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Sport - La loi-cadre sur le sport éparpillée façon puzzle

Il n'y aura pas de loi-cadre sur le sport. Si la nouvelle n'a pas été annoncée telle quelle, le doute n'est plus permis. La grande mise à plat que le sport attend depuis 1984 ne verra pas le jour. En lieu et place, des réformes par petites touches viendront faire un peu de ménage dans un secteur que les évolutions de ces trente dernières années ont rendu poussiéreux, voire dangereux pour les collectivités quand il s'agit des rapports avec le sport professionnel.
Mercredi 14 mai, autour de la nouvelle ministre des Sports, Najat Vallaud-Belkacem, les parlementaires de la majorité investis dans le sport ont discuté "très librement" des politiques sportives du gouvernement. A en croire Régis Juanico, député de la Loire, la ministre "veut faire preuve de pragmatisme". On peut donc s'attendre à voir des textes arriver très vite, et pas toujours par la voie où on les attendait. Ainsi a été voté jeudi 15 mai au soir, dans le cadre du projet de loi ESS "économie sociale et solidaire" (voir ci-contre notre autre article de ce jour), un article permettant au gouvernement de procéder par ordonnance sur la question de la simplification de la vie associative. Quels impacts pour les acteurs du sport sur le terrain ? La gestion des dossiers de subventions du CNDS (Centre national pour le développement du sport), le régime d'autorisation des manifestations sportives sur la voie publique ou le certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive pourront être réformés sans recours à la loi. "On a fait des milliers de rapports là-dessus, des milliers de recommandations, maintenant il faut agir", commente Régis Juanico.

Les lois de décentralisation à la rescousse

Autre morceau du puzzle qui, à la base, pouvait échapper à la loi-cadre : la répartition des compétences entre les collectivités locales qui va être traitée dans le cadre des véhicules législatifs sur la décentralisation. "On va s'inscrire dans ce texte pour tout ce qui concerne le sport, la coordination régionale du sport, etc.", explique Régis Juanico. Pour le parlementaire, auteur l'été dernier d'un rapport consacré à la politique de soutien au sport professionnel et aux solidarités avec le sport amateur, les textes à venir sur la décentralisation devraient servir à définir de nouvelles relations entre les collectivités locales propriétaires des équipements et les clubs, mais aussi à clarifier les compétences entre territoires. Selon lui, il existe deux échelons majeurs à considérer : "D'un côté, la région pour ce qui concerne la coordination des schémas d'équipements, des politiques sportives à l'échelon régional, la formation, la montée vers le sport de haut niveau. De l'autre, l'intercommunalité, un échelon approprié pour les équipements de proximité et pour soutenir un certain nombre de clubs."
Sur la décentralisation toujours, selon nos informations, le transfert des Creps (centres de ressources, d'expertise et de performance sportive) aux régions est toujours d'actualité. Toutefois, l'échéance initialement prévue du 1er janvier 2015 sera sans doute difficile à tenir. En effet, aucune réunion sur ce sujet délicat impliquant les personnels du ministère ne s'est tenue depuis le remaniement et aucun rendez-vous n'a été pris à ce jour.

Gouvernance : quelle place pour les collectivités ?

Président de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), Jacques Thouroude, a lui aussi affiné sa vision sur les réformes à venir lors d'un entretien récent avec Thierry Braillard. Tout d'abord, le renoncement à la loi-cadre ne semble pas le chagriner : "Dans cette loi, on pêchait très large et cela amène souvent à des difficultés d'application", confie-t-il. Surtout, il fait confiance au nouveau secrétaire d'Etat aux Sports : "Je n'ai pas senti de réticence par rapport aux priorités des collectivités. Thierry Braillard est ancien adjoint aux sports de la ville de Lyon et connaît bien ces problématiques." Mais leurs points de vue convergeront-ils à l'heure d'aborder le problème central de la gouvernance ?
Car s'il fallait trouver une seule cause à l'enterrement de première classe de la loi-cadre, ce serait celle de la gouvernance. Or, dans l'esprit du nouveau ministère, le partenaire à privilégier est le mouvement sportif, à commencer par le Comité national olympique et sportif (CNOSF), en guerre larvée contre Valérie Fourneyron durant deux ans. Si Najat Vallaud-Belkacem entend ménager cet acteur de poids (voir ci-contre notre article du 6 mai), elle n'a encore rien dit sur la place qu'elle compte accorder aux collectivités. "Ce qui me paraissait important dans le projet de loi de Valérie Fourneyron, c'était la place des collectivités dans la gouvernance. On ne peut pas se priver des élus et des collectivités, plaide Jacques Thouroude. J'ai fait des propositions pour acter le fait que nous étions les premiers financeurs du sport sur notre territoire. Il faut donc que les communes et intercommunalités aient une place prépondérante dans cette gouvernance, à la hauteur de l'implication des uns et des autres." Une position que le nouveau duo ministériel devra considérer avec bienveillance pour ne pas risquer d'ouvrir un nouveau front.
Vie associative, compétences, gouvernance… si certains sujets sont déjà sur le métier, d'autres pourraient facilement émerger. Lors des discussions entre la ministre et les parlementaires de la majorité, la possibilité de déposer des projets comme des propositions de loi a été évoquée. Des textes qui pourraient porter sur l'éthique et l'intégrité sportive, la santé publique, le sport pour tous, la solidarité entre sport professionnel et sport amateur ou encore la régulation du sport professionnel. Sur ce dernier sujet, Jacques Thouroude est demandeur : "Un texte refondateur des rapports entre sport professionnel et collectivité est nécessaire. Aujourd'hui, les seules qui prennent les risques sont les collectivités. Il faut un moyen de favoriser les investissements privés mais aussi de protéger les risques pris par autrui. Je parle donc d'un partenariat privé-public, et non public-privé. Le risque doit d'abord être pris par le porteur de projet privé." Après deux ans d'un match inachevé, une nouvelle partie a débuté, la balle est désormais dans le camp du ministère.