Logement - La pénurie de foncier entretient la crise
Matière première nécessaire à toute construction de logement neuf, le foncier est le "maillon faible" de la crise du logement, selon la première étude nationale sur le sujet, publiée le 25 avril. Réalisée par Guillaume Erner, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, pour le compte du Syndicat national des professionnels de l'aménagement et du lotissement (Snal), cette étude est la première du genre à évaluer, à partir de trois bases de données (1), la quantité de foncier disponible en France. Partant du constat qu'il existe une relation linéaire entre le nombre de logements produits et la consommation de foncier, les évolutions sont préoccupantes, estime l'auteur de l'étude. Le terrain effectivement utilisé pour bâtir a connu une augmentation sensible ces dernières années (+20% entre 2000 et 2006) mais depuis l'an dernier, la consommation de foncier recommence à diminuer (de l'ordre de 2,5%). Après 420.000 mises en chantier de logements en 2006, les projections pour 2007 tablent sur 400.000.
L'habitat diffus, grand consommateur de foncier
L'augmentation de la consommation de foncier a surtout profité à l'habitat diffus en milieu rural (+6% d'habitants entre 2000 et 2006 contre +2,7% dans le périurbain et +1,1% dans l'urbain) alors que les opérations d'aménagement (ZAC et lotissement) n'ont représenté que 14,2% du foncier consommé pour 19% des logements construits. "L'effort lié à la résolution de la crise du logement, dans un contexte de rareté foncière, a principalement pesé sur le logement collectif", observe Guillaume Erner. Selon lui, l'opération consistant à construire 35% de logements en plus avec une quantité de foncier qui n'a progressé que de 20% a été rendue possible grâce aux économies de foncier réalisées par les programmes collectifs.
Dans la plupart des régions françaises, le foncier utilisé pour le logement a baissé. Le foncier produit n'a augmenté que dans six régions : Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Midi-Pyrénées, Bretagne, Lorraine et Champagne-Ardenne.
La crise du logement ne pourra être résolue que "si une véritable politique foncière est adoptée par les pouvoirs publics" et "l'objectif de 500.000 logements par an ne pourra être atteint qu'à condition de libérer du foncier supplémentaire et de relancer les opérations d'aménagement", selon l'étude.
"Cet objectif est réalisable", affirme Guillaume Erner, car "la France est l'un des pays européens les moins denses et chaque année les pouvoirs publics libèrent trois à quatre fois plus de foncier pour l'activité (215.000 hectares) que pour le logement (55.000 à 70.000 hectares)". Pour Dominique de Lavenère, président du Snal, la question foncière relève avant tout "d'une décision politique".
Transférer la compétence urbanisme aux intercommunalités
Son syndicat, qui déplore que "les collectivités locales mènent une politique de foncier rare", a demandé aux candidats à l'élection présidentielle quelles dispositions ils prendraient en matière d'urbanisme et de politique foncière s'ilsétaient élus. Mais les réponses qu'il a reçues n'ont pas répondu à ses attentes. "Ils se sont contentés d'adresser au Snal un courrier dans lequel ils dénoncent la crise du logement et exposent leur programme, sans aucune mesure concrète sur la programmation urbaine et sur le foncier, qui constituent pourtant les facteurs clés pour résoudre la crise du logement", déplore Dominique de Lavenère.
Le Snal avance pour sa part plusieurs propositions. Il préconise notamment de "transférer la compétence urbanisme aux intercommunalités" et de "faire des documents d'urbanisme des documents de programmation avec obligation de résultats, par la mise en place d'un échéancier de la mise à l'urbanisation des fonciers et l'indication des programmes à réaliser sur ces nouveaux espaces pour répondre aux besoins en logement". Autres préconisations : encourager les "maires bâtisseurs" en améliorant les participations aux financements des équipements publics et simplifier le droit de l'urbanisme, notamment les procédures d'élaboration et de révision des plans locaux d'urbanisme (PLU), et faire du lotissement un véritable outil d'aménagement. Enfin, le syndicat plaide pour la mise en place d'un outil statistique au niveau national pour suivre l'évolution du foncier.
Anne Lenormand
(1) Sitadel, du ministère de l'Equipement, qui comptabilise les ouvertures de chantier pour les logements et les bureaux, Teruti, un service du ministère de l'Agriculture, supprimé en 2004, qui mesurait l'occupation des sols, et les statistiques foncières du ministère des Finances (direction générale des impôts).