PLF 2019 - La discussion du volet "collectivités" sera-t-elle vraiment un long fleuve tranquille ?
Du fait de la stabilité globale des dotations et de l'absence de grande réforme, les dispositions du projet de budget pour 2019 consacrées aux collectivités territoriales n’ont à première vue pas de quoi susciter de grands débats. Pourtant, plusieurs dispositions font déjà réagir les élus locaux.
La discussion à venir du volet "collectivités territoriales" du projet de loi de finances pour 2019, qui se présentait a priori comme un exercice facile pour le gouvernement, ne sera peut-être pas, en définitive, une promenade de santé.
Sur les dispositions du projet de budget pour 2019 concernant le secteur public local, "il n'y a aucune surprise, nous sommes exactement dans la mise en œuvre de ce qui a été indiqué", déclarait vendredi 28 octobre un proche du ministre de l'Intérieur devant quelques journalistes. Au total, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales seront en légère hausse et s'établiront à 48,2 milliards d'euros.
Ce projet de budget "prévoit un niveau qui n'avait jamais encore été atteint de moyens financiers orientés vers la solidarité en faveur des territoires ruraux et urbains fragiles", souligne-t-on aussi place Beauvau. L'augmentation, en 2019, de 190 millions d'euros au total des dotations de solidarité rurale et urbaine (+90 millions chacune) et des dotations de péréquation départementales (+10 millions), porte à 33% la part des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales dédiés à la péréquation.
Soutien à l'investissement départemental
Autre élément positif mis en avant par le ministère de l'Intérieur : le soutien de l'État en faveur de l'investissement du secteur communal, qui est maintenu à un niveau élevé (près de 1,8 milliard d'euros). On indique à ce sujet qu'il s'agit d'"une politique volontaire de soutien à l'investissement des collectivités et non d'une mesure d'accompagnement des collectivités dont on baisse par ailleurs les moyens", comme cela aurait été le cas sous le précédent quinquennat. Toutefois, les autorisations d'engagement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) sont prévues à la baisse (de 615 millions d'euros en 2018 à 570 millions d'euros l'an prochain). Le ministère explique la différence par la "fin de la montée en puissance des contrats de ruralité".
Le gouvernement affiche également le soutien à l'investissement des départements comme l'une de ses priorités. L'article 81 du PLF 2019 réforme la dotation globale d'équipement (DGE) des départements en une dotation de soutien à l'investissement départemental. "Les plus petits départements n'ont pas recours à la DGE", explique l'entourage de Gérard Collomb. Ils sont insuffisamment "outillés administrativement" pour monter les dossiers, alors que l'opération est compliquée. Il en ressortirait "une disparité très forte dans l'accès à ce financement".
La nouvelle dotation, dont le montant serait équivalent à celui de l'actuelle DGE (212 millions d'euros), sera attribuée de la même manière que la DSIL, c'est-à-dire selon "un modèle qui marche", assure-t-on place Beauvau. Dans son attribution, le préfet de région jouerait un rôle clé.
Certaines dotations sont en baisse, mais dans des proportions limitées
Autre bonne nouvelle pour les collectivités : les dotations qui d'ordinaire sont minorées pour financer certaines des mesures en faveur des collectivités territoriales (c'est-à-dire les variables d'ajustement) baissent cette année de seulement 144 millions d'euros, soit une réduction de 3,7% - contre une diminution de 323 millions d'euros dans la loi de finances pour 2018. "La compensation de l'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) au profit des travailleurs indépendants, qui a été décidée dans la loi de finances pour 2018, ne pèsera pas sur les variables d'ajustement", indique le ministère. L'État prendra en charge son coût de 120 millions d'euros en 2019. "Les minorations des variables d'ajustement sont équilibrées entre les catégories de collectivités", souligne de son côté Bercy. Elles s'élèvent à 40 millions d'euros pour les régions et sont d'un même montant pour les départements. Pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, la charge s'établit à 64 millions d'euros.
Le cabinet du secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics insiste pour sa part sur le souci qu'a eu le gouvernement de dialoguer avec les élus locaux en amont de la présentation de ce projet de budget. "On n'a pris personne par surprise", insiste-t-il. "Par le passé, on avait assisté à des séances explosives du comité des finances locales. Le jour de la présentation du projet de budget, les élus découvraient à quelle sauce ils allaient être mangés !" Ce temps est révolu, assure-t-on. On en veut pour preuve une réunion organisée avec les représentants des associations d'élus locaux au cours de la semaine qui a précédé la présentation en conseil des ministres – et devant le comité des finances locales - du projet de loi de finances pour 2019. Les ministères ont alors détaillé toutes les mesures concernant les collectivités territoriales qui ont définitivement intégré le projet de loi.
