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Environnement - La reconversion urbaine des friches polluées fait débat

Le 16 juin, une journée technique de l'Ademe sur la reconversion urbaine des friches polluées a réuni près de 300 participants à Paris. "Une dizaine de milliers d'hectares de friches sont à réintégrer dans le tissu urbain. Souvent considérés comme des obstacles, ils peuvent constituer des opportunités pour repenser la cohérence des villes", a introduit Philippe Van de Maele, président de l'Ademe. Il a ajouté que le surcoût de leur dépollution, estimé de 1 à 1,5 million d'euros par hectare pollué, n'était pas forcément insurmontable. D'autant que l'Ademe peut appuyer des projets par le biais d'un fonds doté de 20 millions d'euros pour 2009-2011, qui doit être à terme étendu. Dès les prochains jours, l'agence mettra aussi en ligne sur son site un guide élaboré avec le ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire (Meeddat), qui identifie les quatre étapes d'une opération de reconversion, délivre une approche systémique et éclaire divers aspects tels que la gestion des terres excavées, la réglementation ou le financement. "Ce guide est plus un point d'étape, il s'étoffera progressivement et sera finalisé d'ici la fin de l'année", a précisé Fantine Lefevre du Meeddat. 

Des études de cas instructives

Deux aménageurs public et privé ont détaillé leurs projets. Pour commencer, la Sem Innovia Grenoble a tiré des retours d'expérience de deux opérations de dépollution de friches industrielles menées avec la ville de Grenoble (quartier Vigny-Musset) et la région Rhône-Alpes (Zac Bouchayer Viallet). Principales leçons tirées : l'aménageur est le seul capable de piloter la dépollution à l'échelle d'une ZAC et d'en assumer la responsabilité financière. Le rapport de l'aménageur avec la Drire, tout comme son implication auprès de la maîtrise d'oeuvre, sont nécessaires pour animer le travail d'équipe et faire aboutir le projet.

"Sa réussite dépend de la qualité du dialogue entre services de l'Etat, collectivités, maîtrise d'ouvrage et experts", a confirmé André Sandt, vice-président de la Société française des urbanistes. Tout comme dans la seconde étude de cas présentée par Bouygues Immobilier, qui concernait la reconversion d'une friche à l'entrée de Toulouse, le potentiel de valorisation foncière du terrain à traiter compense les coûts de dépollution mais reste difficile à évaluer en amont des travaux. "C'est regrettable qu'on ne parvienne pas à intégrer dans le chiffrage du montant des travaux le calcul de ces futures retombées pour la collectivité", a dans ce sens observé Jean-Rémi Mossmann, directeur régional au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Cet expert du sujet est intervenu en appui de Bouygues afin de réhabiliter ce site en trois étapes : maillage du site, tri des terres polluées, puis confinement sur site de deux tiers d'entre elles (60.000 m3), le reste ayant été évacué. Dans d'autres cas de figure, par exemple celui de Sanofi-Aventis qui a démoli et réhabilité le site d'une filiale à Décines-Charpieu (69), le coût des travaux, de l'ordre de 18 millions d'euros, n'est pas compensable par le fruit de la vente du terrain.

Informer les habitants, s'appuyer sur les bons produits

L'accent a aussi été mis durant cette journée sur la nécessité d'informer les habitants sur le lancement et le suivi de tels projets, même si la communication est forcément délicate. "Face à ce type de terrain, l'évaluation des risques est l'étape essentielle même s'il subsiste toujours une part d'incertitude. Malgré cela, il faut créer à partir de là un climat de confiance avec les habitants", a insisté Guy Auburtin, directeur d'un institut d'hygiène au Conservatoire national des arts et métiers. C'est d'autant plus délicat que ces projets rencontrent souvent nombre d'aléas techniques et administratifs dont Yves Debris, directeur des services de la ville de Talange (Moselle), a pu témoigner. En effet, si près de 150 études ont été menées durant vingt ans afin de reconvertir un site actuellement occupé par le parc à thème Walygator, un permis d'aménager vient tout juste d'y être accordé afin de lancer sur place un projet de dépollution. Selon lui, il est essentiel d'avoir au plus tôt l'appui des élus concernés et de s'appuyer si besoin sur un syndicat intercommunal ou sur le savoir-faire d'un cluster régional. "Les outils de diagnostic et les méthodes de gestion environnementales existent, il reste toutefois à les optimiser et à mieux encadrer du point de vue réglementaire le statut des terres excavées qui entrent une fois sorties du site dans le champ de la réglementation déchets", a ajouté Patrice Philippe, responsable du dossier sur les sites pollués de l'Ademe.

Jacky Bonnemains, président de l'association Robin des Bois, a appelé quant à lui les collectivités à se méfier de ce type d'opération "qui n'élimine pas la pollution mais la remanie et ouvre la porte à des formes d'insécurité juridique". "Toute ville a des responsabilités et les outils juridiques pour mener une reconversion figurent entre autres au Code de l'urbanisme", a rétorqué Karine Le Roy-Gleizes, avocate au bureau de Paris. Et de conclure "qu'il importe que le promoteur joigne à sa demande de permis de construire une notice environnementale permettant de prendre en compte l'état environnemental du site dans le cadre du projet de réaménagement et que l'outil de restriction d'usage du site soit bien actionné au bon moment".

 

Morgan Boëdec / Victoires éditions

 

 

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