La justice annule l'ouverture des musées de Perpignan, Roselyne Bachelot prête à des expérimentations sur les spectacles
Le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la suspension des arrêtés du maire de Perpignan autorisant l'ouverture de quatre musées de la ville. Le maire d'Issoudun a lui aussi procédé samedi à la réouverture partielle d'un musée, avec un protocole strict. Les associations d'élus, dont France urbaine, ne souhaitent pas sortir du cadre légal mais se disent prêtes à proposer des expérimentations. La Fédération nationale des collectivités pour la culture dit son impatience. Roselyne Bachelot a pour sa part évoqué deux "concerts tests" en grand format.
Après plusieurs semaines d'atonie dans les premiers temps du couvre-feu, les musées et les festivals redeviennent l'épicentre du débat sur la réouverture des lieux de culture. Alors que la justice administrative vient d'annuler l'arrêté du maire (RN) de Perpignan autorisant la réouverture des quatre musées de la cité catalane (voir notre article du 9 février 2021), les prises de positions de collectivités se multiplient et Roselyne Bachelot, confrontée à la pression croissante des organisateurs de festivals sur les perspectives de cet été (voir notre article du 11 février 2021), annonce l'organisation de deux expérimentations à Marseille et Paris.
Perpignan : la messe est dite
Dans son ordonnance du 15 février, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier prononce, sans grande surprise, la suspension des arrêtés du maire de Perpignan du 8 février 2021 autorisant l'ouverture du musée des monnaies et médailles Joseph Puig, du muséum d'histoire naturelle, du musée Hyacinthe Rigaud et du musée de la Casa Pairal, en attendant qu'il soit statué sur le fond.
Après avoir rappelé le cadre juridique posé par les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire, le juge des référés, saisi par le préfet des Pyrénées-Orientales, considère que les quatre musées de la ville relèvent bien des "établissements de type Y : musées, salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle (scientifique, technique ou artistique, etc.), ayant un caractère temporaire" visés par l'article 45 du décret du 29 octobre 2020 "prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'urgence sanitaire".
Dans ces conditions, "le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par les arrêtés contestés du 8 février 2021 qui autorisent leur ouverture est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ces décisions, sans qu'y fasse obstacle la mise en place de protocoles sanitaires particulièrement stricts diminuant ainsi fortement le risque de transmission du virus dans ces établissements ou une évolution favorable du contexte sanitaire, qui, si elles sont susceptibles de remettre en cause l'appréciation portée par le Premier ministre sur la fermeture de ce type d'établissement, ne peuvent permettre à un maire de procéder lui-même à cette ouverture". Louis Alliot a aussitôt annoncé son intention de faire appel devant le Conseil d'État.
Issoudun tente sa chance, Beauvais propose d'expérimenter
La décision du juge des référés de Montpellier fragilise aussi la position d'André Laignel, maire (PS) d'Issoudun et premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF). Celui-ci a en effet procédé, le 13 février, à la réouverture du musée de l'Hospice Saint-Roch. Invoquant une "expérimentation", mais hors de tout cadre national, le maire d'Issoudun a notamment fait valoir, dans un communiqué du 12 février, que la fermeture "permanente et totale est devenue manifestement disproportionnée" et que "les musées sont des lieux de culture essentiels [...], des lieux où le risque de contamination est le plus faible [...], où on ne mange pas, ne boit pas, ne fume pas, où l'on est invité à ne pas toucher". La réouverture, assortie d'un protocole sanitaire strict (pas plus d'une personne pour 30 m2), n'est toutefois pas totale. Elle concerne uniquement les "galeries contemporaines du musée", tandis que les salles anciennes, "plus étroites et imbriquées, resteront dans un premier temps fermées".
