La PPL "meublés de tourisme" définitivement adoptée

La proposition de loi visant à réguler les meublés de tourisme de type Airbnb a été définitivement adoptée après un dernier votre solennel à l'Assemblée nationale. Le texte fait peser de nouvelles obligations sur les loueurs, donne des pouvoirs étendus aux maires et rééquilibre en partie la fiscalité des locations de courte et de longue durée. 

Après le Sénat, deux jours plus tôt, l'Assemblée nationale a définitivement adopté, le 7 novembre, par 168 voix contre 54, le texte de la proposition de loi (PPL) visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, tel qu'il résultait des travaux de la commission mixte paritaire (lire notre article du 29 octobre ).

Co-auteur du texte, Iñaki Echaniz a, dans un hémicycle très clairsemé, une nouvelle fois justifié les mesures portées par son texte : "Le nombre de meublés de tourisme est passé de 300.000 à 1,2 million en huit ans." Une situation qui, selon le député des Pyrénées-Atlantiques, a entraîné "une hausse de 20% du prix des loyers" dans les zones concernées et raréfié l'offre de logements à l'année au détriment, notamment, des ménages les plus précaires, des étudiants ou encore des travailleurs saisonniers.

Fruit de près de deux ans de travail, le texte adopté s'appuie sur plusieurs mesures, certaines faisant peser de nouvelles obligations sur les propriétaires, d'autres donnant aux élus locaux des moyens de mieux réguler l'implantation des meublés de tourisme sur leur territoire.

Diagnostic de performance énergétique obligatoire

Côté obligations, l'article 1er A dispose que "toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme procède préalablement en personne à une déclaration soumise à enregistrement auprès d'un téléservice national". Cet organisme délivrera alors un numéro de déclaration et informera sans délai la commune ou l'EPCI compétent. Cette mesure permettra une meilleure connaissance du parc locatif par les collectivités publiques et l'État. En outre, si le meublé de tourisme constitue la résidence principale du loueur, celui-ci devra en apporter la preuve dans sa déclaration. Enfin, le maire pourra suspendre la validité d'un numéro de déclaration lorsque le local concerné est visé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité. Dans ce dernier cas, le loueur sera contraint de rembourser la somme versée par un client.

Le texte renforce également les amendes à l'encontre des fraudeurs en cas de fausses déclarations dans la procédure d'enregistrement et institue une amende civile spécifique pour les plateformes de location en ligne ne se conformant pas à l'injonction du maire de retirer les annonces dont les numéros de déclaration ont été suspendus.

Autre obligation nouvelle pour les loueurs de courte durée : l'obligation d'établir un diagnostic de performance énergétique (DPE), sur le modèle de ce qui existe pour les locations de longue durée, afin d'éviter la fuite de celles-ci vers les meublés de tourisme. Les nouveaux meublés de tourisme (hors résidences principales) qui demanderont un changement d'usage devront ainsi fournir un DPE étiquette en F en 2025, E en 2028 et D en 2034. Les meublés de tourisme déjà existants devront fournir l'étiquette D en 2034.

Nouveaux outils pour les maires et les copropriétés

Les nouveaux pouvoirs donnés aux élus locaux sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, et afin d'éviter les abus, les communes peuvent désormais abaisser le nombre maximal de jours de location touristique des résidences principales à 90 jours par an au lieu de 120 jours actuellement.

L'article 2 de la PPL contient ce que l'on a appelé une "boîte à outils" à disposition des maires. En l'occurrence, les mesures renforcent le dispositif d'autorisation de changement d'usage en l'étendant à toutes les communes, facilitent la preuve de l'usage d'habitation dans le temps, incluent les bureaux aujourd'hui non concernés par le changement d'usage. D'autre part, elles donnent la possibilité d'instaurer des quotas de meublés de tourisme sur tout ou partie du territoire d'une commune. Enfin, elles permettent la création dans le PLU (plan local d'urbanisme) de zones réservées aux résidences principales dans les communes possédant plus de 20% de résidences secondaires ou dans les communes situées en zones tendues.

Plusieurs autres mesures concernent spécifiquement les copropriétés. Dans les copropriétés comportant déjà une clause dite "d'occupation bourgeoise", qui n'autorisent que l'habitation ou les activités libérales et interdisent les activités commerciales en dehors des lots dédiés, la modification des règlements de copropriété afin d'interdire la location en meublés de tourisme pourra être adoptée à la majorité des deux tiers, au lieu de l'unanimité actuellement. De plus, à partir de l'entrée en vigueur de la loi, les nouveaux règlements de copropriété devront mentionner de manière explicite l'autorisation ou l'interdiction de la location de meublés de tourisme. Dans la même logique, les propriétaires et les locataires devront informer leur syndic de copropriété en cas de changement d'usage, lequel devra l'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.

Une fiscalité revue... et déjà à revoir

Une autre batterie de mesures, portant sur la fiscalité des meublés de tourisme, était attendue. Sur ce sujet, les débats parlementaires furent fluctuants d'une chambre à l'autre. Finalement, il a été décidé d'aligner l'abattement fiscal consenti aux meublés de tourisme non classés sur le régime de la location nue, soit 30%, au lieu de 50% auparavant, dans une limite de 15.000 euros. En revanche, les  meublés classés et les chambres d'hôtes pourront bénéficier d'un abattement plus avantageux, de 50%, au lieu de 71%, dans la limite de 77.700 euros (contre 188.700 euros actuellement). C'est à propos de ces abattements qu'Annaïg Le Meur, co-auteure du texte, a exprimé son "seul regret", déplorant qu'"il soit encore plus favorable fiscalement de louer un meublé de tourisme". Valérie Létard, ministre du Logement, a d'ailleurs rebondi sur ce propos en confiant que le gouvernement devait encore mener "un travail large sur la fiscalité [du logement]".

Dans un communiqué commun, la Confédération des acteurs du tourisme (CAT), représentant 70.000 entreprises de l'industrie du tourisme, et ADN Tourisme, qui regroupe 1.200 offices de tourisme, comités départementaux et régionaux du tourisme, ont salué des "mesures que les acteurs du tourisme portaient de longue date afin de mieux réguler les meublés touristiques", et notamment, "pour ce qui concerne la fiscalité, [...] une proposition à la fois simplificatrice et adaptée qui permette de lutter contre les investissements spéculatifs tout en demeurant incitative au classement des meublés de tourisme, outil essentiel de qualification et de structuration de l'offre".