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Services numériques - La donnée au coeur de la réflexion de la FNCCR

Sous l'intitulé "Données des villes, données des champs", la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a proposé un état des lieux et temps d'échanges sur la donnée ("data") dans les politiques publiques. Si de très nombreux chantiers restent toujours ouverts, la donnée apparaît bien comme un outil fondamental au service des collectivités.

Le colloque de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) qui s'est tenu le 16 décembre dernier a mis la donnée à l'honneur. Intitulée "données des villes, données des champs", cette journée d'échanges a été l'occasion d'aborder un ensemble de sujets comme les modèles de collecte ou de gestion, ou encore les finalités des politiques de la donnée ("data"). Si de nombreux chantiers restent toujours ouverts, la donnée semble désormais s'inscrire en creux de la modernisation de l'action publique, tant pour les territoires ruraux qu'urbains. 

La donnée pour créer de la valeur

La donnée, qu'elle soit "big", "shared" ou "open", est de plus en plus présente dans la gestion et les politiques des collectivités. Si la notion de "donnée utile" reste encore mal définie, dans la mesure où elle dépend des possibilités techniques, des objectifs, des finalités et du contexte local, un consensus semble néanmoins se dégager autour de ses potentiels. Un constat que fait Pascal Sokoloff, directeur général de la FNCCR, en formulant deux grands enjeux de la donnée pour les acteurs publics.
"La donnée est un outil d'amélioration des performances des services publics et la migration vers la numérisation doit les rendre plus efficients, grâce à une réduction des coûts et une gestion optimisée". La donnée permet alors d'affiner les modèles et revêt, dans certains cas, un caractère prédictif.
Deuxièmement, les données peuvent contribuer au "développement économique des territoires grâce à des processus de fertilisation croisée et à la mise en commun de bases publiques et privées". La réutilisation des données par différents acteurs peut alors produire des externalités positives pour le territoire. On voit ainsi se dessiner deux axes de réflexion quant à la donnée publique : l'ouverture des données à l'ensemble des acteurs (citoyens, acteurs privés et publics…) (open data) et le partage de données entre acteurs estimés comme pertinents (acteurs publics, opérateurs privés de services publics…) (shared data) en vue de créer de la valeur.

La donnée répond à un besoin

Le colloque a permis de mettre en lumière une multitude d'approches en matière de données, sans qu'il soit cependant possible de mettre en avant un modèle en particulier. Entre une approche par secteur (énergie, transports…), par outils (échelle territoriale de la plateforme, réseaux...) ou dès lors que l'on pose la question des jeux de données, les possibilités qui s'offrent aux collectivités sont multiples. Ce faisant, les retours d'expériences proposées par les intervenants ont permis de mettre en exergue plusieurs points.
Tout d'abord, la donnée peut être publique ou privée. Si le projet de loi numérique devrait redonner la main aux acteurs publics sur les données produites dans le cadre d'une délégation de service public, les données personnelles restent pour l'instant problématiques dans de nombreux cas de mutualisation.
Ensuite, comme l'a expliqué Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local de la Caisse des Dépôts, c'est avant tout le traitement des données qui est producteur de valeur. Par traitement, Gabrielle Gauthey entend le fait de croiser des jeux de données pertinents, collectés dans le temps, afin de répondre à un objectif précis. La pertinence ne vient pas de la donnée mais des finalités, c'est-à-dire de ce que l'on souhaite en faire. Les acteurs peuvent alors définir les jeux de données à collecter ou à partager. En ce sens, une politique de la donnée repose avant tout sur des objectifs fixés par la collectivité : réduire le nombre d'accidents, la consommation d'énergie, améliorer ou réinventer les services publics...

