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La délégation à la prospective du Sénat invite les territoires à se saisir du télétravail

Plébiscité par les salariés, générateur de gains écologiques et sociaux, le télétravail semble promis à un bel avenir. Pour la délégation à la prospective du Sénat, son développement partout en France dépend cependant de la capacité des territoires à créer un environnement favorable au télétravail.

En 2017, la France comptait seulement 3% de télétravailleurs réguliers, 4% le pratiquant occasionnellement. Trois ans plus tard, du fait du confinement sanitaire, toutes les personnes dont le poste était compatible avec un travail à distance étaient contraintes d’y recourir. Et en mars 2021, un salarié sur quatre était encore en télétravail. Une pratique amenée à perdurer sur laquelle s’est penchée la délégation à la prospective du Sénat dans un rapport publié le 21 octobre 2021 signé de Céline Boulay-Espéronnier (Paris, LR), Cécile Cukierman (Loire, CRCE) et Stéphane Sautarel (Cantal, LR).

80% des salariés favorables au télétravail

Première évidence : le télétravail généralisé n’est pas pour demain, car "seulement 30 à 50% des actifs peuvent télétravailler". Les tâches créatives se révèlent par ailleurs plus propices au télétravail que les routinières et, dans la majorité des cas, le télétravail ne concerne qu’un à deux jours par semaine. Le télétravail répond surtout à une aspiration des salariés – 80% ont déclaré vouloir continuer à télétravailler après la crise sanitaire – en évitant des déplacements et en aidant à mieux concilier vie personnelle et professionnelle. Favorable à l’environnement et au bien-être social, il suscite en revanche un enthousiasme plus modéré de la part des organisations qui craignent de perdre le contrôle de leurs salariés.

Risque de délocalisation volontaire

Si la délégation voit dans le télétravail "une opportunité à saisir", elle pointe plusieurs risques, à commencer par celui de la délocalisation. Une entreprise peut ainsi être incitée à délocaliser certaines tâches vers des pays pour profiter de coûts du travail plus faibles qu’en France. "Le phénomène existe cependant déjà", relève le rapport. Il est à atténuer par le manque mondial de main d’œuvre qualifiée. En revanche, un nouveau risque émerge avec la délocalisation volontaire de personnes pouvant exercer leur métier à distance, partout dans le monde. D’un point de vue social, les avancées comme l’accès facilité au travail des personnes handicapées et des femmes, ou encore l’innovation managériale sont à tempérer par la création de nouvelles inégalités. Les conditions de télétravail peuvent en effet varier fortement d’un territoire à l’autre en fonction de la qualité de la connexion internet, de la taille du logement ou de l’offre de services de proximité. S’y ajoutent "les risques liés à l’isolement, à la sédentarité et au brouillage entre vie personnelle et professionnelle".

Transports publics et urbanisme impactés

Pour les sénateurs, le télétravail va s’inviter durablement dans les politiques publiques. Le modèle des quartiers d’affaires, destinés à des cadres dont les tâches sont largement dématérialisables, leur parait ainsi "obsolète". Le développement du télétravail a également des effets induits sur l’organisation et le financement des transports publics – quid du versement transport pour des entreprises totalement passées au télétravail ? Tout comme l’urbanisme et la politique du logement. Les villes moyennes à portée de TGV, dotées d’un bon niveau de services éducatifs, culturels et de santé, sont identifiées comme les principales bénéficiaires du développement du télétravail. Le mouvement a du reste commencé avec l’émergence d’un "nouvel exode urbain". Pour l’éviter, les sénateurs incitent les grandes agglomérations à réfléchir à la reconversion de bureaux en logements et à l’adaptation de l’habitat à la problématique du télétravail.

Les vertus des tiers-lieux

Quant aux territoires ruraux, les collectivités territoriales ont avec le télétravail une opportunité pour "relocaliser les activités et attirer de nouveaux habitants". "L’arrivée de la fibre optique ne fera pas tout" met en garde la délégation sénatoriale, "il faut aussi une offre de services de proximité". Une offre qui passe notamment par la création de datacenter locaux ou de tiers-lieux, dont les vertus sont vantées par les sénateurs. "Tiers-lieux et espaces de coworking limitent l’isolement des télétravailleurs et créent une séparation entre la sphère professionnelle et la sphère privée". Ils supposent cependant que les organisations acceptent de prendre en charge les coûts d’accès à ces espaces, aujourd’hui essentiellement fréquentés par des indépendants.

Dans leur recommandation, les sénateurs préconisent la création d’un observatoire du télétravail avec un suivi annuel des pratiques ou encore l’élaboration de référentiels pour que le télétravail essaime et ne soit pas limité à quelques secteurs. Cet observatoire sera notamment destiné à éclairer les parlementaires sur la nécessité, ou non, de légiférer.