Archives

La Fédération des centres sociaux et Question de ville rendent hommage aux "passeurs" des quartiers

Les "passeurs", ce sont ceux qui ont un pied dans le quartier, un pied dehors, ceux qui écoutent avec bienveillance, ouvrent des horizons et "tissent la confiance". La Fédération des centres sociaux et Question de ville, qui leur ont donné la parole, appellent les pouvoirs publics à soutenir les solidarités de proximité sans les dénaturer et à viser prioritairement la mobilité sociale - avant la mixité sociale - des habitants des quartiers populaires.

"Ce qu'on vit, c'est beaucoup plus positif que ce qu'on nous montre dans les médias." C'est un jeune homme des quartiers nord de Marseille qui le dit. C'était le 2 février 2017 à Paris, à l'occasion de la présentation du troisième rapport de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) et de Question de ville (l'association des directeurs des pôles ressources politique de la ville) sur la parole des habitants de quartiers populaires.
Intitulé "Tisser la confiance dans les quartiers populaires", ce rapport met en avant des habitants qui ont grandi dans des territoires de la politique de la ville, qui ont réussi, souvent grâce à "de belles rencontres", à prendre leur vie en main et qui, à leur tour, aident des habitants de leur quartier. L'ouvrage rend hommage à ces "passeurs" - des parents, des voisins, des instituteurs, des facteurs… - qui, souvent en dehors des cadres institutionnels, ont donné de leur temps à d'autres et "ont porté [sur eux] un regard de confiance qui les a aidés à avancer", selon Bénédicte Madelin, ancienne directrice de l’association Profession Banlieue et membre de la coordination Pas sans Nous.
A partir des témoignages d'habitants d'une quinzaine de villes - dont Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), Paris, Nancy (Meurthe-et-Moselle), Montbéliard (Doubs), Lingolsheim (Bas-Rhin) ou encore Creil (Oise) - et de professionnels de centres sociaux, l'ouvrage retrace de belles histoires et met à jour "les voies de l'alchimie" - "être à l'écoute", "partager son savoir", "encourager et accompagner, plutôt qu'assister"…

Préserver les lieux de rencontre

Pour la FCSF et Question de ville, puisque cette attention à l'autre peut avoir beaucoup d'impact dans la vie des habitants des quartiers populaires, il importe de comprendre comment et dans quelles conditions cette solidarité peut advenir. "L'idéal, pour que s'opère l'alchimie, est la convergence entre un réseau dense de structures collectives et l'engagement personnel de femmes et d'hommes animés par le désir d'aider les autres ; la présence d'équipements publics ou d'associations sur le territoire permettant de soutenir et de démultiplier l'action de ces derniers. "C'est d'ailleurs bien souvent au centre social que les habitants ont le réflexe d'aller pour proposer de l'aide, en demander ou simplement rencontrer d'autres personnes.
Pas question, donc, de laisser entendre qu'il n'y aurait qu'à laisser faire les bonnes volontés. "Pour que ces territoires ne se replient pas sur leurs propres ressources, (…) il faut que certains, qui ont en quelque sorte un pied dehors et un pied dedans, puissent continuer à y ouvrir ces brèches vers l'ailleurs, à y enclencher ces dynamiques libératoires." La FCSF et Question de ville appellent donc à soutenir ces "passeurs" et, plus globalement, cette philosophie d'action dans les quartiers, fondée sur l'"écoute" et la "bienveillance", à travers six propositions. Ils invitent notamment à "porter une attention particulière aux lieux de l'hospitalité et du vivre ensemble", à préserver les maisons de quartier, les centres sociaux ou encore les espaces de jeux. A ce propos, ils appellent à la vigilance sur les opérations de rénovation urbaine qui peuvent "casser des solidarités de proximité". Après les transformations, "les gens n'arrivent pas à se reconstruire une identité tout de suite", a témoigné la directrice d'un centre social de Neuilly-sur-Marne.

Faire revenir les professionnels sur le terrain

Les professionnels de centres sociaux et des centres de ressources estiment en outre nécessaire de "rééquilibrer les moyens en faveur des objectifs de mobilité sociale". A la mixité sociale à tout prix, ils opposent la création de conditions favorables aux "trajectoires constructives, qu'elles soient personnelles, professionnelles ou résidentielles". Pour cela, les professionnels de la politique de la ville, mais aussi de l'action sociale et de l'éducation populaire, doivent être beaucoup plus sur le terrain, dans une approche de développement social local, défendent la FCSF et Question de ville.
Ces derniers appellent les pouvoirs publics à "soutenir l'initiative" mais à ne surtout pas "l'inscrire dans des procédures administratives contraignantes, comme les appels à projets, des calendriers prescrits". Et, l'action de ces "passeurs" devant conserver sa spontanéité, il ne s'agit pas de la rémunérer - pour François Vercoutère, délégué général de la FCSF, l'intervention des médiateurs sociaux ou encore des "voisins malins" qui sont rémunérés, relève d'une autre logique.
Avec ce rapport, après les deux premiers opus sur la parole des habitants - sur la rénovation urbaine en 2012 et sur la jeunesse en 2014 -, la FCSF et Question de ville entendent enfin, à l'approche de l'élection présidentielle, "porter haut une image des quartiers populaires plus conforme à la réalité, sans alarmisme ni angélisme".