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Sécurité civile / TIC - La nécessaire modernisation d'Antares coûteuse pour les Sdis

Dix ans après sa mise en oeuvre, le programme Antares (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) est évalué par la commission des finances du Sénat. Le sénateur Jean-Pierre Vogel (LR) dresse un bilan mitigé de la migration des réseaux de communication utilisés par les Sdis vers le numérique alors qu'au moins 150 millions d'euros supplémentaires seront nécessaires pour adapter l'existant aux normes actuelles (4G).

La commission des finances du Sénat a piloté une mission de contrôle sur le programme Antares (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) dix ans après sa mise en œuvre. Elaborée en 2006 (1), l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT) avait pour objectif de mutualiser les réseaux de police et de sécurité civile. Dans cette optique, le programme Antares visait à faire évoluer les réseaux analogiques des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) vers le numérique, sur la base du réseau Acropol utilisé par la Police nationale. Une décennie plus tard, le sénateur Jean-Pierre Vogel (LR) dresse un bilan mitigé du processus de modernisation des réseaux de communication des sapeurs-pompiers alors qu'une remise à niveau technologique s'impose.

Un passage au numérique marqué par de nouveaux problèmes

En passant de l'analogique au numérique, les Sdis ont pu bénéficier de réseaux plus sécurisés et mieux à même de répondre à leurs objectifs opérationnels et d'optimisation budgétaire. La technologie Tétrapol offrait des services de voix et de données ("communication directe", "relayée"…) adaptés aux besoins tout en réduisant les délais pour établir des communications confidentielles et sans risques de saturation des réseaux. Achevée en 2010, l'extension du réseau de la Police nationale a permis de couvrir 95% du territoire (soit 98% de la population), contre seulement 86% pour le réseau analogique précédent.
Pourtant, malgré la nécessités de faire évoluer ces réseaux, le rapporteur dresse un bilan technique plus que mitigé d'Antares. Le choix initial d'étendre Tétrapol plutôt que Rubis (réseau de la gendarmerie) est aujourd'hui remis en cause alors que les Sdis connaissent des difficultés opérationnelles. L'interopérabilité des réseaux entre les différents départements ne semblent par exemple toujours pas assurée, de même que la possibilité de communiquer entre des véhicules terrestres et aériens. La maintenance des réseaux est désormais à la charge du Secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI-DSIC), ce qui s'est traduit dans les faits par une "baisse de la réactivité en cas de panne". L'Etat a su réagir et des conventions ainsi que des améliorations techniques devraient venir prochainement régler ces problèmes.
Par ailleurs, un tiers des Sdis ont constaté une dégradation de la couverture avec Antares. La persistance de zones blanches ainsi que l'impossibilité d'établir une communication radio dégradée peuvent expliquer cette situation pour le rapporteur, qui rappelle tout de même que la couverture devrait être totale d'ici 2017.

Des surcoûts qui freinent la migration

Toutes ces difficultés opérationnelles ont pour partie provoqué des retards, des reports ou des abandons dans la migration vers le nouveau réseau. Ainsi, si le rapporteur note que le taux d'adhésion est "satisfaisant", avec 82% des Sdis membres d'Antares en 2014, il précise que ce chiffre est "en deçà" des prévisions pour l'année (84%). Une tendance qui a poussé le législateur à revoir ses objectifs à la baisse en 2015, à 86% au lieu de 89%. La phase de déploiement dure en moyenne 3,9 ans, alors même que certaines migrations se sont échelonnées sur six ou huit ans. Un faisceau d'éléments qui laissent à penser que "l'achèvement de la migration des Sdis est incertain" selon Jean-Pierre Vogel.
De plus, au-delà des enjeux techniques, des surcoûts liés à la migration ont également freiné les déploiements. Pour les Sdis, le basculement vers Antares s'est traduit par "des coûts d'investissement liés à la migration" et "des coûts de fonctionnement permanents qui peuvent s'interpréter comme un abonnement à l'INPT", qui devaient être de 14 millions d'euros. Aujourd'hui, il semblerait que "la migration se tradui[se] par un surcoût minimum de 25 millions d'euros". En cause, l'extinction du fonds d'aide à l'investissement (FAI) ainsi que des frais de fonctionnement non-anticipés comme le renouvellement des clés de chiffrement tous les deux ans.
Les Sdis se sont retrouvés avec un outil plus coûteux, parfois dysfonctionnels, dont ils n'utilisent pas tous les potentiels. La fonction permettant de mener de conférences interservices n'a par exemple jamais été utilisées dans 56% des cas. Quant aux liens entre Samu et Sdis, que l'interopérabilité des systèmes devaient faciliter, il semblerait que de nombreux efforts restent à faire, comme par exemple sur la transmission des bilans concernant les patients. Autre enjeu pour le rapporteur, celui de la gouvernance. Pour lui, "la somme des difficultés rencontrées par les utilisateurs témoigne d'un pilotage défaillant". Les administrations centrales et les services techniques du ministère de l'intérieur ne s'appuient pas sur les utilisateurs finaux pour prendre leurs décisions, ce qui créent un décalage entre les instances de décision et le vécu sur le terrain. Une des solutions proposées par le rapport seraient de recueillir les besoins des différents services de terrain par le biais d'outils participatifs numériques.

Quel avenir pour le programme Antares ?

Face à ces contraintes techniques et budgétaires, l'Etat a déjà apporté un certain nombre de réponses, mais le rapporteur note que "c'est également l'avenir du programme qui suscite des inquiétudes". En effet, dans un contexte financièrement difficile pour les départements, la modernisation nécessaire du réseau Antares (passage à l'IP, mutualisation de Rubis et INPT…) pose question et "bouleverse l'économie initiale du projet". Malgré 155,8 millions d'euros déjà investis, il sera nécessaire de rajouter "au moins 150 millions d'euros sur six ans". L'évolution des réseaux commerciaux vers la 4G (de l'ordre du Mo/s) offre des débits plus de mille fois supérieurs à ceux proposés par Antares (de l'ordre du Ko/s), alors même que de nouveaux usages apparaissent dans les missions de protection civile. Les pompiers ne peuvent par exemple transmettre ni image, ni vidéo par les réseaux régaliens. Chose tout à fait possible sur leurs smartphones personnels. Grâce à l'attribution de certaines fréquences de la bande 700 MHz – qui seront libérées en 2020 – un saut technologique (et donc une augmentation des débits) est attendu à horizon 2030. De plus, afin de trouver un seuil de rentabilité, Jean-Pierre Vogel estime qu'il sera nécessaire d'associer des opérateurs d'importance vitale (EDF), tout en en reconnaissant les difficultés en termes de calendrier.

Ivan Eve / EVS

(1) Suite au décret n°2006-106 du 3 février 2006 relatif à l'interopérabilité des réseaux de communication radioélectriques des services publics qui concourent aux missions de sécurité civile. Prévu par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

 

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