Sécurité civile / Santé - Secours à personne : le rapport d'inspection enfin publié
"Six ans après l'adoption du référentiel d'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente (…), et plus de quatre ans après l'échéance fixée pour que les acteurs mettent leur organisation et leurs pratiques en conformité avec ces deux cadres d'action, il reste beaucoup à faire pour y parvenir de manière homogène sur le territoire." C'est la conclusion du rapport d'évaluation de l'IGA et de l'Igas, enfin publié le 3 septembre.
Ce rapport, daté de juin 2014, était attendu depuis le début de l'année par les acteurs du secours. Répondant à un engagement de François Hollande pris lors du congrès des sapeurs-pompiers à Chambéry en octobre dernier, il tardait à voir le jour alors que la tension dans les relations entre les pompiers et les Samu est montée d'un cran ces derniers temps (voir ci-contre notre article du 16 juin 2014).
Pour rappel, ce référentiel d'organisation du secours à personne (SAP) et de l'aide médicale urgente (AMU), qui date de 2008, avait pour but d'améliorer les relations entre les deux corps. Mais il a eu beaucoup de mal à prendre. D'où un besoin de "réévaluation", comme s'y était engagé François Hollande, dans le contexte de la réforme des urgences, pilotée par le ministère de la Santé. Réforme qui vise à permettre à chacun un accès aux soins d'urgence en moins de trente minutes mais à laquelle les sapeurs-pompiers se plaignent de ne pas avoir été associés. Ce que confirment les trois rapporteurs, Sophie Delaporte, inspectrice générale de l'administration, Maximilien Becq-Giraudon, inspecteur de l'administration, et Jean-François Bénévise, inspecteur général des affaires sociales. "Le ministère chargé de la santé a omis d'associer les responsables des sapeurs-pompiers à la réflexion sur l'accès aux soins urgents en moins de trente minutes et ne fait suffisamment pas le lien entre le dispositif des MCS (médecins correspondants du Samu, ndlr) et la politique territoriale de soutien à l'installation des médecins", déplorent-ils.
Bilan contrasté
Les rapporteurs font état d'un bilan pour le moins "contrasté", avec des situations très différentes d'un département à l'autre, même si dans une majorité d'entre eux, "des progrès ont eu lieu".
Ils relèvent tout d'abord des couacs en termes de communication. Le déploiement du réseau de radiocommunications Antares s'est ainsi avéré plus lent que prévu : 67 services d'incendie et de secours et 47 Samu étaient équipés au 1er décembre 2013. De plus, dans la moitié des départements, les deux services ne partagent pas leurs informations en temps réel, faute de logiciels d'interconnexion. En matière de téléphonie, un quart des services ne disposent pas de lignes dédiées entre eux.
Pour les interventions que les Sdis effectuent en carence des Samu, principale pomme de discorde entre les deux services, le flou persistent. "Seuls 57% des Sdis et 31% des Samu répondants mentionnent une convention d'appui logistique. Pour les autres, il n'est pas possible de savoir si un tel appui n'existe pas ou si les acteurs estiment qu'une prestation entre deux services publics ne doit pas être facturée."
Le rapport relève une quinzaine de situations de blocage concernant les conventions Samu-SIS, Samu-ambulanciers et Samu-SIS-ambulanciers (Alpes-Maritimes, Corse du Sud, Gard, Loiret, Nord, Rhône, Savoie…).
Plan d'action départemental
Pour sortir de ces situations, les rapporteurs, qui formulent pas moins de 45 recommandations, en appellent à un meilleur pilotage au niveau national, pour ne plus donner libre cours aux "prises de position des acteurs de terrain" ou à leurs représentants nationaux, alors que la DGSCGC (direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises) et la DGOS (direction générale de l'offre de soin) sont considérées comme "peu enclines à travailler ensemble et ayant une faible capacité à dégager des positions conjointes constructives". Ils recommandent de resserrer les liens entre ces mêmes directions et les services au niveau local.
D'un point de vue opérationnel, le rapport demande aux acteurs locaux de mener une "réflexion locale sur la meilleure répartition de la prise en charge des urgences vitales dans l'intérêt du patient". La prise en compte de la gravité de l'intervention permettrait d'éviter aux sapeurs-pompiers d'intervenir systématiquement pour des traumatologies bénignes, de type foulures de cheville. Ils invitent également les Sdis et les Samu à travailler plus étroitement avec Ssiap (services de sécurité incendie et d'assistance à personne) imposés dans les établissements recevant du public. Ils préconisent enfin l'élaboration d'un plan d'action départemental à trois ans afin de définir "les actions à conduire sur la période, leur ordre de priorité, leur calendrier de mise en oeuvre et les objectifs à atteindre".
Les inspecteurs proposent de renouveler cette évaluation dans trois ans, "le temps pour les autorités locales et les acteurs opérationnels de s'accorder sur des plans d'action et de les mettre en œuvre".