D'autres maires, plus prudents, préfèrent attendre, tout en proposant d'être lieu d'expérimentation pour la réouverture des musées. C'est notamment le cas de Caroline Cayeux, la maire (divers droite) de Beauvais, et présidente de Villes de France. Interrogée sur France Info le 16 février, elle s'est dite prête "à être zone pilote" et indique avoir "proposé à la ministre de la Culture que soient mises en place des zones sanitaires expérimentales sur le plan culturel". La maire de Beauvais précise au passage qu'"il vaut mieux être réglo dans les démarches municipales ; nous devons donner l'exemple et nous pouvons être force de proposition".
La FNCC et France urbaine restent dans les clous
De son côté, la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC) – qui vient de changer de président le 8 février en la personne de Frédéric Hocquard, adjoint à la maire de Paris en charge de la nuit et du tourisme – choisit de ne pas sortir du cadre légal. Tout en intitulant son communiqué du 15 février "On ne peut plus attendre...", elle explique que "les collectivités sont à l'œuvre" et que "nombre d'entre elles témoignent d'une volonté, d'une intelligence de la situation et d'une inventivité pour faire et non seulement attendre de faire".
La FNCC, qui souhaite être reçue en urgence par la ministre de la Culture, appelle donc à l'élaboration de "cadres sanitaires lisibles et clairs" (en s'inspirant d'initiatives de collectivités) et à reconnaître "la portée nationale de l'engagement des collectivités". Elle alerte aussi sur "les tensions budgétaires croissantes des collectivités, du fait notamment d'une gestion mal compensée des structures culturelles placées sous leur responsabilité directe".
Enfin, dans un communiqué du 12 février, France urbaine explique que les élus des grandes villes et agglomérations "se joignent aujourd'hui à la demande des professionnels de la culture d'étudier les conditions d'une réouverture progressive des équipements culturels, au premier rang [desquels] les musées, les théâtres et les cinémas". Pas question toutefois de passer outre les règles nationales. France urbaine se dit en revanche "prête à accompagner une réouverture des équipements culturels". Ces réouvertures pourraient "être établies dans le cadre d'un premier volet expérimental en fonction des équipements culturels et des paramètres sanitaires territoriaux". Et "en lien avec les services de l'État et les autorités sanitaires, plusieurs configurations pourront être envisagées pour permettre une réouverture au grand public et établissements scolaires".
Concerts : bientôt trois expérimentations grandeur nature
Si Roselyne Bachelot n'a pas encore pris position sur ces différentes suggestions, elle a revanche annoncé l'organisation de plusieurs concerts tests dans les semaines à venir. Interrogée le 16 février sur LCI, la ministre de la Santé a redit, sans pour autant avancer de date, être "très optimiste pour les festivals et spectacles assis. Pour les spectacles debout, c'est plus compliqué".
"Plusieurs expérimentations" devraient ainsi avoir lieu en mars et en avril, afin de définir un protocole compatible avec la lutte contre la pandémie de Covid-19. Roselyne Bachelot a évoqué "deux concerts tests assis avec possibilité de se lever au Dôme de Marseille", qui affiche une capacité modulable allant jusqu'à 8.500 places. La capacité de ces concerts tests – avec notamment le groupe marseillais IAM, selon Le Figaro – devrait toutefois être beaucoup plus réduite, le chiffre de 1.000 places ayant été évoqué. Ces deux concerts pourraient avoir lieu "dans la deuxième quinzaine de mars". Il est également envisagé d'"organiser un concert debout à l'Accor Arena [à Paris Bercy, ndlr] en avril", cette fois-ci avec le groupe Indochine (toujours selon Le Figaro). La capacité de plus de 20.000 places serait toutefois ramenée à 5.000.
Dans les deux cas, Roselyne Bachelot a indiqué que "les entrants seront testés, mais les personnes positives ne seraient pas filtrées" – formulation qui méritera d'être précisée –, ceci s'ajoutant aux règles sanitaires habituelles (port du masque, gel hydroalcoolique...). Compte tenu du temps nécessaire pour évaluer les conséquences sanitaires de ces concerts tests, les dates annoncées pour ces tests n'augurent pas d'une éventuelle réouverture généralisée des salles avant fin avril ou début mai.