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La donnée environnementale, un potentiel à transformer pour les territoires

Au cœur de la transition écologique, la donnée environnementale s’avère difficile à mobiliser pour les territoires. À Rennes, dans le cadre du projet Rudi, la collectivité explore le potentiel des réseaux de capteurs pour densifier les observations et faciliter le passage à l’action.

Sur les portails open data locaux comme nationaux, les données environnementales foisonnent mais restent encore peu exploitées. Comment faire pour que ces données environnementales contribuent effectivement à renforcer le "pouvoir d’agir" des collectivités comme des citoyens ? Cette question était à l’ordre du jour d’un webinaire organisé le 1er février 2022 par la métropole de Rennes et la Fondation internet nouvelle génération (Fing) dans le cadre du projet européen Rudi. On rappellera que Rudi ambitionne créer un "réseau social de données" sur des problématiques d’intérêt territorial telles que l’environnement.

Répertorier les données existantes

La donnée environnementale est en effet emblématique pour un projet qui souhaite associer acteurs publics, privés, associatifs et universitaires autour d’enjeux communs. Avec pour premier défi de définir un sujet très extensible. Comme le relève la Fing, la donnée environnementale recouvre en effet des thématiques aussi diverses que l’environnement au sens strict (eau, sol, air, espaces naturels…), la biodiversité (évolution des espèces et des habitats) mais aussi les flux circulant sur le territoire (ressources, alimentation, mobilité, déchets, énergies…). L’un des chantiers de la Fing est du reste de tenter un inventaire des données environnementales mobilisables par les territoires. Avec l’idée d’en tirer des indicateurs opérationnels, pour les aider à établir un diagnostic, mesurer le niveau de pression environnementale ou encore suivre la réalisation d’objectifs. Ce travail, assorti d’une méthodologie et de cas d’usages, associera OpenDataFrance.

Beaucoup de données non accessibles

Ces sources publiques brossent cependant un tableau très imparfait des réalités locales. "Beaucoup de données environnementales ne sont pas des données publiques, beaucoup sont personnelles – comme les consommations d’eau ou d’énergie – et beaucoup demandent un niveau d’expertise élevé", énumère Matthieu Brient, chargé de mission à la Fing. Les données doivent aussi être rendues plus "actionnables" en réduisant "la boucle de rétroaction entre leur production et leur diffusion", notamment parce que leur coût de production et de stockage est lui-même impactant pour le climat. Il s’agit aussi de faciliter l’accès à ces données "la plupart des bases existantes étant cloisonnées quand les usages ne le sont pas". Enfin, la donnée environnementale exige un travail de médiation pour aider le plus grand nombre à l’interpréter et à se l’approprier.

Utiliser des réseaux de capteurs

Les territoires ne doivent cependant pas attendre que l’ensemble des producteurs de données environnementale libèrent leurs données pour agir. Rudi explore une autre piste, celle des réseaux de capteurs, projet qui prend tout son sens sur un territoire qui dispose d’un réseau ioT basé sur la technologie LoRa. C’est ainsi que Rudi s’est rapproché du projet Terra Forma, piloté par le CNRS et financé par le plan d’investissement d’avenir (PIA 3). Positionné comme un "observatoire de l’anthropocène", il s’intéresse aux interactions entre les humains, le vivant et leur environnement. Il entend déployer d’ici 2029 sur une quinzaine de sites (à l’échelle nationale) des réseaux de capteurs sur un vaste champ d’investigation : eau, air, sols … Basé sur la co-construction des projets d’observation avec les territoires, il privilégie des technologies ouvertes "low cost" permettant la mobilisation de fablabs et de dispositifs de médiation scientifique. Pour Rennes, le projet s’inscrit dans la continuité des Ambassad’air – équipement de rennais en capteur d’air – mais s’en différencie par l’ambition. Si Ambassad’air visait une prise de conscience de la pollution de l’air, il s’agit désormais de produire des données validées et standardisées pour qu’elles soient pleinement exploitables.

Un premier capteur sur les nitrates

C’est ainsi que l’université de Rennes teste un dispositif mobile pour mesurer la teneur en nitrates de l’eau potable ou d’une rivière, sujet particulièrement sensible en Bretagne. Le système couple une plaquette réactive aux composants chimiques à une application capable d’interpréter les résultats et de les faire remonter dans une base de données. "Les résultats de ces tests ont un niveau de fiabilité similaire voire meilleur que ceux d’un laboratoire", souligne Laurent Longuevergne, chercheur au CNRS en charge du projet Terra Forma. Ces données n’ont pas vocation à se substituer aux mesures existantes mais plutôt à affiner le diagnostic et à permettre aux acteurs "de se réapproprier les questions environnementales là où l’on vit".

Partagées au sein de la plateforme Rudi, les données de ces réseaux de capteurs ont vocation à être traduites en indicateurs, cartes et autres applications. Un travail qui associera chercheurs, étudiants, fablabs et espace de médiation numérique et environnementales.