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Conseil des ministres - La réforme des collectivités déclinée en quatre projets de loi distincts

Comme prévu, les textes de réforme des collectivités locales ont été présentés ce mercredi 21 octobre en Conseil des ministres. Leur présentation par le communiqué officiel diffusé à l'issue du Conseil correspond bien à ce que l'on savait de la réforme, telle qu'elle avait notamment été défendue la veille, le 20 octobre, par le Président de la République lors de son déplacement à Saint-Dizier. On retiendra en revanche que cette réforme se compose bien de quatre projets de loi distincts. Il y a, tout d'abord, le projet de loi central de réforme de "l'architecture institutionnelle" et ses grands volets désormais connus : le conseiller territorial, l'intercommunalité (achèvement de la carte intercommunale d'ici 2014, périmètres, fusion de communes), les métropoles et les compétences ("spécialisation de l’action des départements et des régions", principes devant dicter la "clarification" et la limitation des cofinancements). Une loi "ultérieure" est d'ailleurs bien prévue pour préciser les règles du jeu de ce volet compétences.
Les trois autres projets de loi présentés mercredi déclinent en fait les conséquences électorales de la réforme. Le premier d'entre eux – le plus important – concerne deux élections. Il fixe, d'une part, le mode de scrutin des futurs conseillers territoriaux, élus pour six ans à partir de mars 2014 : un scrutin "mixte" associant, pour 80 % d’entre eux, une élection au scrutin uninominal majoritaire à un tour et, pour les 20% de sièges restants, une "répartition proportionnelle au plus fort reste" fonction des "suffrages obtenus au scrutin majoritaire par les candidats affiliés à des listes et non élus". Le même texte vient par ailleurs introduire l'élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, avec fléchage, dans les communes de plus de 500 habitants.
Le deuxième texte porte sur le calendrier : pour que tous les conseillers territoriaux puissent être élus en mars 2014, il fallait de facto raccourcir le mandat des conseillers régionaux qui seront élus en mars prochain (mandat réduit à quatre ans) tout comme celui des conseillers généraux qui seront élus en 2011… pour trois ans seulement. Le troisième texte est quant à lui un projet de loi organique d'ajustement du Code électoral tirant les conséquences des deux textes précédents.

 

Des experts divisés

En rendant compte des travaux du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a entre autres déclaré que c'était maintenant au Parlement "de jouer son rôle, de prendre en compte l'ensemble de ce texte, de l'amender si nécessaire et de l'adopter". Il a ainsi opposé une fin de non-recevoir à la proposition du PS de soumettre le projet de réforme des collectivités à un référendum.
Le choix d'un scrutin uninominal à un tour assorti d'une dose de proportionnelle pour l'élection des conseillers territoriaux divise non seulement la classe politique, mais aussi les experts, certains y voyant une meilleure garantie d'équilibre, d'autres une prime évidente à l'UMP.
Pour Bertrand Maligner, du CNRS, "c'est un excellent système" qui, s'il "favorise les grosses formations politiques et renforce la bipolarité UMP-PS", va permettre "d'assurer des majorités cohérentes". "Ca évite des petits arrangements entre les deux tours", fait valoir cet expert du droit électoral, ajoutant que l'instillation d'une dose de proportionnelle va également "rendre possible la représentation des minorités".
Ce dispositif mixte a été mis en place pour favoriser "exclusivement l'UMP", tranche au contraire le politologue Guy Carcassonne : "La droite sait s'unir au premier tour alors que la gauche part toujours en ordre dispersé avant de s'unir". Par ailleurs, ce scrutin mixte "alimente des querelles permanentes de légitimité car vous pouvez avoir 100% du pouvoir avec même pas 30% des électeurs puisque c'est le candidat qui est arrivé en tête qui est élu". "Cela signifie que l'on peut être minoritaire en voix et majoritaire en sièges", dénonce Guy Carcassonne. Pour Dominique Rousseau, professeur de droit, cette réforme "bafoue" aussi "l'égalité des représentants" dans la mesure où tous les conseillers territoriaux "ne seront pas élus selon le même mode de scrutin".

C.M. et AFP

 

Depuis mardi, une avalanche de réactions…

Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, a une nouvelle fois regretté mardi soir dans un communiqué, suite au discours de Nicolas Sarkozy, les "erreurs d'analyse fondamentales" sur lesquelles reposent les réformes engagées. L'une de ces erreurs : se fonder sur "le couple département-région" alors qu'en réalité, les blocs qui fonctionnent sont le bloc communes-intercommunalités-départements pour la proximité et le bloc région-Etat-Europe pour les "stratégies de développement". Le président de l'ADF parle même d'une "atteinte aux libertés publiques" – "liberté de voter les dépenses et les recettes de nos collectivités, liberté de choisir nos politiques territoriales en fonction de la spécificité de nos territoires, liberté de nous présenter devant les électeurs et de leur proposer des projets".

Martin Malvy, président de l'Association des petites villes de France (APVF), appelle quant à lui carrément à "la mobilisation générale des maires" et à "l'adoption d’une délibération commune à tous les conseils municipaux", leur proposant d'ailleurs un modèle de délibération qui, côté institutionnel, demande notamment que départements et régions puissent "continuer à apporter librement" leur contribution au "financement des équipements et des projets municipaux".
L'union des maires des Bouches-du-Rhône, par exemple, a d'ailleurs d'ores et déjà appelé tous ses membres à signer une motion réclamant le report d'un an de la réforme.

Michel Destot, le président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), voit d'un bon œil la "reconnaissance réelle du fait urbain" et la création des métropoles. Il restera toutefois "très vigilant" sur la question du seuil démographique et "sur la définition même de la métropole qui, en l'état actuel des choses, reste un simple EPCI et non une collectivité territoriale de plein exercice, dont les compétences, certes élargies, ne font pas l'unanimité".

Dominique Perben, qui sera rapporteur à l'Assemblée nationale des lois sur la réforme territoriale, a qualifié mercredi de "club de défense des grands élus" l'ensemble des opposants au texte présenté la veille par Nicolas Sarkozy.

Pour Pierre Mauroy, la fusion des conseillers généraux et régionaux "va avoir pour conséquence d'affaiblir le conseil général et le conseil régional. Elle va conduire à une reprise en main du pouvoir central sur les collectivités".
 

 

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