Dans l'œil du cyclone, les meublés de tourisme remportent une victoire judiciaire
La plateforme Airbnb vient de remporter une victoire judiciaire contre le principal syndicat des hôteliers français. Cette décision intervient alors que les élus, locaux comme nationaux, tentent toujours de réguler les locations de meublés de tourisme en zones tendues.
Les meublés de tourisme n'en finissent plus de faire parler d'eux. Dernière actualité en date : la décision du tribunal de commerce de Paris, rendue le 21 octobre, de débouter l'Umih (Union des métiers et industries de l'hôtellerie) dans son action contre la plateforme de location de meublés de tourisme Airbnb.
Lancée en 2018 pour "concurrence déloyale", cette action visait, selon l'Umih, "à défendre les intérêts collectifs des professionnels de l'hôtellerie en France et à rétablir un marché de l'hébergement touristique équitable". La principale organisation du secteur de l'hôtellerie-restauration dénonçait "le non-respect systématique des règles en vigueur par la plateforme : absence de numéros d'enregistrement dans les communes concernées, maintien des annonces au-delà des 120 jours légaux pour les résidences principales, mauvaise collecte et déclaration de la taxe de séjour".
Philippe Carrion, directeur général de l'Umih, a également déclaré que "le non-respect de la réglementation par Airbnb contribue à une dérégulation complète du marché locatif, aggravant ainsi la crise du logement. Cette situation affecte directement les professionnels du secteur qui ont de plus en plus de difficultés à loger leurs salariés, notamment les saisonniers, dans les zones touristiques". Avant le procès, l'Umih se disait "confiante" dans l'issue d'une procédure "qui pourrait marquer un tournant décisif pour l'avenir du marché de l'hébergement touristique en France".
Hôtellerie et location de courte durée "complémentaires"
Pour débouter l'Umih de sa demande, le tribunal a notamment estimé que "lors des débats, il est apparu à plusieurs reprises que dans la majorité des lieux où sont implantés les loueurs ou hôtes clients de Airbnb, il ne pouvait exister aucun fait générateur de préjudice pour les membres de l'Umih, les deux activités d'hôtellerie et de location de courte durée étant, sur ces lieux, complémentaires".
Et alors que l'Umih a indiqué qu'elle comptait faire appel de cette décision, Airbnb a précisé "travaille[r] avec de nombreuses villes pour aider les hôtes à se conformer à leurs propres obligations, à l'image de la mise en œuvre de l'enregistrement, de la communication de données et de la collecte et du reversement de la taxe de séjour". "Le droit des familles à louer leur bien est inscrit dans la loi", a ajouté l'entreprise basée en Irlande.
Si ce droit existe bel et bien, force est de constater qu'il est de plus en plus encadré par les collectivités situées en zones tendues. Et ce notamment depuis que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé en 2020 que les demandes d'autorisation préalables instaurées par les municipalités pour louer son logement de manière répétée étaient conformes au droit européen.
Les restrictions des collectivités conformes au droit européen
Parmi ces collectivités, Saint-Malo a obtenu, le 17 octobre dernier, gain de cause devant le tribunal administratif de Rennes. Attaquée par une dizaine de propriétaires de locations touristiques, sa réglementation, mise en place en 2021, qui prévoit un régime d'autorisation de changement d'usage mais aussi l'instauration de quotas par quartiers et la limitation à un bien loué en courte durée par personne physique, a été reconnue conforme à la loi et au droit européen.
Autre exemple : la communauté de communes de la Vallée de Chamonix-Mont-Blanc, qui rassemble des communes classées en zone tendue, a voté fin juillet des mesures de restriction (obligation de solliciter un numéro d'enregistrement et une autorisation d'une durée limitée auprès de sa commune, limitation du nombre de meublés en location pour les personnes physiques) afin de rééquilibrer le nombre de logements permanents par rapport aux logements destinés à la location.
Cette première dans un territoire de montagne met en lumière les difficultés paradoxales de ces zones spécifiques : alors que leur économie repose très fortement sur le tourisme, elles ont également besoin de logements bon marché pour loger les saisonniers et faire tourner cette économie touristique. Ce paradoxe se retrouve dans la position des associations d'élus concernées, à la recherche du bon équilibre entre régulation et incitation. Dans un communiqué du 22 octobre, l'ANMSM (Association nationale des maires des stations de montagne) écrit que "le régime fiscal des meublés doit être protégé au risque de fragiliser tout un pan de la location en stations".
La PPL "meublés de tourisme" de retour au Parlement
Or c'est bien sur leur régime fiscal que les meublés de tourisme risquent d'être le plus attaqués, par la loi cette fois. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit en effet de réintégrer les amortissements déduits des recettes locatives (et correspondant à l'usure du logement) dans le calcul de la plus-value à la vente d'un bien par un loueur en meublé non professionnel imposé au régime réel (article 24 du PLF 2025). Autrement dit, lors d'une vente, la plus-value calculée sur la différence entre le prix d'achat et le prix de vente sera augmentée de la somme des amortissements déduits avant la cession du bien. Le but ? Inciter les propriétaires de logements à privilégier la location vide de longue durée plutôt que la location meublée de courte durée.
Si elle était adoptée lors de la discussion budgétaire en cours, cette disposition pourrait s'ajouter à une refonte de la fiscalité des meublés de tourisme contenue – entre autres dispositions – dans la proposition de loi (PPL) visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale. Voté par les deux chambres avant la dissolution de l'Assemblée nationale de l'été 2024, ce texte – dans sa dernière version adoptée au Sénat – aligne la fiscalité des meublés de tourisme non classés sur celle des locations de longue durée et réduit l'avantage fiscal consenti aux meublés de tourisme classés. Le 17 octobre dernier, le gouvernement a annoncé la convocation d'une commission mixte paritaire afin de décider d'un texte définitif. Malgré la victoire d'Airbnb, l'étau semble donc se resserrer autour des meublés de tourisme.