'un partage des données sur les trajets pour permettre à la collectivité de mieux connaître les pratiques des Franciliens et d'adapter les infrastructures comme les aires de covoiturage.
Voie réservée et preuve de covoiturage
Si la subvention représente un coup de pouce aux conducteurs, bientôt complété par la loi d'orientation sur les mobilités et son "forfait mobilités durables" cofinancé par les employeurs, d'autres pistes sont à l'étude par la collectivité pour booster cette pratique. Il y a tout d’abord la création de voies réservées sur les grands axes, étudiées par la région (RN 118, RN 104) et la ville de Paris sur le périphérique. Un système dont l'efficacité dépend cependant du déploiement d'une technologie permettant de reconnaître automatiquement (ou sanctionner), les véhicules (non) habilités à circuler sur ces voies réservées. Dans le même esprit d'éviter les abus, Île-de-France Mobilités collabore avec l'État et trois autres territoires sur la création d'une "preuve de covoiturage" pour s'assurer que l'argent public bénéficie bien exclusivement aux covoitureurs. Cet enjeu a fait l'objet d'une "start-up d'État" via le dispositif beta.gouv.fr désormais en phase d'accélération. Son ambition est de créer un "registre" national des preuves de covoiturage permettant à l’ensemble des opérateurs de covoiturage d’attester les trajets effectués par leurs utilisateurs. Une plateforme technique qui pourrait-elle même faciliter la mise en place de nouvelles incitations au covoiturage (bon d'achats, tarifs réduits…) par les autorités organisatrices ou les collectivités locales.
Une dizaine de collectivités expérimentatrices
Sans attendre la loi d'orientation sur les mobilités qui va l'encourager, l'aide au covoiturage est d'ores et déjà testée par plusieurs autorités organisatrices de transport en France. Des projets, pour le moment expérimentaux qui visent à améliorer la desserte de secteurs ciblés comme de grandes zones d'activité ou des quartiers péri-urbains mal desservis par les transports en commun. Toulouse, Clermont-Ferrand, Lannion-Trégor Communauté et le Pays du Lunévillois ont ainsi signé avec la start-up Klaxit pour déployer sa solution "Klaxit mobilités". Karos travaille pour sa part avec la région Normandie (sur les zones urbaines entre Rouen et Le Havre), le département de l'Essonne ou encore Flers Agglo dans l'Orne.