Le difficile passage à l'échelle

Plusieurs interventions sont cependant venues rappeler le caractère pour l'instant expérimental des initiatives sur la donnée. Il n'existe toujours pas, par exemple, de modèle économique durable de l'Open Data.
Selon Gabrielle Gauthey, la prochaine étape est "de travailler à la durabilité des projets en vue d'un passage à l'échelle". "Les expérimentations dans l'Open Data, par le financement de démonstrateurs et la structuration d'opérateurs, doivent permettre de faire émerger un modèle rentable, notamment sur la base des retours d'expériences". En passant soit par des délégations de services publics, soit par des consortiums mêlant acteurs publics et privés, la Caisse des Dépôts cherche à consolider des projets viables où le "business model permet des retours pour la collectivité et le privé". Pour cela, "la collectivité doit conserver sa capacité d'organisation et d'innovation tout en travaillant au sein d'un modèle décloisonné, le moins fermé possible et dans lequel les données ne seraient pas captées par le privé" – tout en étant attractif pour le privé.
Lors de son discours d'ouverture, si le président de la FNCCR, Xavier Pintat, a rappelé les potentialités qui s'ouvraient aux collectivités, il a également insisté sur la vigilance dont vont devoir faire preuve agents et élus sur ces sujets. Face à la nouveauté, à la multitude d'acteurs et d'intérêts, le sénateur de la Gironde a précisé que "les solutions retenues devront répondre aux attentes des collectivités et des usagers", tout en précisant qu'il "faudra être capable d'en mesurer les coûts et les avantages". Pour lui, "la fracture numérique ne devra pas se transformer en une fracture des usages et de la donnée, avec l'exclusion de certains territoires".
Ce risque d'une nouvelle fracture, Jean-Luc Dupont (vice-président de la FNCCR) l'a également détaillé en prenant l'exemple des compteurs intelligents. Certains usagers ne pourront accéder à l'ensemble des services faute de disposer des compétences, des outils (smartphone) ou de la connectivité nécessaire. Ainsi, derrière les données, c'est toute une infrastructure numérique qui devra être mise à niveau pour en exploiter pleinement les potentiels, particulièrement dans les territoires ruraux.

La donnée pour transformer les services publics

La transversalité et la transparence que permettent le numérique et plus particulièrement les données provoqueront sans doute, comme cela a été évoqué par plusieurs intervenants, des transformations majeures des politiques publiques.
Gabrielle Gauthey évoquait le besoin de "décloisonner", de mettre fin aux silos horizontaux (entre les différents secteurs) et verticaux (au sein d'un même secteur, entre les différents acteurs de l'énergie par exemple). Le partage ou l'ouverture de la donnée, pour produire de la valeur, remet alors en cause certaines formes d'organisation. Ce sont également des évolutions d'ordre technologique qui sont à prévoir, qu'ils s'agisse des coûts énergétiques de la donnée (capteurs, datacenters, relais…) mais également des capacités de stockage – le chiffre de 200.000 Go/jour pour une ville d'un million d'habitants a par exemple été avancé. Face à ces effets de volume, les systèmes d'information actuels devront évoluer et s'adapter. Un univers de la donnée dans lequel les grands opérateurs (GAFA en tête) occupent par ailleurs une place prédominante, et qui nécessitera, pour la FNCCR, une vigilance accrue.
Enfin, ce sont de nouvelles logiques démocratiques qui pourront potentiellement émerger avec l'ouverture des données, en créant, pour Pascal Sokoloff, "les conditions de la contestation de la régulation locale". Pour Gabrielle Gauthey, la donnée et le numérique vont faire évoluer l'action du citoyen. En plus du renforcement du "citoyen électeur" (par l'information), c'est un "citoyen capteur" (producteur de données) mais également "acteur" de sa collectivité (participation directe aux politiques publiques) ou encore "financeur" (financement direct de l'infrastructure ou de la politique publique) qui émerge actuellement. Toutes ces questions, qu'elles soient d'ordre technique, organisationnel ou démocratique, renvoient au modèle de gouvernance, qui demeure encore, pour l'instant, en cours de définition.

Vers une nouvelle gouvernance de la donnée ?

Le projet de loi pour une République numérique, évoqué longuement lors du colloque, devrait ouvrir le chapitre de la gouvernance de la donnée. Si les acteurs publics semblent les mieux placer pour assumer le rôle de tiers de confiance en matière de données numériques, la question de l'échelle et des modalités se posent. Dans son rôle, le tiers de confiance aura à charge de protéger la vie privée du citoyen tout en facilitant la réutilisation des données. Si les avis divergent sur la nature de ce tiers - Etat, collectivités, syndicats mixtes… - son caractère public ne fait aucun doute pour la FNNCR, tout comme sa proximité avec le terrain. Les métropoles semblent par exemple indiquées pour remplir ce rôle, tout comme certains syndicats mixtes, à l'image de l'Alpi ou du Sictiam. Dans les territoires ruraux, ces structures ont en effet l'avantage d'être neutres, non-partisanes et de promouvoir une véritable vision d'avenir pour le numérique.
Enfin, de l'avis de tous les participants, l'ensemble des questions mentionnées jusqu'ici – sur la nature des données, la gouvernance, les finalités – ne peuvent être pensées hors d'une véritable volonté et impulsion politique, soutenues par les services. Les politiques publiques de la donnée s'avèrent être des enjeux à part entière, qui induisent de nombreuses externalités et qui doivent, en ce sens, être portées par des élus.

 

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