Pour les maires de petites villes, "un affichage habile"
Ce projet de budget ne satisfait pourtant pas pleinement les élus locaux. Tout en reconnaissant le respect des engagements de l'État de stabiliser les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, leurs associations ont mis en avant plusieurs griefs. Dans un communiqué, l'Association des petites villes de France (APVF) a critiqué "un affichage habile" qui masque "une réalité moins souriante". En n'indexant pas les dotations sur l'inflation – sachant que celle-ci est plus vigoureuse - le PLF 2019 "impose aux collectivités territoriales des efforts importants alors qu'elles ont contribué le plus à la réduction du déficit public", a regretté l'association. Qui a rappelé, en outre, que la progression de la solidarité en faveur des communes les moins favorisées est financée sur l'enveloppe globale des dotations - et non par un effort de l'État.
L'Assemblée des départements de France (ADF) devrait être satisfaite du fait que l'État entende, dans ce PLF 2019, "apurer" une dette de 84 millions d'euros envers les départements. La somme correspond à "des restes à payer" en matière de DGE issus d'exercices antérieurs. D'après la place Beauvau, les présidents de départements, qui ont récemment rencontré le gouvernement, ignoraient l'existence de cette dette. En annonçant qu'il va l'honorer, l'État aurait donc réservé une jolie surprise aux élus des départements. Mais va-t-il réellement sortir son portefeuille ? D'après un document que Bercy a récemment diffusé aux associations d'élus locaux, ces 84 millions d'euros seraient en réalité financés par la minoration des variables d'ajustement. Autrement dit, ils seraient mis à la charge des budgets de l'ensemble des collectivités territoriales.
Dans tous les cas, l'ADF formule d'autres griefs à l'égard du PLF. L'une des dispositions de la réforme de la DGE ne passe pas. Les départements ayant signé au cours du premier semestre 2018 un contrat de maîtrise de la dépense locale et qui, en 2019, auront respecté leurs engagements, pourraient bénéficier d’une majoration de leur taux de subvention sur les opérations bénéficiant d'un soutien de l'État. La clause est inadmissible pour l'ADF, qui s'est vigoureusement opposée au dispositif de limitation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Les représentants des départements sont d'autant plus agacés qu'ils ont découvert les intentions du gouvernement lors de la séance du CFL du 25 septembre dernier. Ils regrettent donc de n'avoir pas été informés plus tôt.
Part régionale de TVA : Régions de France dénonce "une attaque"
On aurait pu penser que ce PLF apaiserait un peu les relations entre le gouvernement et les régions, dont les élus ne cessent de dénoncer "une recentralisation rampante". Il n'en sera probablement rien. De nouvelles tensions s'annoncent en effet en raison de l'article 26 du projet de loi, une mesure apparemment technique qui vise à "neutraliser le montant de FCTVA versé sur la part de TVA affectée aux régions". Le FCTVA (fonds de compensation de la valeur ajoutée) assure, rappelons-le, une compensation de la charge de TVA que les collectivités supportent sur une partie de leurs investissements et qu’elles ne peuvent récupérer par voie fiscale. Parce qu'une fraction de TVA est attribuée depuis l'an dernier aux régions, "l'État ne bénéficie plus de la plénitude des recettes" de cet impôt, explique l'entourage du ministre de l'Intérieur. Conséquence : "L'État rembourse [la TVA aux collectivités territoriales] sur une assiette plus vaste que les recettes qu'il perçoit." Le ministère explique encore qu'une alternative aurait consisté à "baisser le taux de concours du FCTVA" (actuellement de 16,404%). Mais, dans ce cas-là, précise-t-il, "on aurait fait payer aux communes le fait que [la loi] ait affecté de la TVA aux régions".
Problème : l'ajustement pourrait coûter 14 millions d'euros en 2019 aux régions. Et une centaine de millions d'euros en 2021 et chacune des années suivantes, selon les calculs de Régions de France. Un chiffre à comparer aux 144 millions d'euros de produit supplémentaire de TVA que les régions perçoivent cette année et à la progression de 117 millions d'euros espérée par Régions de France pour l'an prochain. "Bercy essaie de récupérer les deux tiers de la dynamique de la TVA. C'est totalement inacceptable", s'agace l'association. Qui affirme avoir découvert le projet du gouvernement au cours de la semaine précédant la présentation du PLF. "L'information délivrée a été minimale, il n'y a pas eu de concertation", critique-t-elle.
Les débats pourraient prendre de l'ampleur en vue - et lors - de l'examen de la première partie du PLF par la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui aura lieu les 9 et 10 octobre.