Sécurité - La prévention bute encore et toujours sur l'échange d'informations
"Interministérielle et partenariale, la politique de prévention de la délinquance a franchi en 2013 une étape décisive dans la reconnaissance de sa singularité comme politique publique." Dans son rapport annuel au Parlement, publié le 17 juillet, le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) se réjouit d'un "réel changement" accompli en matière de prévention, avec le lancement de la stratégie nationale de prévention de la délinquance pour la période 2013-2017, succédant au plan national de 2010-2012.
Cette stratégie, qui a conforté le rôle du maire, s'est traduite par un effort en direction des jeunes (chantiers éducatifs, parcours citoyens, plateformes de réinsertion…), notamment dans les zones de sécurité prioritaire (ZSP). Elle poursuit trois priorités - la délinquance des jeunes, les violences faites aux femmes et l'aide aux victimes, et la tranquillité publique. La stratégie nationale a été déclinée au niveau départemental avec les plans départementaux de prévention de la délinquance adoptés en 2013 et cosignés dans la moitié des cas par les présidents de conseils généraux, et le sera cette année au plan local dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
Initiatives isolées
Seulement pour pouvoir être pleinement efficace, la stratégie nationale devra renforcer le partenariat local des acteurs de la prévention qui, depuis des années, bat de l'aile. "Pour mettre en oeuvre ces trois programmes de façon efficace, il est essentiel de clarifier la gouvernance de la politique de prévention de la délinquance au plan départemental et au plan local", prévient le CIPD. Le rapport insiste notamment sur l'exemple des schémas locaux de tranquillité publique qui se sont traduits par des initiatives éparses des maires, des préfets, des bailleurs, des transporteurs... "Ces initiatives sont parfois isolées et ne sont pas suffisamment coordonnées. De plus, le développement de la vidéoprotection s'est fait parfois de manière autonome", déplore le comité.
Les défaillances du partenariat sont également perceptibles dans la mise en œuvre des zones de sécurité prioritaire. Le secrétariat général du CIPD a été précisément chargé d'évaluer le volet prévention de ces 80 territoires prioritaires créés à partir de juillet 2012 en trois vagues. Pour mener à bien les actions de prévention, les ZSP disposent d'un nouvel organisme : la cellule opérationnelle du partenariat (Ccop). Or, la mise en place de ces cellules "n'a pas toujours permis de créer la dynamique nécessaire à la circulation de l'information entre les différents partenaires". Pire, "la coexistence et la juxtaposition" de la Ccop avec les CLSPD (ou CISPD) engendre parfois "une incompréhension par le niveau local de l'interaction entre ces deux entités". Un constat qui a conduit le mois dernier le ministre de l'Intérieur à prendre une circulaire pour demander aux préfets de mieux articuler les deux structures entre elles (voir ci-contre notre article du 1er juillet 2014).
Clarifier l'échange d'informations
Elément clé de la loi du 5 mars 2007, l'échange d'informations continue d'être le point faible des politiques de prévention, au-delà du cas spécifique des ZSP, bien qu'une charte déontologique ait été établie en 2010 pour faciliter les relations de travail. "La nécessité de clarifier la question de l'échange d'informations au sein des groupes opérationnels des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance est unanimement constatée", souligne le CIPD. C'est pourtant un gage de réussite des programmes d'insertion des jeunes et du traitement des situations individualisées au sein des ZSP. Le CIPD travaille à une actualisation de la charte type et à la publication d'un guide méthodologique. La Cnil devrait adopter "une autorisation unique, ce qui permettra aux communes de prendre des engagements de conformité".
Le CIPD travaillera dans le courant de l'année à faciliter la mise en œuvre de la stratégie nationale. En matière d'aide aux victimes, un guide sera ainsi diffusé au second semestre 2014, à destination des acteurs locaux. Le comité fait par ailleurs échos aux revendications des bailleurs récemment exprimées devant la mission de lutte contre l'insécurité à l'Assemblée (voir notre article du 16 mai 2014). "Nombre de nuisances récurrentes affectent grandement la tranquillité résidentielle des habitants, face auxquelles les bailleurs se sentent démunis", souligne le rapport. Une "expertise" sera conduite pour faciliter les dépôts de plaintes, protéger juridiquement les personnels, rendre plus opérationnelles les mesures de lutte contre les occupations de halls d'immeubles et les troubles sérieux de voisinage… Deux documents seront diffusés cette année pour permettre aux membres des CLSPD de mieux prévenir les troubles à la tranquillité publique.
Par ailleurs, un dispositif de référencement des bonnes pratiques a été mis en place. Il s'agit de s'inspirer d'expériences locales réussies pour "proposer aux acteurs locaux des fiches méthodologiques". Certaines de ces bonnes pratiques ont déjà fait l'objet d'un recueil diffusé au mois de février.