La géographie de la croissance de l'emploi est stable en France depuis 40 ans
Malgré les profondes mutations économiques qui transforment nos territoires depuis des décennies, la géographie de la croissance de l'emploi n'a pas bougé depuis 40 ans en France, pas plus que celle du chômage depuis les années 1990. C'est l'un des constats que fait l'Observatoire des territoires du commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) dans son rapport 2016.
Quarante ans de mutations économiques et de tertiarisation des emplois dans notre pays n'ont eu que peu d'effets sur la géographie de la croissance de l'emploi et du chômage, constate le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) dans le rapport 2016 de l'Observatoire des territoires. "Cela s'explique en particulier par la dynamique démographique", ont commenté le 13 février 2017, Jean-Michel Thormary, commissaire général à l'égalité des territoires, Jean-Christophe Baudouin, directeur des stratégies territoriales, et l'équipe de l'Observatoire des territoires. Entre 1975 et 2012, l'emploi en France métropolitaine a augmenté de 5 millions de postes (soit + 0,57% en moyenne par an), surtout dans les zones où la croissance démographique a été la plus forte. C'est le cas notamment de la grande couronne parisienne, des villes moyennes du Grand Ouest, de la Gironde, du bassin toulousain et du pourtour méditerranéen (Var, agglomération de Montpellier en premier lieu).
Ce sont les périphéries des grandes agglomérations qui montrent le plus fort dynamisme démographique et économique. "C'est le marqueur d'un phénomène de périurbanisation bien connu", estime le CGET. A l'inverse, les espaces en déclin démographique ont vu leur nombre d'emplois diminuer sur la période 1975-2012 : zones peu denses du centre et du nord-est de la France, massif pyrénéen, centre de la Bretagne et Perche. Malgré la stabilité récurrente de la géographie de la croissance de l'emploi, le CGET note un certain "resserrement spatial" depuis 2007. Les territoires les plus dynamiques sont désormais situés sur la façade ouest (zones de Rennes et de Nantes, littoral aquitain), dans la région de Toulouse, dans le quart sud-est de pays (agglomération lyonnaise, genevois français, littoral languedocien, Drôme-Ardèche et région Paca) et en Corse.
Une géographie du chômage stable depuis 1990
La géographie du chômage n'a pas, elle non plus, bougé depuis les années 1990. On observe toujours des disparités importantes selon les territoires : en 2014, les taux de chômage en France métropolitaine variaient de 4,8% dans la zone d'emploi de Houdan (Yvelines) à 17,9% dans la zone d'Agde-Pézenas dans l'Hérault. Ce taux atteignait 34,4% en Guyane, dans la zone d'emploi de Saint-Laurent. "Les espaces les plus affectés par le chômage (DOM, nord-est et littoral languedocien principalement) sont de plus en plus souvent les mêmes d'un recensement à l'autre, ce qui n'était pas le cas dans les années 1980", note le rapport. Ce sont les zones qui étaient déjà les plus en difficulté qui ont été les plus affectées par la crise de 2008-2009. Toutefois, un même taux de chômage n'a pas partout la même signification. A Montpellier, Narbonne, Perpignan et Avignon par exemple, la croissance de l'emploi est "parmi les plus dynamiques depuis 1975 sous l'effet d'une croissance démographique soutenue". Pour autant, celle-ci ne parvient pas à faire baisser le taux de chômage, "en raison d'un afflux quasi-permanent de nouveaux actifs".
C'est dans les grandes aires urbaines (1) que la croissance de l'emploi a été la plus forte : en 2012, 81,5% des emplois en métropole étaient situés dans ces zones, contre 78% en 1975. A première vue, cette évolution semble conforter la thèse de la métropolisation. Toutefois, nuance le CGET, "les villes qui ont globalement connu la croissance la plus dynamique présentent des situations très hétérogènes". La croissance économique a été entraînée par quelques agglomérations de l'ouest et du sud (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier) alors que d'autres parmi les très grandes aires urbaines "ont au contraire connu une croissance plus faible que le score national (Saint-Etienne, Rouen, Douai-Lens, Lille). A l'inverse, des aires urbaines plus petites connaissent une forte croissance de l'emploi. Elles sont presque toutes situées au sud-est d'une ligne Cherbourg-Lyon.
"Tout ne se passe pas dans les métropoles"
"Les disparités de croissance de l'emploi dans les aires urbaines ne sont pas lisibles au seul prisme de leur taille, et dépendent fortement du contexte régional", souligne le rapport. "Il faut en effet nuancer l'idée que tout se passe dans les métropoles", relève Jean-Michel Thormary. "Sur toute la façade atlantique et le couloir rhodanien, on observe des petits lieux de croissance qui ont acquis leur autonomie." D'ailleurs, le pacte Etat-métropoles du 6 juillet 2016 prévoit la signature de pactes métropolitains d'innovation qui doivent "inciter les métropoles à étudier la manière d'accompagner le dynamisme des petites zones", ajoute le commissaire général.
La concentration de l'emploi dans les aires urbaines se double d'un mouvement fort de périurbanisation de la population depuis plusieurs décennies. Ces mouvements en sens contraire ont pour conséquence "un décalage spatial croissant entre les lieux de travail et les lieux de résidence, qui posent d'importantes questions d'appariement de la main-d'oeuvre et des besoins des employeurs". Ce phénomène touche avant tous les couronnes des grandes villes, la région parisienne et les métropoles de la moitié ouest du pays, et a pour corollaire des trajets domicile-emploi qui s'allongent vers les pôles urbains (+ 6 kilomètres en moyenne entre 1982 et 2008).
(1) L'Insee définit une grande aire urbaine comme un ensemble de communes constitué par un pôle urbain de plus de 10.000 emplois et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. Il existe 242 grandes aires urbaines en France.