La plateforme Collectif-Objets de récolement des objets classés s'étend à tout le territoire
Testée avec succès par les petites communes du Grand Est en 2022, la plateforme du ministère de la Culture Collectif-Objets étend en 2023 son périmètre d'action à l'ensemble du territoire. Elle donne la possibilité aux communes de recenser les objets historiques classés et aide les conservateurs à décider des mesures de préservation.
Collectif-Objets était à l’honneur le 16 février 2023. Elle fait partie des start-up d'État choisies par la direction nationale du numérique (Dinum) pour témoigner des bénéfices du fonds d'accélération des start-up d’État et de territoire (Fast) et motiver les administrations à déposer de nouveaux projets (lire encadré ci-dessous). Ce programme d’accélération a permis au projet porté par son "intrapreneur", un conservateur des monuments historiques de Châlons-en-Champagne, Romuald Goudeseune, de donner corps à une idée née en 2020.
Élus enthousiastes
Car en tant que conservateur des monuments historiques affecté aux départements de la Marne et la Haute-Marne, il a pour responsabilité de veiller à la préservation de 2.000 objets. Il doit même produire tous les cinq ans, avec l'appui de conservateurs départementaux, un inventaire sur leur état de conservation. "Autant dire que c’est très difficile. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé que nous nous appuyions sur les communes pour réaliser ce travail de récolement", explique le conservateur. Il n'était cependant pas évident que les élus acceptent de jouer le jeu. "Les élus se sont révélés très enthousiastes. Certains ne connaissaient pas le rôle des conservateurs, d'autres ignoraient que leur commune abritait des trésors protégés", raconte-t-il. C'est ainsi qu’une plateforme numérique a été mise en place avec un fonctionnement le plus simple possible pour être à la portée du plus grand nombre. Et après un test réussi sur quelques communes, le système a été étendu en 2022 à l’ensemble du Grand Est.
Mesures de conservation
En pratique, chaque commune reçoit la liste des objets classés répertoriés dans les inventaires du ministère de la Culture. Parmi ces derniers, énormément d'art religieux mais aussi des tableaux, statues, bibelots et autres curiosités que la commune héberge… ou pas. Car certains peuvent avoir disparu, avoir été déplacés ou volés sans que l’équipe municipale en place le sache nécessairement. "Dans une commune, la mairie nous a confié que la statue de Saint Paul figurant à l’inventaire était en quatre morceaux dans un grenier. Elle s’apprêtait à s’en débarrasser avant qu’elle apprenne qu’il s’agissait d’une sculpture protégée du XVIIe… ", raconte le conservateur. Grâce au travail d’inventaire, qui exige de décrire l’état de l’objet, le conservateur va pouvoir lancer une opération de restauration.
Lutte contre les trafics internationaux
Car l'objectif final de l’opération est bien de restaurer les trésors les plus en danger ou de les protéger du vol. À cet égard, les élus ont exprimé des réticences sur la prise des photos requises par la plateforme, accusées d’attirer les trafiquants d’objets d’art. "En fait, plus on a de photos, moins l’objet est volable nous expliquent les gendarmes. Car avec le croisement des bases d’Interpol et l’intelligence artificielle, on peut plus facilement les retrouver", décrypte le conservateur. Ces photos sont également un facteur de valorisation de ce patrimoine mobilier. Toutes les pièces peuvent d'ores et déjà être visualisées sur la plateforme Collectifs-Objets, elle-même couplée avec la plateforme ouverte du patrimoine (POP) du ministère de la Culture. Mais l'ambition est d’aller plus loin en 2023, notamment en associant les acteurs du tourisme pour créer des parcours de visite.
285.000 objets à recenser
Au total, avec ceux de l'État, la base compte quelque 285.000 objets dans toute la France que Collectif-Objets souhaite recenser en cinq ans. Ce déploiement exige de mobiliser les conservateurs des monuments historiques (chacun gère deux départements) et les interlocuteurs des communes que sont les 200 conservateurs des antiquités et objets d'art (CAOA). Pour le moment, un peu plus d’une vingtaine de départements peuvent utiliser la plateforme. Ils seront rejoints le 14 mars 2023 par le Tarn-et-Garonne. Les statistiques publiées par la plateforme sont encourageantes. Au total 2.100 communes se sont impliquées et plus de 17.000 objets ont déjà été recensés. Plus d’un tiers des communes sollicitées ont réalisé l’inventaire – ce taux de réponse dépasse même 45% en Ariège, en Côte-d'Or et en Meurthe-et-Moselle – quand la start-up d’État attendait un taux de réponse de 20%.
Piloté par Beta.gouv, l’incubateur de la Dinum, le fonds d’accélération des start-up d'État et de territoires (Fast) vient de lancer son treizième appel à candidature. En près de 4 ans et 11 sessions, le Fast a soutenu quelque 50 startups d’État et de territoires et investi plus de 8 millions d’euros. Il permet à des ministères ou des collectivités territoriales de bénéficier pendant 6 mois d’un accompagnement financier, opérationnel et stratégique. Il repose sur un "intrapreneur", un expert métier mobilisé par la structure d’accueil et une équipe associant des compétences numériques, en design ou juridiques. Parmi les projets incubés par la douzième édition on citera Zéro logement vacant, qui expérimente de nouveaux modes de prise de contact avec les propriétaires de logements vacants ; monservicesecurisé qui aide les administrations à sécuriser leurs services en ligne ou encore Signaux faibles qui exploite les bases de données de l'État pour identifier les fragilités des entreprises avant qu’elles ne leur soient fatales. Le treizièmeappel à candidature de Fast est ouvert jusqu’au 15 mai 2023. Les lauréats pourront bénéficier d'un accompagnement à l'accélération d'une valeur équivalente à 30.000 euros, et une enveloppe de cofinancement de 1,5 million d’euros pourra être distribuée entre les lauréats. Fast est destiné aux administrations souhaitant faire passer un service "à fort impact" à l’échelle. |