La justice annule le dispositif de votation citoyenne de Grenoble
Le tribunal administratif de Grenoble, saisi par la préfecture, a annulé jeudi le dispositif d'interpellation et de votation citoyenne de la ville dirigée par le maire écologiste Eric Piolle, qui a dénoncé une "vision étriquée de la démocratie" et a annoncé faire appel.
Le préfet de l'Isère avait déposé une requête et ses mémoires en mars 2017 et février et avril 2018, après avoir essuyé en janvier 2017 un refus de son recours gracieux auprès de la mairie dirigée par une coalition EELV-Front de Gauche et citoyens.
Promesse-phare de campagne d'Eric Piolle pour "renforcer la démocratie locale", aux côtés des conseils citoyens et des budgets participatifs, la procédure d'interpellation et de votation citoyenne avait été mise en place en mars 2016.
Une première pétition demandant l'abrogation d'une délibération municipale de juin 2016 sur les nouveaux tarifs de stationnement - sujet sensible - avait recueilli 2.000 signatures.
Cette proposition, débattue en septembre 2016 au conseil municipal mais sans vote, avait ensuite été soumise au vote des Grenoblois, sans toutefois recueillir les 20.000 voix nécessaires pour que le maire soit "engagé"
politiquement (et non juridiquement) à la mettre en oeuvre dans les deux ans.
Le tribunal administratif, sans retenir tous les arguments du préfet, en a mis un en exergue pour annuler la disposition : le droit de pétition et de votation était ouvert aux habitants de la commune âgés de plus de 16 ans - résidents étrangers compris - or la Constitution ne reconnaît ce droit qu'aux électeurs, c'est-à-dire aux personnes majeures inscrites sur les listes électorales.
Le préfet Lionel Beffre a souligné dans un communiqué que le TA avait reconnu une démarche "à bon droit", car "la commune s'est substituée au législateur, qui fixe le cadre du référendum et du droit de pétition, et a donc excédé le cadre de ses compétences".
"C'est une vision très étriquée et passéiste de la démocratie. Cette attaque sur notre dispositif innovant marque une fragilité dans le rapport aux habitants et aux citoyens", a déclaré à la presse Eric Piolle.
"Trier ceux qui participent au territoire en fonction de l'inscription sur les listes électorales est une vision rétrécie", a déploré l'écologiste, qui entendait créer un "entraînement à la démocratie" pour les jeunes et éviter une fracture avec les étrangers.
Le tribunal "reconnaît que le dispositif est innovant mais il ne rentre pas dans les clous, c'est une erreur", a affirmé Eric Piolle, rappelant qu'il avait été bâti avec des "experts en droit et en démocratie participative pour rentrer dans la loi". "C'est donc une question d'interprétation de la loi."
L'édile grenoblois s'est dit prêt à aller jusqu'au Conseil d'Etat, dans l'hypothèse où l'appel, non suspensif, irait dans le même sens que la première décision.
Eric Piolle a aussi rappelé que le chef de l'Etat avait "évoqué à plusieurs reprises le droit à l'expérimentation".
Depuis le début du dispositif, 26 pétitions ont été lancées et ont recueilli "plus de 12.000 signatures". Dix d'entre elles ont été retenues.
Hormis celle sur le stationnement, une a abouti à une délibération sur la lecture publique et une autre portant sur la rénovation urbaine et l'avenir d'un ensemble HLM va être débattue au prochain conseil municipal du 18 juin.